⚠️ Demain, à partir de 9h22, les femmes commenceront à travailler gratuitement jusqu’à la fin de l’année. Comment participer à la campagne pour l’égalité salariale ? Mardi 2 novembre 2021 Celle-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nomD’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours dessiné des pénis. Au collège, sur les pages de mes cahiers, pendant que je m’ennuyais en cours de maths ; dans les agendas de mes copines, pour les emmerder ; sur les tableaux noirs du lycée, pour les amuser ; et même après avoir fini mes études, sur une vitre embuée ou un pare-brise enneigé. Des teubs, partout. Parce que ça me faisait rire, d’abord, parce que je n’ai jamais remis en question cette habitude infantile, ensuite, mais surtout parce qu’une bite, c’est facile à représenter (la preuve). A contrario, dans les années 2000-2010 et même encore récemment, j’étais plutôt incapable de dessiner ce que j’ai, moi, entre les jambes. Et pour cause : j’ai grandi en entendant que je n’avais “rien“. Rien qui dépasse, rien qui ne se voie ou ne se comprenne vraiment. Au fond, rien d’important. Pendant des années et des années, personne ne prononçait son nom. Dans ma famille, on l’évoquait en disant la “zézette“, la “zizine“, la “foufoune“. À l’adolescence, c’était devenu la “chatte“, à l’âge adulte la “teuch“ ou – pire – le “vagin“ (j’écris “pire“ car le vagin est la partie interne du sexe féminin et qu’il m’est pourtant arrivé d’entendre des mecs demander “tu t‘épiles le vagin, toi ?“, ce qui témoigne de la méconnaissance générale sur le sujet). Il a donc fallu que j’ai plus de 25 ans, que je débute réellement mon éducation féministe pour lire et entendre ce mot : VULVE. Alors aujourd’hui, j’ai envie de vous faire gagner du temps, les Petites Glo, puisque vous êtes très nombreux.ses à vous demander ce que vous avez entre les jambes, et à vous demander si ce que vous avez entre les jambes est normal. Après l’appel à témoins que j’ai lancé sur notre page Instagram, Lisa*, 18 ans, m’a par exemple confié ceci : “Quand j’avais 13-14 ans, j’étais tellement complexée par ça. Je pensais que j’avais limite une malformation du fait que tout soit apparent et que mes petites lèvres dépassent de mes grandes lèvres. Je trouvais ça disgracieux et je pensais vraiment que c’était anormal d’un point de vue morphologique.“ De son côté, Audrey a commencé à cogiter quand elle avait 16 ans : “Je me suis sentie complexée par ma vulve parce qu’elle ne ressemblait pas à ce que je voyais dans les pornos. Elle était plus épaisse, elle pendait… Je me disais que je l’aimerais plus fine et moins voyante.“ Ce qui a le plus marqué la jeune femme désormais âgée de 23 ans, ce sont les commentaires de certains de ses partenaires. “On m’a dit qu’elle sentait fort et que chez des ex c’était mieux… On m’a dit aussi qu’elle était très voyante et que ça voulait dire que j’avais eu beaucoup de relations sexuelles. Et les poils, bien sûr, si ça piquait c’était pas bon, il fallait que ça soit doux.“ © My Dear Vagina, Laura Stromboni-Couzy Dans vos témoignages (j’en ai reçu beaucoup, je vous remercie du fond du cœur de prendre le temps de m’écrire), vous avez quasiment toutes évoqué le concept de “normalité“. À vos yeux, ou ceux des autres, votre vulve ne serait “pas assez“ ceci ou “trop“ cela. “Elle ne correspondait pas à ce que montraient les manuels de SVT que nous avions au collège/lycée, m’a raconté Luna, 19 ans. Je pensais que toutes les femmes avaient la même et que j’étais juste bizarre, que la mienne serait toujours laide et hors-norme, d’une taille différente des autres femmes.“ Mais la vulve de Luna, comme la vôtre, comme la mienne, n’est pas laide ni hors-norme : elle est unique. Pour nous aider à nous accepter telles que nous sommes, Laura Stromboni-Couzy, créatrice de @MyDearVagina, a publié un ouvrage magnifique inspiré de son compte Instagram et sous-titré Le journal intime de 365 vulves (aux éditions Larousse). Son idée : représenter les vulves dans leur immense diversité à travers des photographies, des mises en scène artistiques d’objets du quotidien, de fruits, de fleurs, des dessins, des broderies… “Dans l’esprit des gens, c’est une fente, il n’y a pas grand chose à illustrer… m’a-t-elle expliqué. Cette zone-là est tellement invisibilisée qu’on n’y pense même pas, quoi. On retrouve des formes phalliques partout, mais on existe aussi ! C’est ce que j’ai voulu montrer dans mon livre.“ Lorsqu’elle a créé son compte en mars 2018, cette directrice artistique et web designeuse de 27 ans a mesuré l’ampleur du tabou qui pesait sur les sujets liés à la “zone intime féminine“. “Je me suis rendu compte qu’on a tous les mêmes complexes. Tout le monde n’a pas les mêmes pathologies mais on vit tous des choses difficiles qui concernent notre sexe. Le fait d’en parler, ça fait du bien.“ En parler, d’accord. Mais comment réagir quand la personne qui partage notre lit prononce des mots qui blessent ? En 2017, Sasha*, 24 ans, a dû être opérée après avoir eu une inflammation des glandes de Bartholin, ce qui lui a créé une cicatrice assez visible. “Je m’étais toujours refusé de montrer ma vulve dans un endroit très lumineux pendant les câlins avec mon ex, m’a-t-elle avoué. Il m’avait dit ‘ça doit être moche… Je la sens pas mais, visuellement, ça doit être comme la cicatrice des pirates, hein’.“ Selon Laura Stromboni-Couzy (dont je partage l’avis), l’essentiel est de bien communiquer. “Selon les cas, la seule réponse est de s’en aller. Quand les propos sont vulgaires, méchants, hyper déplacés, il vaut mieux fuir et se protéger. Mais si l’on tient à quelqu’un, on peut essayer de ne pas l’incriminer tout de suite. C’est de l’éducation… On aura gagné quand ce sera devenu un sujet normal de discussion ! En attendant, il est clair qu’on ne peut pas rééduquer la Terre entière, c’est épuisant.“ © My Dear Vagina, Laura Stromboni-Couzy Pour parfaire notre/leur éducation, nous pouvons déjà faire attention aux termes que nous employons. J’ai échangé avec Camille Tallet, sage-femme à Lyon et co-autrice avec Élise Thiébaut d’Au bonheur des vulves, le manuel antidouleur qui en a entre les jambes (chez Leduc éditions). Elle m’a précisé ceci au début de notre interview : “On parle de ‘grandes lèvres’ et de ‘petites lèvres’, mais moi je préfère qu’on dise ‘lèvres internes’ et ‘lèvres externes’, c’est moins subjectif… parce qu’il y a des grandes petites lèvres et des petites grandes lèvres ! Comme ça, on ne fait pas de discriminations.“ La spécialiste conseille à toutes et tous de déconstruire le mythe de la vulve parfaite du porno. “Les jeunes d’aujourd’hui voient des vulves bien roses, imberbes, avec des lèvres externes bien refermées avec les petites lèvres à l’intérieur, et s’imaginent qu’elles sentent bon la rose, déplore-t-elle. Mais une vulve en bonne santé doit être humide, tout le temps, et c’est par exemple en cela que les poils sont utiles !“ Avant de raccrocher, je lui demande comment faire quand on a – littéralement – une vulve qui nous gêne, c’est-à-dire qui nous empêche notamment de pratiquer un sport ou qui est douloureuse pendant les rapports sexuels. “Quand on se sent handicapée dans son quotidien, l’idéal est de prendre rendez-vous chez un.e gynécologue et un chirurgien esthétique pour envisager une labioplastie. Des filles de 9-10 ans qui ont déjà leurs règles peuvent commencer à être gênées, mais il faut temporiser car c’est une zone soumise aux hormones qui peut évoluer. Le mieux est d’attendre 17-18 ans pour intervenir, sachant que ce sont des chirurgies qui ne sont pas forcément mal vécues si on les prend bien en charge. Et même dans les cas où le souci se passe plutôt dans la tête, il faut entendre la plainte de la jeune fille. Son inquiétude est légitime.“ Les Petites Glo, rappelez-vous qu’aucune question que vous vous posez n’est honteuse ou sale. Connaître votre corps et apprendre à l’aimer est une étape essentielle dans votre construction personnelle. Pour cela, rien de mieux que de suivre l’exemple d’Aimee de la série Sex Education qui, dans l’épisode 3 de la saison 3, saisit son plus beau miroir pour admirer son sexe. Et pour finir sur une note d’optimisme, ma témoin Sasha est en couple avec un nouveau mec depuis deux ans. Lui ne l’a pas comparée au capitaine Jack Sparrow, non non, il lui a dit : “Tu as sans aucun doute la plus belle vulve que j’ai vue“. On adore. * Ces prénoms ont été modifiés à la demande des témoins. Les recommandations de Chloé⚡ ÉVÉNEMENT ⚡ Le programme Stand Up organise une session de formation exclusive pour les Petites Glo, “Apprendre à réagir contre le harcèlement de rue“, animée par une professionnelle chargée de prévention. Elle aura lieu le mercredi 17 novembre de 16h à 17h30 à la Cité Audacieuse, à Paris. Les places sont limitées à 40 abonné.e.s alors inscrivez-vous vite ICI. Votre avenir, vous le voyez comment ? ARTE et France Culture posent la question aux jeunes dans un questionnaire qui inspirera la programmation du festival et maintenant ? (prévu fin novembre 2021). Un projet très intéressant auquel je vous conseille de jeter un coup d’œil. Comment lutter contre la censure sur les réseaux sociaux quand on est un musée et qu’on expose des nus ? En ouvrant un compte sur OnlyFans, bien sûr. Vous rêvez de devenir navigateur.trice ? Lisez la bande dessinée Florence Arthaud, Femme libre de Pascal Bresson (illustrée par Sophie Ruffieux et parue chez Marabulles). C’est un très bel hommage à celle que l’on surnommait “la petite fiancée de l’Atlantique“. Les dernières newsletters Gloria MediaLe prix lourd du manque de prise en charge post partum, Economie, 29 octobre 2021 « C’était mon histoire », le récit d’une enfant cachée qui a dit oui à la vie, conversation avec la psychologue et autrice Flora Hogman, Les Glorieuses, 27 octobre 2021 Les travailleurs du sexe ougandais poussés encore plus loin dans la clandestinité par une nouvelle loi et les mesures Covid, Impact, 25 octobre 2021 Le sexisme, c’est comme une boite de chocolats…, Les Petites Glo, 19 octobre 2021 |
Inscrivez-vous à la newsletter gratuite #LesPetitesGlo pour accéder au reste de la page
(Si vous êtes déjà inscrit·e, entrez simplement le mail avec lequel vous recevez la newsletter pour faire apparaître la page)
Nous nous engageons à ne jamais vendre vos données.