Cette newsletter vous a été transférée ? Et vous aimez tellement que vous souhaitez vous inscrire ? C’est ici ! 15 mai 2023 “Je ne pouvais pas être à la retraite” – Anne Mahrer milite pour le climat et pour les femmes âgées Par Megan Clement Vous n’avez qu’une minute pour lire cette newsletter ? En voici le contenu en très – très – bref :
Lisez la suite pour en savoir plus. Et si vous voulez rester à jour sur les mobilisations féministes dans le monde, suivez-nous sur Twitter et Instagram. Speak English ? La newsletter est aussi disponible en anglais : Les voix les plus entendues du mouvement climat sont les plus jeunes – celles des personnes dont les futurs sont, sans aucun doute, les plus compromis. Pourtant, derrière le premier procès d’ampleur pour inaction climatique de Suisse, on retrouve un groupe de 2 000 femmes. Moyenne d’âge : 73 ans. Ce sont les Aînées pour la protection du climat et elles poursuivent leur gouvernement devant la Cour européenne des droits de l’homme pour son échec Une décision en faveur des femmes pourrait créer un précédent pour chacun des 46 États membres du Conseil de l’Europe quant au respect des engagements de l’Accord de Paris, qui stipule que le réchauffement climatique devrait être, dans l’idéal, limité à 1,5 degrés. Quand la coprésidente de l’organisation, Anne Mahrer, a atteint l’âge où la plupart des carrières se terminent, « l’urgence [était] telle au niveau climatique que je ne pouvais pas être à la retraite », raconte-t-elle. C’est ainsi qu’en 2016, avec des collègues, elles ont fondé Aînées pour la protection du climat Suisse – qui a un âge minimum de 64 ans pour être membre – pour s’attaquer au problème. Mahrer, aujourd’hui âgée de 74 ans, avait déjà passé trente ans dans la politique suisse, en partie pour contrer une histoire de discrimination sexiste très récente. “Le droit de vote au plan national, à 20 ans, je ne l’avais pas parce que j’étais une femme”, dit-elle – la Suisse n’a accordé le droit de vote aux femmes qu’en 1971. “C’est une des raisons de mon engagement militant et par ailleurs, j’ai pris conscience très vite du problème environnemental.” Le procès des Aînées est entendu devant la Grande Chambre du tribunal, qui est réservée aux questions “Tout le monde souffre des grandes canicules”, explique Mahrer. “Mais les femmes sont particulièrement atteintes dans leur santé, les femmes âgées, au point de vue cardiaque, au point Anne Mahrer a parlé à la newsletter Impact de l’urgence climatique, du procès contre le gouvernement suisse et de comment créer de la solidarité entre les générations. Cet entretien a été édité par souci de brièveté et de clarté. Megan Clement: Le changement climatique est généralement considéré comme un problème pour les jeunes. Pourquoi est-il également important pour les femmes âgées ? Anne Mahrer : Parce qu’il touche particulièrement notre santé. Parce que nos droits fondamentaux, énoncés dans la Convention européenne des droits de l’homme – l’article 2 sur le droit à la vie et l’article 8 sur le droit au respect de la vie privée et familiale notamment – sont bafoués par nos états. La Suisse est Photo © Greenpeace / Piero Good Megan Clement – Quelles mesures demandez-vous au gouvernement suisse de prendre pour lutter contre le changement climatique dans votre action en justice ? Anne Mahrer: Ce qu’on souhaite, c’est qu’il revoie sa loi sur le CO₂ et le climat et qu’il prenne des mesures extrêmement fortes pour ne pas dépasser les 1,5 [degrés de réchauffement]. Nos glaciers sont dans un état dramatique, donc on va avoir des problèmes avec l’eau, et on ne sera pas les seuls. Nos glaciers alimentent nos rivières et nos fleuves, et plusieurs grands fleuves européens prennent leur source en Suisse, donc Megan Clement – Quelles seraient les conséquences d’une décision en votre faveur ? Anne Mahrer: La conséquence serait pour la Suisse, mais pas que. Si la Cour prend une décision courageuse en disant qu’effectivement, il faut revoir la copie et qu’il faut absolument mettre en place des lois ambitieuses, ça ferait jurisprudence pour tous les pays du Conseil de l’Europe, puisqu’un arrêt de la Cour est contraignant. Donc, si les pays concernés ne mettent pas en œuvre la Photo : © Greenpeace / Emanuel Büchler Megan Clement: Est ce que votre mouvement est aussi une façon de lutter contre l’invisibilisation des femmes âgées ? Anne Mahrer: Au départ, probablement pas. Mais après, notre affaire a pris une telle ampleur que ça a mis en avant les femmes âgées en montrant qu’elles aussi sont engagées. Si elles gagnent à la Cour européenne, tout le monde gagne : jeunes, moins jeunes, toutes générations confondues. Ça nous a rendues beaucoup plus visibles. Mais si les femmes âgées ne sont pas visibles, c’est aussi la conséquence de ce que les femmes en Megan Clement: Est-ce que votre mouvement et votre action font partie de la tradition de l’écoféminisme ? Anne Mahrer: Peut-être pas directement. Ce que je constate, c’est que parmi toutes nos membres, la majorité sont des femmes qui ont été engagées presque par la force des choses : des femmes qui n’avaient pas le droit de vote, qui n’avaient pas le droit de signer un bail, pas le droit d’avoir un compte en banque… C’était énorme. Donc ces femmes sont très engagées, pas forcément en politique, mais à différents niveaux associatifs ou personnels. Donc, oui, il y a un engagement, même si ce n’est pas sous cette étiquette écoféministe. Megan Clement: Comment construisez-vous la solidarité Anne Mahrer: Il y a une vraie solidarité et on a beaucoup été invitées par les jeunes dans leurs collèges, dans leurs lycées, dans leurs écoles, dans leurs universités, dans leurs manifestations pour présenter notre action judiciaire, puisque c’était une première en Suisse et que ça intéressait. On a toujours été très bien accueillies. Après les échanges, les jeunes nous disent “merci de faire ce que vous faites”. Parce que beaucoup sont très découragés. Je rencontre beaucoup de jeunes très découragés et ça m’inquiète vraiment. Et ça me J’ai eu des échanges avec des étudiants qui disaient : “Vous êtes égoïste, vous faites ça pour votre petite santé. C’est vous qui avez tout foutu en l’air“. Alors je réponds : “Vous n’avez pas tout tort. C’est vrai que nous, pendant les Trente Glorieuses, c’était la voiture, l’avion, le pétrole, le fossile, l’industrialisation à tout va”. Ils n’avaient pas tort. Après, je leur ai quand même dit qu’il ne fallait pas mettre tout le monde dans le même panier. Je leur ai dit que moi, depuis des décennies, j’étais engagée [pour la Megan Clement: Je pose cette question à toutes les personnes que j’interviewe : comment gardez vous l’espoir dans votre lutte ? Anne Mahrer: J’ai vraiment un immense espoir d’être arrivée jusque-là, même si ça n’est pas un long fleuve tranquille, même si on peut aller vers une décision défavorable. Et puis, j’ai envie aussi de voir le verre à moitié plein. On répète en boucle aux jeunes que c’est la catastrophe. Et c’est la catastrophe. Ce sont des crises. On a tendance, je trouve, et notamment en politique, à regarder tout ça en silo. Mais en fait, Première fois par ici ? Impact est une newsletter hebdomadaire de journalisme féministe, dédiée aux droits des femmes et des minorités de genre dans le monde entier. Chaque mois, nous publions un bulletin d’actualité sur les droits des femmes et des personnes LGBTQIA+, un entretien, un reportage et un essai de la rédactrice en chef. Ceci est la version française de la newsletter ; vous pouvez lire la version anglaise ici. Megan Clement est la rédactrice-en-chef de la newsletter Impact. Anna Pujol-Mazzini est la traductrice. Agustina Ordoqui prépare le bulletin mensuel et rédige les posts d’actualité sur les réseaux sociaux. La newsletter est financée par New Venture Fund et produite par Gloria Media, basée à Paris. Gloria Media est dirigée par sa fondatrice, Rebecca Amsellem. Gloria Media remercie ses partenaires pour leur Abonnez-vous à nos autres newsletters : Les Glorieuses / Économie / Les Petites Glo |