L’Espagne est parvenue à réduire l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes de dix points en dix ans.

Des politiques telles que la transparence des salaires, l’augmentation du salaire minimum et l’obligation pour les employeurs de publier des stratégies en matière
d’égalité des sexes ont contribué à réduire l’écart qui, selon Eurostat, l’agence statistique de l’UE, est passé de 18,7 % en
2012 à 8,7 % en 2022. Le pays sud-européen a obtenu de bien meilleurs résultats que la moyenne de l’UE, qui a vu l’écart de rémunération global passer de 16,4 % à 12,7 % au cours de la même période. En d’autres termes, l’Espagne est passée de l’un des plus mauvais élèves de l’Europe à l’un des plus performants.

Ce succès s’explique en grande partie par l’augmentation du salaire minimum en Espagne, qui est passé de 735 euros par mois en 2018 à 1 080 euros en 2023, soit une hausse de 47 % qui profite essentiellement aux femmes, qui constituent la majorité des travailleurs rémunérés au salaire minimum. Les changements démographiques ont également eu un impact, avec le départ à la retraite de nombreuses femmes âgées et l’arrivée sur le marché du travail de jeunes femmes très instruites qui accèdent directement à des postes mieux rémunérés – 54 % des jeunes femmes espagnoles ont un diplôme de l’enseignement supérieur, contre 45 % des jeunes hommes.

Le mouvement féministe a joué un rôle déterminant dans la sensibilisation aux inégalités salariales, notamment lors des marches organisées à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, qui ont rassemblé l’an dernier 30,000 participants à Madrid et 40,000 à Barcelone.

« Après les violences sexistes, les inégalités au travail sont probablement le deuxième problème le plus important », a déclaré Yolanda Besteiro, présidente de la Fédération des femmes progressistes, une organisation à but non lucratif représentant les organisations dirigées par des femmes. Les organisations féministes ont également collaboré avec les principaux syndicats du pays afin de faire pression
pour que des politiques obligatoires soient mises en œuvre dans les entreprises et négociées dans les conventions collectives, a-t-elle expliqué.

Parmi les autres changements politiques importants, citons l’adoption de deux nouvelles lois en 2020 qui ont rendu obligatoire la mise en œuvre d’un plan d’égalité entre les femmes et les hommes pour les
employeurs de plus de 50 personnes, ce qui n’était auparavant exigé que des grandes entreprises de plus de 250 employés. Les plans sont négociés avec les travailleurs ou leurs syndicats et des audits des données salariales publiques ventilées par sexe sont censés garantir leur mise en œuvre.

« Le rôle fondamental des syndicats est d’analyser les données salariales et de négocier avec l’employeur pour déterminer où se situent les problèmes et quelles mesures peuvent être prises pour les résoudre », a déclaré Eva Fernández Urbón, secrétaire nationale pour l’égalité au CSIF, un syndicat indépendant qui
représente un grand nombre de fonctionnaires espagnols.

Photo: J.M. Grimaldi / Junta de Andalucía CC BY-SA 2.0

Mais le CSIF ne partage pas les chiffres roses d’Eurostat, arguant que l’écart de rémunération actuel entre les hommes et les femmes s’élève à 19,89 %, alors que le ministère espagnol de l’égalité l’a estimé à 15,7 % en 2022. Les différences tiennent à la manière dont l’écart est mesuré. Eurostat utilise l’écart de rémunération « non ajusté », c’est-à-dire la rémunération horaire moyenne des femmes par rapport à celle des hommes. Si l’écart est ajusté pour tenir compte du salaire médian annuel, il se creuse car les femmes sont plus susceptibles de travailler à temps partiel.

« La surcharge de travail qui pèse sur les femmes se traduit par de grandes injustices, dont l’une des plus importantes est l’écart de rémunération », a déclaré Mme Fernández, en précisant que 75 % des contrats à temps partiel sont occupés par des femmes qui doivent jongler entre leurs obligations familiales et leur travail rémunéré.

Les progrès n’ont pas été uniformes partout. Des régions comme l’Andalousie et l’Estrémadure n’ont toujours pas de plan d’égalité entre les femmes et les hommes dans deux des trois secteurs vitaux que
sont les soins de santé et l’éducation. « Il est triste de devoir mettre en place des lois pour les rendre obligatoires, mais il est encore plus triste qu’il y ait une loi mais qu’elle ne soit pas appliquée », a déclaré Mme Fernández.

Si la pandémie de COVID-19 a contribué à normaliser le travail à distance, il reste encore beaucoup à faire pour promouvoir les horaires de travail flexibles auprès des personnes qui en bénéficieraient. « Pour de nombreux emplois, le moment où l’on travaille importe peu tant que l’on fait ce que l’on a à faire, alors pourquoi ne pas permettre aux femmes d’avoir plus de flexibilité sur la façon dont elles passent
leurs huit heures plutôt que de les voir passer à temps partiel et gagner moins », a déclaré Mme Fernández. Cela pourrait se faire par le biais de ce que l’on appelle des « banques d’heures » – des réserves d’heures flexibles permettant aux femmes de prendre des congés pour s’occuper d’un enfant et de « rendre » ces heures ultérieurement.

« Si la volonté existe et que des actions spécifiques sont mises en œuvre, il est possible de réduire l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes, mais pour ce faire, il faut procéder à une analyse holistique et il n’existe pas de solution miracle », a déclaré M.
Besteiro.

Data : Eurostat

Pour notre campagne annuelle contre l’écart salarial en France, nous avons publié un rapport mettant en lumière les politiques publiques, les initiatives privées ainsi que les campagnes politiques qui ont permis de réduire considérablement les inégalités salariales. Vous pouvez le lire ici: https://lesglorieuses.fr/8novembre16h48/

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