Est-ce la première fois que vous lisez cette newsletter ? Rejoignez les plus de 100,000 lecteurs et lectrices. Inscrivez-vous ici Ne gardez pas cette newsletter pour vous : partagez la newsletter avec vos ami·es (copiez ce lien). Cette newsletter est gratuite : votre don représente beaucoup (et on offre en septembre un carnet Les Glorieuses x Dirty Notes à toutes les personnes qui nous font un don de plus de 50 euros). La semaine dernière, dix d’entre vous ont sauté le pas : merci mille fois ! Au Zimbabwe, une porte violette est synonyme de refuge contre les violences domestiques par Tafadzwa Mwanengureni Dans sa maison d’Epworth, une banlieue du sud-est de Harare, Emilda Ngwerume a subi pendant quinze ans les violences incessantes de son mari. Sa vie était dictée par la peur : elle ne savait jamais quand tomberait la prochaine insulte, le prochain coup ou l’énième épisode d’humiliation. « Chaque fois que je lui demandais de l’argent pour couvrir les dépenses de la famille, il me battait et m’insultait », raconte Mme Ngwerume. « Même lorsque je cherchais refuge chez sa mère, il me suivait, menaçant de défoncer la porte si elle refusait de me laisser sortir. » Piégée par sa dépendance financière, Ngwerume n’avait aucune échappatoire. Les normes sociales, qui tolèrent ou justifient largement la violence domestique, jouaient aussi contre elle. La stratégie nationale de lutte contre les violences sexistes du gouvernement zimbabwéen prévoit de réduire ces cas de 30 % d’ici 2030. Une ligne d’assistance a bien été ouverte en 2021, mais ces mesures restent insuffisantes pour enrayer le fléau. Selon la Banque mondiale, en 2024, près de 39,4 % des femmes au Zimbabwe ont subi des violences physiques et 11,6 % des violences sexuelles. Rien qu’en 2024, la police a enregistré plus de 31 000 cas, a déclaré à la newsletter Les Glorieuses son porte-parole, Paul Nyathi. Un refuge derrière une porte violetteEn mars 2024, après un nouvel accès de violence de son mari, Ngwerume, désespérée, a tout quitté et a erré dans les rues surpeuplées d’Epworth, à la recherche d’une porte violette. Derrière cette porte, lui avait-on dit, se trouvait un refuge qu’elle ne trouverait nulle part ailleurs. En 2023, RhoNaFlo, une organisation de soutien aux mères adolescentes, s’est associée à un groupe de sages-femmes traditionnelles d’Epworth pour lancer l’initiative Purple Door, un mouvement communautaire destiné à venir en aide aux victimes de violence domestique. Les sages-femmes ont peint les portes de leurs maisons en violet, les transformant en refuges. À l’intérieur, elles offrent désormais écoute, conseils et orientation vers la police ou des professionnels de santé mentale, selon les besoins de chaque « Juste après le lancement, 17 d’entre nous ont suivi une formation en conseil dispensée par une organisation appelée Someone Always Listens To You. Cela nous a donné les outils nécessaires pour aider les victimes de violences sexistes », explique Tsitsi Nyakudanga, membre de Purple Door. ![]() Photo d’une porte violette postée sur le compte Instagram de l’organisation RhoNaFlo Lorsque Ngwerume a frappé à une porte violette dans sa communauté, elle a rencontré Mugoma, une accoucheuse qui l’a accueillie et accompagnée chez elle pour parler à son mari. Mugoma s’est présentée calmement, amenant le couple à discuter de façon informelle de leurs problèmes conjugaux. Ngwerume et son mari ont ensuite suivi deux mois de thérapie intensive, qui, selon elle, a tout changé. « Purple Door m’a sauvé la vie », dit-elle. « Depuis que mon mari et moi avons suivi une thérapie, il a arrêté de boire et de me battre. Il est aujourd’hui un père responsable. » Depuis le lancement, Mugoma affirme avoir aidé environ 18 victimes par semaine. Son statut respecté de sage-femme, ainsi que la réputation des bénévoles comme étant en lien avec la police, ont contribué à modifier le comportement de nombreux hommes violents. « Nous parlons aux auteurs de violences avec patience et professionnalisme, en les conseillant aux côtés de la victime. Si les violences persistent, j’accompagne la survivante au poste de police et je dépose plainte moi-même », raconte-t-elle. Une seule intervention a échoué : l’auteur des violences a quitté la communauté avec sa famille après que Mugoma lui a annoncé qu’elle allait le dénoncer. En juillet, RhoNaFlo a suspendu ses activités pour se conformer à la réglementation gouvernementale sur les associations bénévoles. Mais les sages-femmes ont poursuivi leur travail, seules. Briser le silenceEn novembre, le mariage de Memory Gweshe a failli voler en éclats lorsque sa fille adolescente s’est enfuie. Pendant plusieurs jours, son mari l’a maltraitée physiquement et émotionnellement, lui reprochant le comportement de leur enfant. N’ayant personne d’autre à qui se confier, cette femme de 35 ans s’est rendue à une porte violette. Là, une accoucheuse traditionnelle est intervenue pour faciliter la réconciliation avec son mari. « Mon mari voit désormais les choses telles qu’elles sont : il comprend que ce n’était pas ma faute. Il a même accepté que notre fille revienne à la maison lorsque son mariage a échoué », explique Mme Gweshe. Depuis le lancement de l’initiative, les membres de Purple Door n’ont reçu aucun financement, les bénévoles assumant elles-mêmes toutes les dépenses. Pourtant, leur travail est jugé remarquable par les personnes expertes. « Ces mouvements populaires au Zimbabwe créent un espace sûr où les victimes peuvent partager leurs expériences sans craindre d’être jugées », estime Nodeshah Maingehama, directrice de la branche zimbabwéenne de Girl Up, un mouvement mondial en faveur de l’égalité des filles. « Le gouvernement se désintéresse souvent de ces questions au niveau communautaire. Ce sont les organisations locales qui comblent ce vide », ajoute-t-elle. Les bénévoles de Purple Door reconnaissent que leur principal défi réside dans les normes sociales et la peur de la stigmatisation. Beaucoup de femmes hésitent à dénoncer les violences domestiques, et certaines mettent longtemps à réaliser qu’elles sont victimes d’abus. « Les victimes admettent rarement qu’elles sont maltraitées, car dans notre société il est considéré comme normal qu’un mari batte sa femme », explique Nyakudanga. Margaret Matsamvi, directrice de la justice économique au sein de l’ONG Women Project, souligne par ailleurs que la capacité des auteurs de violences à corrompre les fonctionnaires dissuade les victimes de recourir à la justice. Pour Tendai Chitunhu, responsable de projets chez Musasa, une organisation qui soutient les survivantes, les lacunes dans l’appareil judiciaire – tels que les reports d’audience – découragent également les femmes de porter plainte. Cette newsletter a été produite en collaboration avec Egab, elle a été éditée par Megan Clement puis traduite par Rebecca Amsellem. À gagner : Le Bel Obscur de Caroline Lamarche, sorti le 22 août aux Éditions du Seuil dans le cadre de la Rentrée Littéraire« Raconter est la plus intime manière d’être intime. Le récit remplace le lit. » Sélectionné pour le Prix Goncourt et le Prix Décembre 2025, Le Bel obscur est un roman aussi délicat que puissant. Caroline Lamarche y raconte l’histoire d’une femme qui, en enquêtant sur un ancêtre oublié, revisite sa propre vie : son premier amour, son mari, qui lui a révélé être homosexuel ; le choc, puis la libération, l’invention de nouvelles façons d’aimer et de rêver. Nous vous proposons ce concours dans le cadre de notre partenariat avec Les Editions du Seuil. ![]() Les choses que je recommande
Le miracle qui sauve le monde, le domaine des affaires humaines, de la ruine normale, « naturelle », c’est finalement le fait de la natalité, dans lequel s’enracine ontologiquement la faculté d’agir. En d’autres termes : c’est la naissance [de personnes] nouvelles, le fait qu’elles commencent à nouveau l’action dont elles sont capables par droit de naissance. Hannah Arendt
Les Glorieuses, c’est une newsletter que j’écris depuis environ 10 ans. Je puise dans le monde des idées ce qui peut nous aider à comprendre ce qui nous entoure et ce qu’on ressent. Et parfois, ici-même, naissent des mouvements qui changent la vie des femmes. Vos retours me permettent d’améliorer cette newsletter, de découvrir des pièces de théâtre, des livres, des films. Ils me permettent de faire le pas de côté toujours nécessaire pour s’améliorer. Vous pouvez répondre à cet email ou envoyer un message à [email protected]. Vous aimez ce qu’on fait ? Aidez-nous à le faire encore mieux. Un don pour vous, un grand geste pour nous : il permet de continuer à vous écrire chaque semaine. Si vous souhaitez nous soutenir et faire un don, c’est ici. Vous souhaitez atteindre un lectorat de personnes curieuses et engagées ? Vous pouvez, comme la Fondation L’Oréal, comme les Editions du Seuil pour la newsletter du jour, devenir partenaire des Glorieuses.
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