![]() Bienvenue dans la newsletter Impact – votre guide de la révolution féministe. Cette semaine, direction le Kenya, où la footballeuse et militante Chris Kach se bat pour les droits des personnes intersexes par le biais du football. Pas le temps de tout lire ? Voici un résumé :
Pour suivre l’actualité de l’égalité des genres aux quatre coins du monde, retrouvez-nous sur Instagram et LinkedIn. Vous pouvez lire cette newsletter en ligne ici : ![]() “C’est tout à fait normal pour nous de jouer” – la lutte pour les droits des footballeur·es intersexes au Kenya Par Esther Appiah-Fei À 15 ans, Chris Kach s’est rendu compte que quelque chose était différent. “J’étais dans un lycée de filles quand l’école a réalisé que je développais des caractéristiques du sexe opposé”, se souvient-elle. “Alors l’administration scolaire a convoqué mes parents et leur a dit de m’envoyer à l’hôpital pour des examens médicaux.” C’est comme ça que l’étudiante a découvert qu’elle était intersexe. Et qu’elle a été identifiée comme telle. Avant tout cela, Chris était connue sous le nom de Christine Ngoizi. Il est estimé qu’environ 1,7 % de la population mondiale serait intersexe. Les personnes intersexes ont des caractéristiques sexuelles, comme par exemple des organes génitaux, des taux d’hormones ou des chromosomes, qui ne correspondent pas aux cases binaires du masculin ou du féminin, ou au sexe qui leur a été assigné à la naissance. Chris Kach n’a pas été autorisée à rester dans l’établissement scolaire, réservé aux filles, et a été rejetée par d’autres écoles. En un instant, elle était passée de jeune espoir du football à élève descolarisée. Le football était sa passion depuis l’école primaire, et elle avait toujours joué dans une seule équipe : les Kayole Starlets, un club de football féminin au Kenya. Et les Starlets ont décidé de soutenir leur camarade. “Mes coéquipier·es ont toujours été protectrices avec moi et m’ont défendue face aux moqueries sur mon apparence physique”, raconte l’athlète. Sa famille aussi l’a soutenue, et a affirmé que tout cela faisait partie de la volonté de Dieu. À la recherche de réponses, Chris Kach a rejoint un groupe de soutien pour personnes intersexes, qui lui a apporté un sentiment d’appartenance longtemps attendu. C’est là, enfin entourée de personnes qui comprenaient vraiment ce qu’elle traversait en tant que personne intersexe, qu’elle a trouvé le chemin de l’acceptation de soi. En 2016, elle a été sélectionnée pour rejoindre l’équipe nationale féminine du Kenya pendant la Coupe d’Afrique des nations féminine, au Cameroun. Mais les tests médicaux obligatoires avant le tournoi ont été une épreuve douloureuse. Par peur d’être “outée” – sortie du placard contre son gré – en tant que personne intersexe, Chris Kach a quitté le camp d’entraînement et pris la fuite. “Mon entraîneur de l’époque m’a dit, quelque temps plus tard, que si j’avais osé en parler, une révolution aurait peut-être été possible, ou qu’on aurait pu trouver une façon de m’inclure”, se souvient-elle. Le Kenya a finalement terminé dernier de son groupe, sans marquer un seul Quand elle a été sélectionnée pour intégrer l’équipe nationale féminine des moins de vingt ans (U-20) du Kenya, elle a décidé de tenter une approche différente. Cette fois, elle a accepté de passer le test médical. Elle a été exclue de l’équipe parce qu’elle était intersexe. Aider les footballeur·es à sortir du placard Faire son coming out en tant que personne intersexe au Kenya peut être effrayant. De nombreuses personnes traversent des crises identitaires ou sont exclues socialement. Avant d’assumer publiquement son identité intersexe, Chris Kach a du se retirer du football pendant un an pour gérer des problèmes de santé mentale. Le soutien de l’Association kenyane pour le bien-être des footballeur·es lui a permis de revenir sur le terrain. Face aux discriminations, la jeune joueuse a redoublé de détermination et s’est engagée pour les droits des athlètes intersexes au Kenya et a fondé l’Intersex Kenya Education Advocacy (IKEA). L’initiative soutient les personnes intersexes dans le sport, qui sont souvent contraintes de cacher leur identité par peur d’être stigmatisées. À présent, au lieu d’essayer de cacher ses différences, elle a choisi de faire de sa visibilité une force. “Être différente de mes coéquipier·es est un superpouvoir. Cela éveille la curiosité, les gens viennent vers moi et me posent des questions sur mon identité. Je vois ces moments comme des occasions de les éduquer sur les personnes intersexes, et de montrer que c’est tout à fait normal pour nous aussi de jouer au football”, explique-t-elle. “Je suis ravie d’être un support pédagogique vivant pour que d’autres personnes sachent que les personnes intersexes existent.” Quand des athlètes signalent des discriminations à IKEA, l’association collecte des informations via un formulaire Google afin de comprendre les enjeux spécifiques à chaque situation. “Une fois que nous avons les éléments nécessaires, nous nous rendons auprès de l’équipe sportive de l’athlète concerné·e pour leur expliquer pourquoi l’inclusion des athlètes intersexes est importante et nous les encourageons à ne pas se moquer de ces personnes”, raconte-t-elle. À ce jour, IKEA est intervenu auprès de 14 clubs sportifs kenyans. Ces efforts ont été récompensés. En 2023, Chris Kach a reçu le Player Activism Award lors des FIFPRO Merit Awards. Selon la Résolution sur la promotion et la protection des droits des personnes intersexuées en Afrique – ACHPR-Res.552 (LXXIV) 2023, la discrimination contre les personnes intersexuées dans les sports de compétition est interdite. Le droit à la reconnaissance Le Kenya est considéré comme un pionnier en matière des droits des personnes intersexes. Le pays a récemment modifié le Children’s Act – sa loi sur les enfants – et le Birth and Death Act – sa loi sur les naissances et les décès – pour reconnaître officiellement le statut intersexe comme une catégorie à part entière, en plus des cases “homme” et “femme”. Ce changement fait suite à des années de mobilisation, qui ont notamment permis l’inclusion des personnes intersexes dans le recensement pour la première fois en 2019. Cette année là, 1 524 personnes intersexes ont été comptabilisées dans le pays – un chiffre que l’on estime être largement sous-estimé. En 2023, la “loi sur les personnes intersexes” a été adoptée, accordant une reconnaissance juridique et des droits concrets, notamment l’accès aux soins de santé et la protection contre les interventions médicales non consenties. Les personnes intersexes subissent fréquemment des opérations forcées visant à “corriger” leur expression de genre. Pourtant, des domaines clés restent sans protection. Le Code pénal ne protège pas les personnes intersexes contre les Dans le monde du football, où Chris Kach évolue, des règles d‘éligibilité basée sur des caractéristiques sexuelles – notamment celles de la FIFA et de la Confédération africaine de football – posent de nombreux obstacles aux athlètes intersexes au Kenya et ailleurs. Les règles qui imposent des tests de taux d’hormones créent des entraves importantes pour les athlètes qui ne rentrent pas dans des cases strictes, en mettant l’accent sur le niveau de testostérone plutôt que sur les compétences sportives réelles. “Je dis toujours qu’en tant que joueuse, si on manque de détermination et de technique à l’entraînement, on ne peut pas faire partie des meilleur·es. Je trouve ça injuste de penser que la testostérone donne un avantage aux personnes intersexes”, affirme-t-elle. Ces règlementations, bien qu’elles visent, officiellement, à garantir l’équité dans le football féminin, ne tiennent pas compte des variations Malgré cela, les athlètes intersexes risquent d’être écarté·es ou poussé·es à suivre des traitements médicaux pour pouvoir continuer à participer. Or, la recherche montre que la performance sportive dépend d’un ensemble de facteurs – l’entraînement, les gênes, le savoir-faire et résistance mentale – bien plus que des taux de testostérone. Chris Kach encourage toutes les personnes intersexes à s’accepter telles qu’elles sont, et à continuer de jouer au football. “C’est en s’acceptant qu’iels trouveront le courage de s’exprimer. Et en parlant de leurs vécus et en assumant leur statut, d’autres personnes pourront leur tendre la main et les aider à se sentir soutenu·es et en sécurité.” Si vous souhaitez nous contacter en lien avec les sujets abordés dans cette newsletter, vous pouvez nous écrire à l’adresse : [email protected]. ![]() À propos de nousImpact est une newsletter hebdomadaire dédiée aux droits des femmes et des minorités de genre dans le monde entier. Vous aimez la newsletter ? Pensez à faire un don. Votre soutien nous permettra de financer cette newsletter et de lancer des nouveaux projets. ![]()
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