Bienvenue dans La Preuve, le supplément de la newsletter Impact créée pour mieux comprendre les inégalités de genre — et comment on pourrait les résoudre grâce aux sciences sociales.
![]() ![]() Les hommes ont une plus grosse empreinte carbone que les femmes Les goûts de luxe des hommes augmentent leurs émissions de 26 % par Josephine Lethbridge Vous pouvez lire la newsletter en ligne ici – https://lesglorieuses.fr/hommes-empreinte-carbone/ La viande rouge dans nos assiettes et les voitures que nous conduisons impactent le climat de manière disproportionnée. Et les dégâts que nous causons sur ces aspects ne sont pas les mêmes selon notre genre. Une nouvelle étude portant sur 15 000 adultes en France révèle que l’empreinte carbone combinée liée à l’alimentation et aux transports est 26 % plus élevée chez les hommes que chez les femmes. Ces deux secteurs représentent environ la moitié des émissions des foyers ; cet écart de genre a donc toute son importance. Même après avoir pris en compte les besoins caloriques, les déplacements professionnels et les différences de revenus, les chercheuses ont constaté que les hommes généraient encore 6,5 % d’émissions supplémentaires pour leur alimentation et 9,5 % de plus pour les transports, par rapport aux femmes. Les coupables étaient – presque entièrement – la viande rouge et les voitures. Mathilde Rainard, chercheuse doctorante qui étudie l’intersection entre le genre et les politiques de réduction des émissions au Royaume-Uni et en France, et qui n’a pas participé à l’étude, m’explique que, même si ce n’est pas la première étude à explorer les inégalités de genre dans les émissions, c’est sans doute la plus rigoureuse. Si les chercheuses se sont uniquement penchées sur des données françaises, les autrices estiment que des résultats similaires seraient probablement observés dans d’autres pays à hauts revenus. L’une des autrices, Ondine Berland, spécialiste en économie de l’environnement à la London School of Economics, m’a expliqué : “Les stratégies marketing semblent assez similaires ailleurs, avec des publicités qui ciblent les hommes pour les voitures et la viande dans plusieurs pays. Donc cela paraît généralisable à d’autres pays riches.” En effet, en Espagne, les foyers majoritairement masculins avaient une empreinte carbone 11 % plus élevée que les foyers majoritairement féminins, et en Suède, les dépenses des hommes en biens matériels génèrent 16 % de plus d’émissions que celles des femmes. “Nos préoccupations et nos habitudes de consommation sont genrées dès la naissance”, explique Mathilde Rainard. “L’une des raisons pour lesquelles les femmes consomment moins de viande rouge, c’est que la société les pousse à manger plus sainement, à boire moins, et à rester minces.” Mais avant de tomber dans une lecture simpliste du type “les hommes contre les femmes”, il faut Et oui, les ultra-riches qui émettent le plus de gaz à effet de serre sont en très grande majorité des hommes. Pourquoi les hommes émettent-ils davantage ?C’est le paradoxe de l’oeuf et de la poule : est-ce que les femmes consomment moins de produits à forte empreinte carbone parce qu’elles se soucient davantage de l’environnement (ce qui est le cas dans les pays industrialisés), ou bien est-ce qu’elles se soucient davantage de l’environnement parce qu’elles consomment déjà moins ? Ondine Berland penche plutôt pour la deuxième explication. “Il existe des éléments pour appuyer les deux hypothèses”, dit-elle. “On voit effectivement que les préoccupations climatiques sont plus élevées chez les femmes, et de nombreuses études montrent que, par exemple, les PDG femmes mettent en place des politiques plus respectueuses de l’environnement. Mais nos résultats suggèrent que c’est probablement la seconde hypothèse qui prévaut.” D’après elle, parce que les hommes choisissent plus souvent des biens plus émetteurs, toute politique qui taxe ces biens aura plus de chances d’être perçue comme une attaque personnelle contre les hommes – ce qui fait baisser leur soutien aux mesures climatiques. Elle cite une étude qui montre que la perception de l’impact des politiques climatiques sur son propre foyer ou ses propres habitudes de consommation est fortement corrélée au soutien accordé à ces politiques. Une étude menée dans 60 pays ne trouve aucune différence entre les genres en matière d’inquiétude pour la planète dans les pays les plus pauvres ; cet écart n’apparaît qu’à mesure que la richesse nationale et la consommation augmentent. Dans les contextes plus riches, les personnes En d’autres termes, le problème n’est pas les hommes ; c’est une masculinité à forte consommation, étroitement liée à la richesse. Les 1 % les plus riches émettent désormais plus que les deux tiers les plus pauvres de l’humanité réunis. Ce sont ces personnes – souvent des hommes, blancs, avec des empreintes carbone démesurées et souvent de gros investissements dans l’industrie fossile – qui ont le plus à perdre dans la transition (et qui, donc, financent fréquemment les formes de Mathilde Rainard s’inquiète de l’attention portée à l’écart d’émissions entre les genres, qui risque de passer à côté des vrais coupables. “Si on enlève les personnes les plus riches, l’écart entre les genres diminue énormément. Je pense que c’est important de se concentrer là-dessus. Plutôt que d’individualiser le problème et ses solutions, on devrait l’aborder de manière collective.” Des hommes soja et des 4×4L’accent mis par l’étude sur les steaks et les voitures à fortes émissions de CO₂ est frappant dans le contexte des guerres culturelles actuelles. Toute tentative de limiter la vente de SUV ou de promouvoir une alimentation végétale déclenche inévitablement des cris à “la guerre contre les hommes”. Le terme soyboy (homme soja), lancé par les influenceurs de la manosphère, sert souvent à qualifier les hommes progressistes de faibles — et il résonne parce qu’il touche une anxiété plus profonde : celle de perdre le statut masculin et ses symboles. L’indignation contre les “soy boys” n’est que la dernière version d’une stratégie vieille de plusieurs décennies et perfectionnée par les géants du pétrole : individualiser le problème. C’est même le géant pétrolier BP – ni plus ni moins – qui a inventé et popularisé le concept d’ “empreinte carbone” en 2004, en lançant un calculateur qui permettait de mesurer son impact personnel sur l’environnement — et en transformant ainsi la pollution des entreprises en un enjeu de vertu individuelle des consommatrices et consommateurs. Les memes de la guerre culturelle d’aujourd’hui suivent exactement la même logique. On continue de mettre le projecteur sur des modes de vie individuels, plutôt que sur la surconsommation systémique des plus riches. ![]() Dans ce contexte, comment parler de changements de comportements sans jeter de l’huile sur le feu ? Ondine Berland conseille de se concentrer sur ce qu’on peut y gagner, plutôt que sur ce qu’on perd. “Il faut des campagnes d’information qui montrent qu’on peut être fort·e et en bonne santé en mangeant végétal. Ou qui mettent en avant les bienfaits pour la santé d’une consommation réduite de viande rouge.” Mathilde Rainard insiste sur la nécessité de réfléchir davantage quand on parle de consommation individuelle. “De manière générale, nos campagnes pour le climat sont beaucoup trop centrées sur l’individu. C’est contre-productif de pointer du doigt en disant aux hommes : “Tu n’as plus le droit de manger de viande ni de conduire ta voiture.” On aurait toustes à gagner à ces changements, et c’est là-dessus qu’il faut mettre l’accent – pas sur les sacrifices individuels que l’on devra faire.” “Ce que ça veut dire”, explique-t-elle, “c’est qu’il faut taxer les ultra-riches. Qui, en grande majorité, sont des hommes. Une infime minorité de la population concentre une immense partie des ressources, et est responsable de la majorité des émissions. Dans ce contexte, ce n’est pas juste de faire porter toute la responsabilité du changement aux classes moyennes. On ne taxe pas les bonnes choses.” Cela implique de repenser notre idée ce de qu’est la prospérité. “Il s’agit d’aborder ce problème par le prisme du soin. De sortir de cette logique individualiste à outrance, et de rompre avec l’idée néolibérale selon laquelle le bonheur ne peut venir que de la consommation et de la réussite individuelle. Il faut apprendre à penser autrement – le bonheur par la connection, par “Ce n’est pas utopique,” conclut Mathilde Rainard. “C’est la seule option possible.” ![]() Les études du mois☕ Les femmes qui boivent 2 à 4 tasses de café par jour vieilliraient en meilleure santé, d’après une étude menée sur 30 ans auprès de près de 50 000 infirmières. 🚸 Près d’une fille sur cinq et d’un garçon sur sept dans le monde ont été victimes de violences sexuelles avant l’âge de 18 ans, révèle une nouvelle méta-analyse mondiale. 🔥 Le changement climatique pourrait augmenter le risque de cancers chez les femmes, la hausse des ![]() Dites-nous ce que vous aimeriez lire !Nous aimerions savoir ce que vous pensez de La Preuve. Avez-vous des suggestions sur le format ou le contenu ? Sur quels sujets liés à la recherche sur l’égalité des genres souhaiteriez-vous particulièrement lire ? Quelles informations vous seraient particulièrement utiles ? N’hésitez pas à nous contacter et à nous faire part de ce qui vous plairait. ![]() À propos de nousLa Preuve est une newsletter créée pour vous aider à mieux comprendre les inégalités de genre — et comment on pourrait les résoudre. Impact est une newsletter hebdomadaire dédiée aux droits des femmes et des minorités de genre dans le monde entier.
|
Inscrivez-vous à la newsletter gratuite La Preuve pour accéder au reste de la page
(Si vous êtes déjà inscrit·e, entrez simplement le mail avec lequel vous recevez la newsletter pour faire apparaître la page)
Nous nous engageons à ne jamais vendre vos données.