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“L’une des plus importantes leçons que j’ai apprise ces deux dernières années : toute forme d’activisme est nécessaire et compte. […] Exiger une place dans ce monde est une forme d’activisme et tous les moyens sont bons. C’est ce que je dirais à un·e jeune artiste. “

C’est ce que Solange Knowles, chanteuse primée aux Grammy Awards expliquait dans une interview pour W Magazine en septembre 2016. Elle souligne l’importance de l’artiste. Non pas en tant que précurseuse ou génie, mais comme porte-voix. Comme Louise Bourgeois, Frida Kahlo ou Nina Simone avant elle, Solange Knowles ne doute pas qu’art et politique sont compatibles.

Ils sont même indissociables. En ces temps troublés, les voix des femmes raisonnent pour dénoncer des oppressions, qu’elles soient racistes, sexistes, LGBT-phobes ou autres, et, ensemble, elles permettent aussi de dessiner d’autres mondes.

Si ces voix sont indispensables, elles ne sont pas sans conséquences pour les artistes. Surtout lorsqu’on est une femme. On se rappelle l’histoire de Nina Simone, qui en payé de sa carrière. On se rappelle les propos de Bette Davis. Dans une interview pour le Detroit Shirley Eder en 1963, l’actrice affirmait ainsi « je crois que l’intelligence est un terrible obstacle dans la vie privée, mais je crois que dans la vie professionnelle c’est parfois pire ». Pourquoi, nous demandons-nous ? « Parce qu’il y a un profond ressentiment de la part des hommes. […]  Nous travaillons toutes pour des hommes. Ce sont eux qui dirigent, et je crois qu’ils préfèrent les femmes qui ne pensent pas par elles-mêmes, qui ne sont pas indépendantes » répond-elle. Dénoncer n’est néanmoins pas si simple. “Un homme qui donne son opinion, c’est un homme, une femme qui donne son opinion, c’est une garce” ajoute Bette Davis. “Angry Black woman” pour les unes, “Sale hystérique” pour les autres…  C’est pourquoi on ne peut pas exiger d’une artiste qu’elle soit le porte-voix de toutes les femmes. Forcer celles qui sont dominées, parfois de multiples façons, à se jeter à corps perdus dans le rôle de militante sans en voir les risques n’est qu’une injonction naïve supplémentaire.

Ceci étant dit, le message – a fortiori artistique – est politique. Lorsqu’on choisit un sujet, on tait les autres. Qu’on le veuille ou non. Audre Lorde, poétesse et féministe noire-américaine, prend l’exemple de la poésie. « La poésie fait en sorte que quelque chose se passe. Cela vous permet de vous réaliser. Cela vous permet de vivre votre vie, que vous le vouliez ou non ». Par ces mots, elle nous rappelle que nous n’avons pas le choix de l’engagement. Il est inhérent à notre condition. Et si la force des femmes artistes, de leurs oeuvres est indéniable, l’écho de leurs mots est libératoire.

Cette newsletter a été écrite par Rebecca Amsellem, fondatrice de la newsletter Les Glorieuses et Kiyémis, blogueuse et auteure afroféministe. Sur « Les Bavardages de Kiyémis« , Kiyémis traite des questions de racisme, sexisme et d’acceptation de son corps. Son recueil de poésie « À Nos Humanités Révoltées » sortira en mars 2018 aux Éditions Métagraphes.