18 novembre 2020 Bienvenue à la newsletter Les Glorieuses. Chaque mercredi, vous recevez une analyse féministe de l’actualité et des liens vers des articles inspirants et des événements qu’on soutient. Si on vous a transféré cet email, vous pouvez vous inscrire – gratuitement – ici. Si vous avez la moindre question, suggestion, envie, merci de nous contacter à [email protected]. J’ai commencé ce second confinement pleine d’intentions. Un des privilèges d’écrire des newsletters pour gagner sa vie est de pouvoir télétravailler en pyjama depuis son lit. J’ai donc décidé de remplir les heures habituellement dédiées aux trajets, aux obligations professionnelles (depuis que j’ai commencé la saison 4 de The Crown je ne dis plus « réunion » mais « obligation professionnelle ») à toutes les choses que je voulais faire depuis longtemps sans pour autant trouver le temps. Une liste si longue que j’ai perdu une des pages qui la constituaient. Lire un livre tous les trois jours, apprendre à jouer aux échecs (merci « Le jeu de la Dame »), faire au moins 5 minutes de sport tous les matins (inutile de préciser que j’ai respecté cet engagement uniquement le premier jour), faire des collages, me coucher plus tôt (impossible), me réveiller plus tôt (se référer à la parenthèse précédente), décorer mon appartement… Je regarde cette liste aujourd’hui et je me demande… mais pourquoi ? La réalité me rattrape. La pandémie. La loi « Sécurité globale » actuellement débattue et sur laquelle l’ONU a rappelé à l’ordre la France. L’adoption de la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur Collage par moi-même. « La période présente est de celles où tout ce qui semble normalement constituer une raison de vivre s’évanouit, où l’on doit, sous peine de sombrer dans le désarroi ou l’inconscience, tout remettre en question. » Non, ce n’est pas une pub pour du Xanax. Nous sommes en 1934 lorsque la philosophe Simone Weil écrit ces mots (Réflexions sur les causes de la liberté de l’oppression sociale, Éditions Payot, 2020). Oui, ces lignes auraient pu être écrites aujourd’hui. Au sujet du travail, elle dit : « [il] ne s’accomplit plus avec la conscience orgueilleuse qu’on est utile, mais avec le sentiment humiliant et angoissant de posséder un privilège octroyé par une passagère faveur du sort, un privilège dont on exclut plusieurs êtres humains du fait même qu’on en jouit, bref une place ». À propos du progrès scientifique, elle explique que « l’expérience montre que nos aïeux se sont trompés en croyant à la diffusion des Lumières, puisqu’on ne peut divulguer aux masses qu’une misérable caricature de la culture scientifique moderne, caricature qui, loin de former leur jugement, les habitue à la crédulité ». Elle continue avec l’art qui « subit le contrecoup du désarroi général, qui le prive en partie de son public, et par là même porte atteinte à l’inspiration ». Et termine avec la vie familiale. Elle « n’est plus qu’anxiété depuis que la société s’est fermée aux jeunes. La génération même pour qui l’attente fiévreuse de l’avenir est la vie tout entière qui végète, dans le monde entier, avec la conscience qu’elle n’a aucun avenir, qu’il n’y a point de place pour elle dans notre univers ». Que se passe-t-il dans une société où l’espérance a laissé place à l’angoisse ? On continue de faire des listes ? On fait la révolution ? On a beaucoup parlé de révolution ces derniers temps. Révolution féministe. Révolution écologique. Révolution antiraciste. Révolution économique. Révolution sociale. C’était le cas aussi en 1934. « Il est cependant, depuis 1789, un mot magique qui contient en lui tous les avenirs imaginables, et n’est jamais si riche d’espoir que dans les situations désespérées ; c’est le mot de révolution. Aussi le prononce-t-on souvent depuis quelque temps. » Pourquoi parle-t-on autant de révolution alors qu’elle n’arrive pas ? Et que les vagues de protestation sont matées les unes après les autres ? Weil répond : « C’est pourquoi le premier devoir que nous imposera la période présente est d’avoir assez de courage intellectuel pour nous demander si le terme de révolution est autre chose qu’un mot, s’il a un contenu précis, s’il n’est pas simplement un des nombreux mensonges qu’a suscité le régime capitaliste dans son essor et que la crise actuelle nous rend le service de dissiper ». Quel est donc notre rôle ? Arrêter de parler de révolution ? S’inscrire dans un régime qui ne semble convenir qu’à 1 % des habitants de la planète ? Non. Faire fi de la réalité et se représenter l’idéal dans lequel nous souhaiterions vivre. « C’est la liberté parfaite qu’il faut s’efforcer de se représenter clairement, non pas dans l’espoir d’y atteindre, mais dans l’espoir d’atteindre une liberté moins imparfaite que n’est notre condition actuelle ; car le meilleur n’est concevable que par le parfait. On ne peut se diriger que vers un idéal. L’idéal est tout aussi irréalisable que le rêve, mais à la différence du rêve, il se rapporte à la réalité ; il permet, à titre de limite, de ranger des situations ou réelles ou réalisables dans l’ordre de la moindre à la plus haute valeur. La liberté parfaite ne peut pas être conçue comme consistant simplement dans la disparité de cette nécessité dont nous subissons perpétuellement la pression. » Parce que, comme le soulignait déjà Weil en 1934, si la société a tout pour nous écraser, elle contient déjà les valeurs qui peuvent nous libérer. À la surveillance accrue des citoyen.ne.s, nous pouvons choisir la responsabilisation de chaque individu. À la fermeture des frontières et au repli sur soi, nous pouvons choisir la solidarité. À un système économique qui privilégie le rendement et la croissance, nous pouvons choisir le respect de nos environnements. À la société patriarcale, nous pouvons choisir la société égalitaire qui nous poussait, il n’y a pas si longtemps, à prononcer si souvent le mot « révolution ». L’agenda Pour son prochain rendez-vous, le jeudi 26 novembre, le Club vous invite à une conférence en ligne avec Audrey Célestine, l’autrice de « Des vies de combat – Femmes, noires et libres », publié aux Editions L’Iconoclaste, et avec l’actrice Aïssa Maïga qui en signe la préface. La conférence portera sur les utopies féministes et se tiendra de 19h à 20h sur Zoom ou sur Meet. Elle sera animée par Rebecca Amsellem. Pour vous inscrire, rdv ici La revue de presse Vous souhaitez lancer une newsletter et comprendre comment ça fonctionne ? Vous voulez savoir comment on passe de 8 abonné·e·s (coucou les huit adresses mails de ma mère) à plus de 170,000 ? Vous seriez curieuse de connaître l’histoire de la newsletter Les Glorieuses et les perspectives d’évolution ? Je donne ce jeudi une masterclass à Médias en Seine de 13h35 à 14h05. C’est ligne et c’est gratuit. Vous le savez, Les Glorieuses c’est plus qu’une newsletter, c’est un Club. Pour continuer notre démarche d’inclusivité, nous venons de lancer une offre Light aka « petit budget » pour celles et ceux qui veulent nous rejoindre au Club mais qui ne pouvait pas se le permettre pour des raisons économiques. Cette offre annuelle est à 39 euros au lieu de 79 euros par an pour assister à tous les événements. A découvrir ici ! L’actrice et réalisatrice Lena Dunham a écrit un texte d’une intelligence rare sur comment elle a fait son deuil d’avoir un enfant biologique pour Harpers’ Marie Richeux a rencontré la grande Deborah Levy, autrice de « l’autobiographie vivante » en trois volumes dont les deux premiers, traduits par Céline Leroy sont un bijou. Elles parlent d’un vélo électrique, d’une angoisse liée aux escalateurs ou encore de la difficulté de devenir son propre sujet lorsqu’on est écrivain·e. Dans sa chronique de la semaine, Maïa Mazaurette analyse l’existence d’un plafond verre sexuel chez les hétérosexuel·le·s. Et en plus, elle cite mon entretien avec la philosophe Camille Froidevaux-Metterie ici-même. En plus de s’approprier la création du 3919, le gouvernement a décidé de faire « La précarité menstruelle est la difficulté pour les personnes réglées de s’acheter des protections périodiques par manque de moyens financiers, les empêchant de vivre leurs règles dignement ». Trois organistions font une enquête pour réaliser un état des lieux. Si vous souhaitez répondre, c’est ici. Je passe mon confinement à jouer aux échecs. A essayer de jouer aux Autre série, pakistanaise cette fois, que je n’ai pas encore regardée mais dont le pitch ne peut que décrire quelque chose d’incroyable : Churails (sorcières en ourdou). « Deux femmes aisées et deux représentantes du peuple, chacune brisée par un homme, ouvrent ensemble une agence de détectives pour traquer les maris infidèles, sous le couvert d’un magasin de vêtements halal ». Cela date un peu mais c’est toujours d’actualité : « J’espère que les féministes ne vont pas rester bien polies, dans cette société, ça ne sert absolument à rien ». La sociologue Christine Delphy rappelle que que la lutte n’est pas terminée. Chloé Thibaud en a parlé la semaine dernière dans Les Petites Glo, le Financial Times cette semaine : la génération COVID ne va pas bien. C’est une question de santé mentale et une question économique. Celles et ceux qui ont 25 ans et moins ont 2,5 fois plus de chance de se retrouver au chômage que les personnes ayant entre 26 et 64 ans. Par ailleurs, celles et ceux qui ont été diplômé·e·s durant la pandémie vont avoir des salaires bien bas par rapport aux générations précédentes. Muholi est un·e photographe-activiste sud-africain·e et présente pour la première fois ses oeuvres dans une rétrospective à la Tate (jusqu’au 7 mars 2021). L’artiste utilise le médium de la photographie pour mettre en lumière celles et ceux qui sont constamment ignorées. Car l’Afrique du Sud a beau être un des pays au monde le plus progressistes envers les personnes LGBTGIA+, les violences sont là. Regarder son interview sur le site de la Tate et lire un autre interview sur Artsy. La conférence « La Poudre au Carreau du Temple : Parole Aux Savant.e.s » avec Mame-Fatou Niang le jeudi 19 novembre est complète mais accessible en live Facebook. La verticale « économie » des Glorieuses On ne pose pas que des questions, on donne aussi des réponses. Pour la première enquête de la verticale « économie » des Glorieuses, Anne-Dominique Correa a découvert le secret islandais pour arriver à l’égalité salariale. On peut la lire ici. |
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