« C’est drôle le bonheur, ça vient d’un seul coup, comme la colère ».
Marguerite Duras
« Tant qu’il y a du changement, il y a de l’espoir » : comment on transforme une frustration en photo Pour lire la newsletter en ligne : https://lesglorieuses.fr/riti-sengupta/ « Après huit ans d’indépendance, Riti Sengupta retourne vivre chez ses parents pendant la pandémie », explique la commissaire d’exposition Tanvi Mishra à propos de l’exposition de Riti Sengupta aux Rencontres d’Arles cet été. « À l’aune de ce rapprochement, Pendant cette rencontre, j’ai tenté de comprendre quels sont les mécanismes créatifs utilisés par l’artiste pour comprendre les réflexes patriarcaux qui semblent être omniprésents au foyer familial et comment on transforme une frustration en art. Cet entretien a été édité par Megan Clement et moi-même. Je l’ai ensuite traduit en français. Rebecca Amsellem Pendant le Covid, vous avez fait quelque chose que très peu d’entre nous ont fait : créer quelque chose. Comment avez-vous réussi à créer quelque chose dans une période d’incertitude aussi grande ? Riti Sengupta C’est arrivé après une suite d’événements : les conversations très difficiles avec ma mère, les disputes avec mon père, la rage que je ressentais en moi de ne pas pouvoir leur faire voir ma vision des choses. Je viens d’une famille soi-disant instruite en Inde, et je ne comprenais pas pourquoi une famille comme celle-ci suivait des normes séculaires pas respectueuses vis-à-vis des femmes. Au départ, je ne considérais vraiment pas cela comme un travail. Riti Sengupta. Héritage. Avec l’aimable autorisation de l’artiste. Rebecca Amsellem J’adore les archives de votre mère. On voit qu’elle s’amuse avec des amis, il y a sa photo de matchmaking. Elle a l’air effrayée sur cette photo, n’est-ce pas ? Vous avez décrit ces images comme surprenantes, car vous n’avez vu votre mère que travailler essentiellement comme médecin et comme femme au foyer. Riti Sengupta La photo de matchmaking est un portrait matrimonial, et d’après ce que je sais, elle était assez nerveuse. Ce jour-là, il y avait beaucoup de pression pour paraître aussi présentable que possible afin de pouvoir trouver un bon match. Elle n’aime pas du tout cette photo car elle a l’impression qu’elle la montre comme quelqu’un un peu impuissant, nerveux et timide. Elle n’aime pas cette représentation d’elle-même. Rebecca Amsellem Il y a eu un matchmaking avec votre père basé sur cette fausse représentation de sa personnalité. Riti Sengupta Oui. Cette photographie a été prise et ensuite elle a été diffusée. La mère de ma mère ou sa famille les donnait à des proches et demandait des idées de futurs maris. La famille de mon père aurait reçu la photo à un moment donné, elle aurait aimé la photographie, et puis il y a eu une conversation entre les deux familles. C’est tellement étrange car ils ne se connaissent pas du tout. Ils ont commencé à se connaître après leur mariage. Rebecca Amsellem Ils ne se sont pas vus plusieurs fois ? Riti Sengupta Ils se sont vus une ou deux fois juste pour savoir. Mais vous ne vous connaissez pas vraiment en tant que personne, pas assez pour passer toute sa vie avec quelqu’un, c’est sûr. C’est une pratique tellement étrange, mais c’est aussi une pratique qui existe encore, même pour notre génération. Rebecca Amsellem Le commissaire de votre exposition, Tanvi Mishra, a dit de votre travail qu’il montre à quel point le patriarcat réside dans les détails de la vie quotidienne, notamment comment le mythe de la famille idéale repose sur l’invisibilisation du travail domestique des femmes. Est-ce que c’est aussi ce que ce travail vous a appris ? Riti Sengupta Oui, c’est très enraciné. Depuis le matin où nous nous réveillons jusqu’à l’heure où nous nous endormons, je pense qu’à chaque instant, cela est déjà ancré dans notre esprit. On ne la [cette coutume] remet plus vraiment en question, elle vit dans le quotidien. Les actes de cuisine, de nettoyage et de pliage des vêtements sont si banals que nous ne les remettons pas vraiment en question. Nous ne considérons quelque chose comme violent que lorsqu’il y a une effusion de sang ou qu’il y a quelque chose qui appelle l’attention. Mais les choses qui n’appellent pas l’attention sont des choses que personne ne remet en question. Et c’est exactement avec cela que j’ai eu un problème. Je suis sûre que beaucoup de femmes avant moi ont également remis cela en question et ont eu des problèmes avec cela. Mais pourquoi personne n’en parle ? Pourquoi est-ce que je ne vois aucun travail sur ce sujet en public ? Riti Sengupta. Pause. Avec l’aimable autorisation de l’artiste Rebecca Amsellem Vous avez dit : « Peut-être avons-nous hérité du silence de notre mère, mais nous avons encore un long chemin à parcourir. » Que vouliez-vous dire ? Riti Sengupta Nos mères étaient assez silencieuses. Elles ne parlaient pas autant qu’elles auraient dû. Notre génération s’exprime davantage et parle davantage de ces choses. Mais nous devons être encore plus bruyant·e·s. Nous devons revendiquer encore plus d’espace. Il existe encore beaucoup de peurs, car on nous a appris que nous avions une place spécifique dans la société dont nous ne devions pas outrepasser les limites. Il faut beaucoup de courage à chaque femme pour repousser ces limites. À chaque génération, nous les poussons un peu plus loin. J’espère que c’est ainsi que le changement se produira, mais je reconnais également que le changement ne peut pas se faire du jour au lendemain. Tant qu’il y a du changement, même partiel, petit à petit, il y a de l’espoir. Rebecca Amsellem Une partie de mon travail consiste à essayer de comprendre à quoi ressemblerait une utopie féministe. Je ne vais pas vous demander de décrire l’ensemble d’une société féministe, mais quel serait le détail qui vous ferait comprendre que nous avions réellement atteint cette société ? Riti Sengupta Ce serait le fait de ne pas me sentir mal à l’aise ou en insécurité dans un espace public en Inde, dans un bus ou dans un pousse-pousse, où je dois toujours faire attention à moi-même ou avoir mon sac pour que personne ne me touche ou ne me pique. Et simplement marcher sans craindre que mon corps soit considéré comme un objet de sexualisation. Ce serait tellement incroyable. Des choses que je recommande Pour les fêtes de fin d’année, nous proposons une promo sur les Box valable jusqu’au 22 décembre – En plus des carnets ‘On danse !’ et ‘On s’embrasse !’, des stickers Les Glorieuses dans une pochette en tissu « les Glorieuses », on glisse en cadeau le livre Les Glorieuses, chroniques d’une féministe dans la commande.
Joyeux anniversaire à l’émission The 51 Percent, créé il y a 10 ans par Annette Young au même moment que sa version françaises, Actuelles, par Virginie Herz et aujourd’hui présenté par Laure Manent. Actuelles et The 51 Percent font partie des premiers émissions TV à traiter de l’info avec un prisme féministe. Merci Annette de m’avoir fait l’honneur d’être invitée pour ce numéro anniversaire avec Anita Bhatia et Anna Neistat, vous pouvez regarder le replay ici https://www.youtube.com/watch?v=k_7_BUH0vkg
// Message Partenaire // Découvrez « Endométriose, briser le silence », ce documentaire passionant sur l’endométriose sur ARTE : comment lutte-on contre cette maladie ? Quelles sont les solutions aujourd’hui quand on est diagnostiquée ? Pourquoi faut-il 7 pour être diagnostiquée alors que plus de 10% de la population menstruée en est atteinte ? Et le visionnage est bien sûr gratuit, comme d’habitude.
*** Un message de notre partenaire, ARTE *** Pour regarder le documentaire, c’est ici : https://www.arte.tv/fr/videos/111752-004-A/arte-regards/?at_campaign=SCW232516&at_medium=email_marketing&at_support=LesGlorieuses Et le visionnage est bien sûr gratuit, comme d’habitude.
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