L’histoire de la grand-mère qui était reporter de guerre « Tu as gardé tes travaux de guerre secrets, tu as gardé son agression sexuelle secrète, et le fait que tu devais vivre avec une maladie vénérienne. Quoi d’autre ? Qu’as-tu d’autre gardé secret ? » Ami Bouhassane imagine la question qu’elle poserait à sa grand-mère si elle le pouvait. Sa grand-mère était Lee Miller. Dans le brillant podcast anglais, The Great Women Artists, Katy Hessel échange pendant une heure avec la petite-fille de la photographe de guerre mondialement connue aujourd’hui. Et on comprend. Lee Miller n’a jamais dit à sa famille, à son propre enfant qu’elle fut une des plus grandes photoreporters de guerre du xxe siècle. Lee Miller (1907-1977) est de celles qu’on ne présente plus aujourd’hui. L’image d’elle la plus marquante est sans doute celle la représentant dans la baignoire d’Hitler, 16 Prinzregentenplatz, à Munich. Elle y prend une pose de modèle, comme elle l’a été quelques années auparavant lorsqu’elle était assistante de Man Ray à Paris. L’Américaine est née en 1907 à Poughkeepsie. À 22 ans, elle part à Paris, devient la collaboratrice de Man Ray et redécouvre alors à ses côtés l’effet Sabatier. Grâce à ce procédé, les lumières d’une photo s’inversent et la photographie prend ainsi des tonalités diamétralement opposées. Et pourtant, quand Ami Bouhassane naît, ni sa mère ni son père, le fils de Lee Miller, ne connaît cette histoire. C’est parce que sa mère voulait trouver des photos de son mari bébé et y trouver quelque ressemblance avec sa fille qu’ils sont allés au grenier trouver des photos. Et les photos étaient toutes là. Le débarquement en France de l’armée américaine, les premières utilisations de napalm à Saint-Malo, la progression de celle-ci en Europe, les camps de concentration. Buchenwald. Dachau. L’appartement privé d’Hitler à Munich pris le même jour où ce dernier se suicide dans son bunker. L’équipe des correspondantes de guerre. Lee Miller est la deuxième en partant de la gauche. Photo libre de droit. Antony Penrose pensait que sa mère était une grande cuisinière. Mais c’est tout. Mais la cuisine était un pansement pour autre chose. La famille découvre tout. En 1940, elle vivait à Londres et demanda à Vogue de devenir leur reporter. L’armée américaine l’accrédita et elle devient la coéquipère de David E. Scherman, correspondant pour le magazine américain Vogue et auteur de la fameuse photo d’elle dans la baignoire. Ami Bouhassane raconte au micro de Katy Hessel qu’elle profita d’un problème de communication avec l’armée pour aller aux avant-postes et documenter en premier les avancées de l’armée. Elle envoyait tout à Vogue. Même les photos des camps. Surtout les photos des camps. Ils ne l’ont pas crue. Ils lui ont demandé d’écrire un texte pour certifier de la véracité de celles-ci. La paix signée, elle se demande si la libération est suffisante. « Que se passe-t-il ensuite ? Les frigos sont-ils pleins ? Les assiettes remplies ? » Elle voulait rester pour documenter la suite mais Vogue la rapatria. Les histoires de guerre n’intéressaient plus, les lectrices et les lecteurs avaient besoin de belles histoires, d’optimisme. À son retour, Lee Miller veut passer à autre chose. Ami Bouhassane, sa petite-fille et curatrice du fonds d’archives Lee Miller, raconte qu’elle revient dans un état lamentable. Vogue lui propose un contrat pour qu’elle puisse de nouveau travailler pour le magazine en tant que photographe de mode, elle refuse. Comment photographier des accessoires lorsqu’on a été témoin de la mort ? Alors, pour sortir de son état dépressif, de son whiskey et de ses troubles de stress post-traumatique, elle se plonge dans quelque chose qui ne lui rappelle pas cette vie. La cuisine. Et pour ses cinquante ans, elle s’offrit un cadeau à elle-même. Un voyage à Paris pour étudier au Cordon Bleu, l’école de cuisine et écrire un livre. La revue de presse “En tant que femme, on est poussée à fermer sa gueule et obéir bêtement“, rencontre avec Louise Aubery dans Les Petites Glo.IMPACT est devenu hebdomadaire ! Lire le dernier bulletin d’actualité ici. Comment une affaire a tué le mouvement #MeToo en Suède. Pourquoi les femmes prennent-elles toujours le nom de leur mari ? Il n’y a pas une entreprise qui a oublié tout le bien qu’elle pense des femmes lors de la journée internationale des droits des Sur le site d’Arte on peut regarder les yeux fermés : The Honourable Woman, the Split, Borgen, 18h30, Snow Therapy, . Et tout est gratuit. Les Glorieuses est une newsletter produite par Gloria Media. |