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Pour rester à jour sur toutes les actualités sur l’égalité des genres dans le monde, suivez-nous sur Instagram et LinkedIn. Vous pouvez lire cette newsletter en ligne ici : https://lesglorieuses.fr/trump-et-les-talibans ![]() “Toutes les portes se sont fermées devant moi” – Des femmes afghanes bloquées au Pakistan par l’administration Trump Par Khadija Haidary et Atia FarAzar (pseudonyme) Maryam avait préparé le sac de sa sœur cadette une semaine avant son départ prévu pour une nouvelle vie aux États-Unis. Elle a dit à Zainab qu’elle devait tout faire pour réaliser ses rêves. Pour Zainab, une vie aux États-Unis représentait un nouveau départ. Elle avait été admise à l’École des Beaux-Arts de l’université de Kaboul avant la prise de pouvoir des Talibans en 2021. Mais elle avait participé à un programme de stage d’un an à l’ambassade américaine, ce qui l’avait rendue éligible à une demande de réfugiée P-2 aux États-Unis. Maryam, qui avait travaillé pendant quatre ans à l’Université afghano-américaine en Afghanistan, avait ensuite réussi à demander l’asile aux États-Unis elle aussi. Quand les dossiers d’immigration des deux sœurs ont été acceptés par le gouvernement américain, elles sont parties au Pakistan avec leur mère et leurs trois frères pour effectuer les étapes suivantes du processus. “Mon père est décédé il y a six ans. Après ça, je suis devenue la cheffe de famille, mais avec l’arrivée des Talibans, j’ai perdu mon travail et nous avons dû tout vendre — notre voiture, nos meubles — et déménager au Pakistan”, raconte Maryam. Cela fait maintenant trois ans qu’elles attendent au Pakistan la fin du processus complexe pour confirmer leurs visas américains. En janvier 2025, Maryam, âgée de 30 ans, a appris que son dossier d’immigration avait atteint l’étape finale et que son vol allait être programmé. Zainab, elle, devait partir aux États-Unis le 5 février. Mais après être devenu président des États-Unis le 20 janvier, Donald Trump a signé un décret pour suspendre le programme américain d’aide aux réfugié·es. En appliquant ce décret, l’administration américaine a annulé les vols de 1 600 Afghan·es vers les États-Unis. Illustration fournie par Zan Times. La décision affecte en particulier les personnes réfugiées relevant des catégories P-1, P-2 et P-3. Les dossiers P-1, dits “priorité un”, concernent les personnes ayant des “besoins urgents de protection”, référées par des ambassades, des ONG ou l’agence des Nations Unies pour les réfugié·es. Les dossiers P-2 incluent les groupes spécifiques à risque identifiés par le Département d’État américain, tandis que la catégorie P-3 couvre les personnes qui attendent un regroupement familial aux États-Unis. Afghan-Evac, une organisation qui aide les Afghan·es à rejoindre les États-Unis, a confirmé l’arrêt des dossiers de réfugié·es des catégories P-1 et P-2. Le 23 janvier, elle écrivait sur X : “Cette situation nous décourage profondément, ainsi que beaucoup de Personne au sein du gouvernement américain n’a prévenu Zainab de l’annulation de son vol. “Personne ne répond à nos appels répétés. Nous envoyons des e-mails mais ne recevons aucune réponse”, Maryam confiait à Zan Times le 6 février. “Les bureaux de l’OIM [Organisation Internationale pour les Migrations] sont situés dans une zone à laquelle nous ne pouvons pas accéder sans rendez-vous.” Quand Maryam a appris qu’elle et sa sœur ne pourraient pas rejoindre les États-Unis, elle s’est sentie suffoquer : “Je manquais d’air, je haletais, mes mains transpiraient, et je me sentais faible.” C’était une sensation qu’elle n’avait plus ressentie depuis le retour des Talibans au pouvoir en 2021. Mais maintenant, les symptômes revenaient. “Je suis allée chez le médecin cinq fois ; personne n’a compris ma douleur. Je souffre, je n’arrive plus à dormir la nuit, et j’ai terriblement peur”, raconte-t-elle. En attendant, les deux sœurs et leur famille vivent dans une maison d’une seule pièce, sans savoir si leurs vols vers les États-Unis seront un jour reprogrammés. Leurs visas pakistanais ont expiré. Le Pakistan ayant lancé une vaste opération de déportation visant les personnes migrantes et réfugiées afghanes, elles savent que la police peut les arrêter et les renvoyer en Afghanistan à tout moment. “En Afghanistan, il ne nous reste aucune maison, aucun endroit pour nous, et ici nous ne sommes pas en sécurité”, déplore Maryam. “Nous nous sommes réfugié·es dans un village isolé près d’Islamabad pour échapper à la police. Ce sentiment de désespoir nous submerge totalement.” Maryam et Zainab font partie des nombreuses femmes afghanes dont les vies ont été bouleversées par les décisions de la nouvelle administration Trump. En mars 2022, Rahila est arrivée au Pakistan après avoir obtenu un visa pakistanais. Comme Zainab, elle devait partir aux États-Unis le 5 février depuis l’aéroport d’Islamabad. Sa destination : Seattle, Washington. Pour financer son voyage, Rahila avait vendu son vélo neuf et sa machine à coudre. Comme d’autres personnes migrantes, Rahila a découvert l’annulation de son vol sur les réseaux sociaux. “Quand j’ai appris la nouvelle, j’étais sous le choc. J’ai été complètement abasourdie pendant une semaine. J’ai eu l’impression que toutes les portes se fermaient devant moi”, raconte-t-elle à Zan Times. Depuis que les talibans ont pris le pouvoir en 2021, les femmes afghanes souffrent d’un système que les groupes de défense des droits de l’homme décrivent comme un « apartheid de genre ». Rahila détient une licence en économie et a travaillé pendant cinq ans sur des projets de l’USAID et dans plusieurs administrations en Afghanistan avant le retour des Talibans. Aujourd’hui, elle a épuisé toutes ses économies et son visa “visite familiale” au Pakistan a expiré depuis longtemps. Sans papiers, elle vit avec trois autres femmes et gagne péniblement sa vie comme couturière et tisserande. Ses parents, au chômage, et ses deux sœurs vivent toujours en Afghanistan, tandis que son frère de 21 ans a dû arrêter ses études pour aller travailler en Iran. Rahila souhaitait faire venir sa famille aux États-Unis, mais étant candidate réfugiée individuelle dans la catégorie P-2, elle n’était pas autorisée à inclure des proches plus âgé·es. Elle ne voit aucun avenir en Afghanistan, et elle espère ne plus jamais retourner dans son pays natal. L’Afghanistan est un pays où elle n’a ni le droit de travailler, ni le droit de faire des études, ni le droit à une vie normale. L’impact des décisions de Trump continue de s’amplifier. Une enquête de Reuters publiée le 19 février révèle que le bureau de coordination pour la relocalisation des Afghan·es du Département d’État américain a reçu l’ordre de se préparer à fermer en avril. Cette fermeture empêchera environ 200 000 Afghan·es, actuellement bloqué·es dans des pays comme le Pakistan, l’Albanie et le Qatar, de rejoindre les États-Unis. Selon plus de dix personnes migrantes afghanes au Pakistan ayant témoigné auprès de Zan Times, la situation est extrêmement préoccupante. Obtenir un visa touristique officiel — valable six mois mais coûtant jusqu’à 1 200 dollars — est inaccessible pour beaucoup qui peinent déjà à couvrir leurs dépenses quotidiennes. Pour échapper aux rafles policières pakistanaises qui visent à déporter les personnes afghanes, certain·es, notamment des femmes dont la vie était menacée en Afghanistan, se sont réfugiées dans des régions reculées pour se cacher. La terreur et le désespoir règnent parmi les réfugié·es afghan·es au Pakistan. En novembre 2021, Saideh, son mari et toute la famille “Nous avons vendu tous nos biens : meubles, or, bijoux, notre caravane, absolument tout”, explique Saideh. Cet argent leur a permis d’arriver au Pakistan quelques mois avant leur départ prévu vers les États-Unis. Elle devait partir avec huit membres de sa famille en Californie le 13 février. Aujourd’hui, tous ces projets sont en suspens. Saideh n’a reçu aucune communication de l’OIM ni du Bureau américain de réinstallation des réfugié·es. “Sans visa, nous étions coincé·es. Nous pensions sincèrement que nous allions partir en Amérique, où ces souffrances auraient été pour quelque chose”, confie-t-elle. Désormais, elle fait partie d’un groupe de 14 personnes issues de trois familles différentes, entassées dans un appartement deux pièces au Pakistan. Lorsqu’ils le peuvent, les habitant·es supplient à des voisin·es ou à des connaissances de les héberger, ne serait-ce qu’une nuit. Pour Saideh, 31 ans, titulaire d’une licence en droit et ancienne cadre ministérielle avant la chute de la République, la vie est devenue presque insoutenable : “Jamais nous n’aurions imaginé que cela prendrait autant de temps ni que nous devrions subir tant de souffrances. Maintenant, avec trois mois supplémentaires de suspension se profilent, nous ne savons pas ce qu’il en sera de nos dossiers.” – Khadija Haidary et Atia FarAzar (pseudonyme) sont journalistes pour Zan Times. – Zan Times est une rédaction indépendante, dirigée par des femmes, spécialisée dans les enquêtes sur les violations des droits humains en Afghanistan, avec une attention particulière portée aux femmes et à la communauté LGBTQI+. Actuellement, Zan Times mène une campagne pour financer son journalisme. Vous pouvez contribuer ici : https://www.gofundme.com/f/g6swq ![]() À propos de nousImpact est une newsletter hebdomadaire dédiée aux droits des femmes et des minorités de genre dans le monde entier. 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