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La règne de la désobéissance créatrice peut commencer , par Rebecca Amsellem

Mercredi 20 février 2019

C’est l’histoire d’une jeune activiste suédoise, Greta Thunberg, qui fait une grève de l’école tous les vendredis depuis septembre dernier. C’est l’histoire d’une femme politique américaine, Alexandria Ocasio-Cortez, qui appelle à un « Green New Deal » pour un engagement total du gouvernement américain en faveur de l’environnement. C’est l’histoire d’une doctoresse indienne en philosophie des sciences, Vandana Shiva, qui milite depuis plus de quarante ans en faveur de l’écoféminisme.

Toutes les trois s’engagent activement pour une responsabilisation des pouvoirs en faveur de
l’environnement. Et elles ne se contentent pas de dire non.

La première, Greta Thunberg, a seize ans.

Depuis six mois, elle ne va plus à l’école les vendredis pour protester contre l’inaction des pouvoirs publics vis-à-vis du réchauffement climatique. « Les adultes répètent sans cesse qu’ils ont une dette envers les jeunes, qu’il faut leur donner de l’espoir. Mais je ne veux pas de votre espoir. Je ne veux pas que vous soyez plein d’espoir. Je veux que vous paniquiez. Je veux que vous ressentiez la peur que je ressens tous les jours. Et je veux que vous agissiez », a-t-elle dit à Davos, le 25 janvier dernier.

Image libre de droit – March for science – Pixabay

Car les représentant·e·s politiques ne font rien. Ou pas assez. J’ai récemment entendu que si le climat était une banque, ça ferait longtemps qu’on aurait mis en place un plan d’action pour le sauver à horizon cinq ans. C’est ce que dénonce également la jeune élue démocrate Alexandria Ocasio-Cortez. Elle propose de mettre en place un « Green New Deal », un « new deal » écologique inspiré par le groupe d’activistes écologistes « Sunrise Movement », réclamant un investissement massif en faveur d’une transition écologique viable (lire l’article de Libération sur la question).

L’utilisation d’énergies 100% renouvelables pour le réseau ferroviaire, une baisse drastique des subventions qui favorisent l’extraction des énergies fossiles, un investissement pour les voitures électriques… Le « Green New Deal » propose également d’oeuvrer contre la pauvreté en établissant un salaire minimum, des soins de santé pour tou·te·s; tout en empêchant l’établissement de monopoles.

Thunberg et Ocasio-Cortez font leur désobéissance créatrice. Cela fait des années que nous entendons des discours en faveur de l’écologie, sur l’urgence d’une action gouvernementale pour endiguer les
conséquences désastreuses d’une économie qui favorise les rentes aux actionnaires plutôt qu’un héritage sain pour les générations futures. Des années qu’on entend « non ». Mais ce n’est plus suffisant.

Vandana Shiva théorise cet activisme grâce à la notion de « désobéissance créatrice ». Cette « désobéissance ne consiste pas seulement à dire non et critiquer, elle doit être créatrice et proposer des alternatives. Elle est donc associée, dans nos modes de mobilisation citoyenne, à deux autres piliers : le swadeshi et le swaradj, qui signifient respectivement “autosuffisance” et
“autodétermination” » (Vandana Shiva, pour une désobéissance créatrice : Entretiens, Lionel Astruc, Actes Sud, 2014). L’autosuffisance implique de créer une forme d’indépendance. « Il s’agit donc de nous affranchir de notre dépendance à l’égard des multinationales et de retrouver l’usage de nos mains. » Sans autosuffisance, il n’y a pas d’autodétermination.

Cette désobéissance renvoie à la responsabilité de chacun·e. Nul besoin de réaliser des pétitions de 500,000 personnes ou d’organiser des manifestations. L’activisme peut être un choix personnel ayant des incidences sur son propre mode de vie. « Cet empowerment, cette implication individuelle et autonome, est une manière de créer de l’activisme quantique ! Le militantisme a trop longtemps fonctionné de manière mécanique, chacun étant considéré comme un rouage avec une place déterminée. En réalité, chaque individu est une force vivante, autonome mais interconnectée. »

La « désobéissance créatrice » est également un remède au burn-out des activistes. Vandana Shiva dit ainsi dans une interview à Géo : « Chaque militant doit trouver sa propre voie. Mais au cours de mes quatre décennies d’activisme, j’en ai vu beaucoup se disperser et, de leur propre aveu, s’épuiser jusqu’au burn-out. Cela arrive quand on tente de résister à une situation qui nous paraît injuste, sans proposer de solutions concrètes en contrepartie. Pour militer sur le long terme, il faut trouver le
bon équilibre entre résistance et alternatives positives. » La « désobéissance créatrice » permet un équilibre entre dénoncer les systèmes en vigueur et créer les utopies pour lesquelles nous nous battons. « Le sentiment qu’il n’existe pas d’alternative au système actuel, que notre avis ne compte pas et que les initiatives citoyennes n’ont aucune chance d’aboutir peut conduire au découragement. On peut aussi avoir l’impression que le combat n’est jamais totalement gagné. Dans ma vie de militante, j’ai eu quelques belles réussites, en mettant fin à des monocultures d’eucalyptus ou en empêchant le dépôt de brevets sur certaines graines. ».

Enfin, la « désobéissance créatrice » est également un moyen de recentrer ses missions d’activiste. Internet ne doit rester qu’un moyen de faire valoir nos droits et de mettre en lumière nos actions. « Utiliser la technologie, les réseaux sociaux, comme une caisse de résonance pour accroître le potentiel de la lutte, oui. Mais à condition de ne pas en faire une fin en soi. »

La désobéissance créatrice de Vandana Shiva est certainement l’avenir de la révolution écologique & féministe
(l’emploi du singulier n’est certainement pas une erreur). Nous ne pouvons être constamment en lutte contre les systèmes mis en place en les dénonçant. A terme, nous sommes épuisées et concrètement rien n’aura changé. Nous devons proposer des alternatives qui nous conviennent. A l’image de celles proposées par Thunberg, Ocasio-Cortez et Shiva.

1/ Les Petites Glo vous invite très fort à nous aider à mettre fin à la précarité menstruelle en remplissant/relayant notre sondage… (ça prend moins de 2 minutes, c’est promis).

2/ L’Académie Française se résout à la féminisation.

3/ Les publicités féministes peuvent-elles sauver l’humanité ?

4/ «The Wife», ou comment les hommes piétinent le talent des femmes.

5/ Parité : « On est le premier pays au monde qui va passer à une
obligation de résultat« , se félicite Muriel Pénicaud.

6/ Lancement du comité national des femmes des nations unies en Australie.

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8/ La leçon d’argumentation d’Alexandria Ocasio-Cortez.

9/ Cette page Facebook recense les meurtres de femmes en France.

10/ Natasha Lyonne, Maggie Gyllenhaal, Kirsty Alley… Auteures, actrices et réalisatrices, les femmes prennent le pouvoir dans les séries.

Théâtre – Les Beaux Ardents, love story Vénitienne. En 1623 à Venise, la peintre italienne Artemisia Gentileschi et le musicien et diplomate anglais Nicholas Lanier sont plongés dans une histoire d’amour tumultueuse. Comment exister en tant que créatrice ? A travers la
chronique d’un couple d’artistes baignée de romantisme et d’humour, le spectacle nous entraîne du XVIIe siècle au XXIe siècle pour explorer le rapport entre amour, travail et genre. Une histoire à la fois intime, politique et moderne, qui se raconte en musique. ( à partir de 16 ans). Du 20 > 24 février, Théatre de l’Opprimé. 78 Rue du Charolais, 75012 Paris
.
Rencontres – Retrouvez nous le 8 mars, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes au Forum Féminisme(S) *, pour la table ronde » Féministe, ce gros mot » avec Clotilde Moynot ( Femmes de plume ), Rebecca Amsellem ( Les Glorieuses ) et Ghada Hatem ( Maison des Femmes ).
8 mars 2019. Ground Control 81 Rue du Charolais 75012 Paris. De 20h
à 22h.
Club des Glorieuses – La philosophe renommée Geneviève Fraisse nous fait le plaisir et l’honneur de venir discuter de son dernier ouvrage « Les excès du genre », et de la perception des stéréotypes de genre dans notre société. Jeudi 21 mars 2019, chez Make My Lemonade, au 61 Quai de
Valmy, 75010 Paris. De 19h à 20h30.