Celles et ceux qui arrivent à entrer un court instant dans la vie des autres peuvent avoir plus d'importance que ceux qui y sont installés depuis des années.
Auður Ava Ólafsdóttir
Congé paternité obligatoire, quotas, certification : comment l'Islande est devenue le leader mondial en matière d’égalité salariale
par Jenna
Gottlieb
Pour lire la newsletter en ligne https://lesglorieuses.fr/islande/
Cet article fait partie d'un
rapport que nous avons produit à l'occasion du #8Novembre16h48 "Egalité salariale : les 7 mesures qui fonctionnent vraiment". Vous pouvez également lire le chapitre sur l'Espagne et celui sur la Suède dans la newsletter Impact. Et celui sur la Nouvelle-Zélande et l'Union Européenne dans Les Glorieuses.
L'Islande est depuis longtemps reconnue comme un leader mondial en matière d'égalité de genre, se classant régulièrement en
tête du rapport mondial sur les inégalités de genre du Forum économique mondial. Grâce à des politiques progressistes, à des réglementations strictes et à des mouvements sociaux, la nation insulaire a considérablement réduit les disparités salariales entre les hommes et les femmes. En 2022, l’écart de salaire entre les femmes et les hommes était de 9,3% .
Selon Þórgerdur J. Einarsdóttir, professeure d'études de genre à l'université d'Islande, l'une des raisons sous-jacentes de la réduction de l'écart de
rémunération entre les hommes et les femmes en Islande est l'accent mis sur les politiques visant à aider les parents, en particulier les femmes, à concilier vie professionnelle et vie familiale.
« L'Islande a un passé de mesures actives, de lois et d'autres tentatives pour accroître l'égalité des sexes sur le marché du travail, notamment pour réduire l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes », explique Þórgerdur J. Einarsdóttir. «
Cela reflète la volonté politique de s'attaquer au problème ».
De nombreuses initiatives législatives Depuis le milieu des années 1990, la plupart des enfants âgés de plus d’un an bénéficient d'une garderie publique, appelée « loi sur l'éducation préscolaire ». Il s'agit d'une condition préalable au travail rémunéré des femmes, et bien qu'elle contribue à saper l'idéologie du gagne-pain masculin, elle ne contribue pas automatiquement ou directement à l'égalité salariale.
Depuis 1980,
l'évaluation des emplois (aujourd'hui sans distinction de sexe) est effectuée dans les municipalités.
En 2000, un congé de paternité de trois mois non transférable a été introduit. Il a contribué à une plus grande égalité en matière de garde d'enfants et d'égalité des sexes, même si la responsabilité principale des enfants repose toujours sur les épaules des femmes.
En 2013, des quotas ont été introduits dans les conseils d'administration des entreprises, exigeant qu'au moins 40 % d'hommes et au moins 40 % de femmes soient représentés dans les conseils d'administration des entreprises de plus de 50 employés. Les quotas fonctionnent, mais il n’y a pas eu de retombées, telle que l'amélioration de l'équilibre entre les hommes et les femmes dans les équipes de management de haut niveau. Les hommes sont toujours majoritaires à la tête des entreprises islandaises.
Depuis 2017, toutes les entreprises de plus de 25 salariés sont tenues d'obtenir une certification d'égalité salariale, basée sur les directives de l'Organisation internationale de normalisation (ISO), qui démontre que les hommes et les femmes reçoivent un salaire égal pour un travail égal.
En 2021, les propositions d'un groupe de travail sur la réévaluation de la valeur des professions à prédominance féminine ont été publiées sur la base de la déclaration du gouvernement en mars 2020. Il est bien établi que la principale source de l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes est la ségrégation entre les sexes sur le marché du travail, c'est-à-dire le fait que les femmes et les hommes occupent des emplois différents. Les autorités ont indiqué qu'elles prenaient ce fait au sérieux en créant le
groupe de travail.
Cette législation s'appuie sur une forte culture de l'égalité
« L'Islande a connu un mouvement féminin dynamique depuis le début du 20e siècle », déclare Þórgerdur J. Einarsdóttir.
La plus célèbre réussite du mouvement féministe est la Journée de congé des femmes de 1975, lorsque 25 000 femmes (sur 250 000 personnes en Islande) se sont mobilisées pour l’égalité des droits. La Journée de congé des femmes a été répétée en 1985, 2005, 2010, 2016, 2018 et 2023.
« L'élection de Vigdís Finnbogadóttir, première cheffe d'État
démocratiquement élue au monde (en poste de 1980 à 1996), est un autre exemple d'une culture de l'égalité », ajoute Þórgerdur.
Cependant, sous la présidence de Vigdís, les inégalités n’ont reculé que de 1,5 point. « À l'époque, l'Islande était en retard en matière d'égalité des sexes, mais le revirement a été rapide, car les choses peuvent changer rapidement dans les petites sociétés », explique Rakel Adolphsdóttir, chef d'équipe des Archives de l'histoire des femmes. «
C'est pourquoi les militantes féministes islandaises ne peuvent pas se permettre de se reposer sur leurs lauriers, mais sont tout à fait conscientes qu'elles doivent se battre pour l'égalité des sexes, à la fois parce que nous n'y sommes pas encore et [parce que] la résistance est bien réelle ».
L’Islande n’a pas réussi à réduire l’écart salarial entre les hommes et les femmes du jour au lendemain. Elle est le résultat de décennies d’activisme persistant, d’une législation progressiste et
d’un engagement sociétal en faveur de l’égalité des sexes. L’approche du pays combine des exigences légales strictes en matière d’égalité salariale, des politiques complètes de congé parental, des services de garde d’enfants abordables et des mouvements sociaux forts qui demandent des comptes au gouvernement et aux entreprises. Mais il reste encore du travail à faire.
Jenna Gottlieb est une journaliste indépendante, écrivaine et rédactrice originaire de New York qui vit en Islande depuis 2012. Les écrits de Jenna ont été publiés dans de nombreuses publications américaines et européennes, notamment l'Associated Press, CNN Travel, Reuters et The Independent. Elle est l'autrice du guide Moon Iceland, dont la 5e édition sera publiée en 2025.
Cet article est le dernier d'une série consacrée à l'égalité salariale au mois de novembre. Dès la semaine prochaine, nous reprendrons notre ligne éditoriale habiturelle et remettrons - avec joie - Mariah Carey sur nos postes de radio.
Des choses que je recommande
🎨 Message à l’attention de nos lectrices au Pays Basque 🎨
Avec mon amie Hannah, nous organisons une quinzaine créative autour d'une exposition de mes collages du 16 au 29 novembre à Saint Jean de Luz. J'ai imaginé cette exposition comme une enquête littératire autour d'une citation d'Anaïs Nin qui me suit depuis des années "Si je n'avais pas créé mon propre monde, je serai probablement morte dans celui d'un autre". La galerie est ouverte du mardi au dimanche toute la journée. Toutes les info sont ici ❤️
Il y a quelques jours, c'était la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes.
Comme vous le savez, c'est un sujet qui nous tient très à coeur et c'est pour cela que nous avons mis en place l'opération "Il reste encore demain" pour financer le visionnage du film éponyme par un maximum de collégiens et lycées. L'opération se termine à la fin de l'année - si vous êtes prof / avez des enfants au collège / lycée et que nous souhaitez en bénéficier, toutes les infos ici - https://lesglorieuses.fr/operation-il-reste-encore-demain/
1 femme sur 4 vit actuellement une situation de violences économiques conjugales, 41% des femmes vivront cette situation au moins
une fois dans sa vie : ce sont les résultats de notre étude réalisée avec l'IFOP. Quelques médias en parlent de nouveau comme France Inter, TF1, et France Info, "Du jour au lendemain, je me suis retrouvée sans rien" : quand les maltraitances économiques s'additionnent aux violences
conjugales".
🧍♂️ Quand Chris Stirling, consultant en technologie, a rejoint la compagnie d’assurances Zurich, il travaillait à temps plein, mais il a réduit son nombre d’heures en août 2020 pour s’occuper de ses enfants de manière plus équitable avec son épouse. La situation de Stirling serait très classique s’il était une femme, mais en tant qu’homme, il fait partie d’une minorité au Royaume-Uni, où 72% des personnes qui travaillent à temps partiel sont des femmes. En travaillant à temps partiel, en plus de faire sa part à la maison, Chris Stirling contribue à réduire l’écart salarial entre les femmes et les hommes.
🔎 Mais Zurich a travaillé avec un cabinet de conseil, pour analyser les données relatives à ses employé·es, qui a découvert que l'une des principales causes de l'écart salarial était la différence d’évolutions de carrière entre les travailleur·euses à temps plein et à temps partiel. Celles et ceux qui travaillaient à temps partiel étaient beaucoup moins susceptibles de demander des promotions. Et comme beaucoup plus de femmes travaillaient à temps partiel, cela avait un impact considérable sur la rémunération relative des hommes et des femmes.
➡️ Ces résultats ne sauraient surprendre les chercheur·euses qui s'intéressent à la question. “Les emplois à temps partiel ont tendance à être de moins bonne qualité, moins gratifiants, moins flexibles, nécessitent de faire plus d'heures supplémentaires et offrent beaucoup moins de possibilités de promotion”, dit Minna Cowper-Coles, spécialiste de l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes au King's College de Londres.
📩 Lisez "Pourquoi davantage d’hommes doivent travailler à temps partiel" - La Preuve par Josephine Lethbridge https://lesglorieuses.fr/temps-partiel/
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