Cette newsletter vous a été transférée ? Et vous aimez tellement que vous souhaitez vous inscrire ? C’est ici ! Mercredi 26 octobre 2022 J’ai rencontré Agnès Thurnauer dans les premières années de mon engagement féministe. Elle est une artiste plasticienne qui a intégré ses valeurs féministes à sa pratique dès le début. Vous avez sûrement vu son travail « Portraits Grandeur Nature » si vous êtes allé·e·s au Centre Pompidou un jour : ce sont des grands badges sur lequel elle a féminisé les grands noms de la peinture occidentale contemporaine pour mettre en lumière l’invisibilisation et l’absence de légitimation du travail des femmes artistes. A l’occasion de cet entretien, nous vous faisons gagner le catalogue de l’exposition – « Cher Henri – correspondance avec Matisse ». Il suffit de répondre à la newsletter 🙂 Et j’en profite pour vous remercier de nouveau pour vos retours sur les newsletters de cette nouvelle saison, ça fait grave plaisir. Rebecca Amsellem Vous écrivez « Je crois tellement que créer c’est se rendre, et non pas dominer » puis vous citez Paul B. Preciado « Le pouvoir n’est pas la puissance ». Est-ce une manière d’affirmer que créer c’est avoir du pouvoir ? Agnès Thurnauer Pour moi, la création n’est pas un pouvoir. Le seul pouvoir que l’on puisse avoir est celui de posséder une technique, donc le pouvoir de maîtriser la matière – ce qui n’est pas central en ce qui me concerne. Je suis autodidacte, je n’ai jamais appris à peindre, c’est probablement ce qui fait que j’ai plein de façons Rebecca Amsellem Le rapport à la création est-il différent quand on est homme ou femme ? Masculin ou féminin ? Agnès Thurnauer J’essaie de dissocier femmes et féminin et hommes et masculin. Il y a des artistes hommes qui produisent des œuvres qui ne sont pas dans la domination. Et il y a des femmes artistes qui poussent toujours à produire des œuvres immenses pour faire « comme les hommes ». Ça m’amuse car j’aime travailler à différentes échelles. Dans l’exposition Elles, j’ai exposé cet immense mur de « badges » à l’entrée des collections permanentes, et aussi une petite œuvre de la série des Prédelles, qui avait sa puissance à elle. Exposition de Agnès Thurnauer au Musée Matisse Rebecca Amsellem Je voulais justement revenir sur cette œuvre. Vous utilisez votre art pour faire passer des messages féministes. On pense évidemment aux « douze portraits grandeur nature » à l’entrée de l’exposition Elles@centrepompidou. Vous avez féminisé le nom de célèbres artistes iconiques de l’art contemporain. Le Corbusier devient La Corbusier, Jean Nouvel Jeanne Nouvel, Jackson Pollock Jacqueline Pollock, Marcel Duchamp Marcelle Duchamp… Sur cette œuvre, vous avez dit : « L’idée de ce travail m’est venue suite à l’impossibilité qu’avaient mes interlocuteurs de se figurer la question que je leur posais : pourquoi l’histoire de l’art et des Agnès Thurnauer J’ai commencé à penser à cette œuvre il y a vingt-cinq ans et je lui ai donné forme il y a vingt ans. Cette œuvre a un défaut : elle est très européenne et américano-centrée. Elle résulte néanmoins de mon identité d’artiste vivant en Europe et ayant appris une certaine histoire de l’art. Rebecca Amsellem L’ouvrage que vous publiez à l’occasion de la présentation de l’exposition On se retrouve chez toi au musée Matisse de Nice est si intéressant. C’est un mélange de « journal » et de « lettres/emails », c’est comme si Henri Matisse, celui à qui vous vous adressez, c’était vous. Par ailleurs, la forme choisie, le journal/correspondance est un format assez féministe. C’est drôle car je me souviens que j’ai eu l’idée de créer la newsletter des Glorieuses en lisant pour la première fois le journal d’Anaïs Nin, J’avais l’impression de lire pour la première fois une femme raconter sa vie de femme sans entrave, avec toutes ses peines et toutes ses joies. Agnès Thurnauer J’ai eu un choc total en allant voir l’exposition d’Eva Hesse au Jeu de Paume en 1993. Dans le catalogue de l’exposition y était imprimée une Rebecca Amsellem Les mots et les images semblent souvent aller de pair dans votre œuvre. Vous citez par exemple la poétesse libanaise Etel Adnan. Que représente-elle pour vous ? Agnès Thurnauer Je l’ai découverte tardivement par des expositions à Paris, par Nadine Gandy, la galeriste avec qui je travaillais à Bratislava, par ses merveilleux écrits, bien sûr. C’est comme Eva Hesse, une artiste monde : elle était architecte, poète, peintre… Sébastien Delot, directeur du Lam Rebecca Amsellem À quoi ressemble la beauté dans une utopie féministe ? Agnès Thurnauer Mon rapport au féminisme et au non-binaire a toujours été présent et il se trouve que ce rapport est complètement en accord avec notre société actuelle. Je le vois avec mon dernier fils, qui a dix ans de moins que ses aînés : les vieux cadres ont été pulvérisés et avec eux les interdictions et frustrations, au bénéfice de l’invention de soi, du partage, de la bienveillance à l’égard de toute forme d’identité de genre et de sexualité. Ce n’est plus une question pour elles/eux, ici, alors qu’à une époque c’était un défi et souvent un enfer à traverser. Dans une société féministe, la beauté ressemble à ce qu’on voit déjà quand on prend le métro chaque jour. Je trouve merveilleux d’être assise à côté d’êtres dont je ne me demande pas s’ils sont hommes, femmes, bi, trans ou autres, mais dont je suis juste sensible à la beauté et au rayonnement. La vraie beauté est dans la liberté d’être ce qu’on a envie d’être, et d’en être fier·e. Ce que je recommande cette semaineConnaissez-vous la librairie féministe Le Bonheur Des Dames à Toulouse ? Marianne et Fatima, co-gérantes de cette librairie créée début janvier font aujourd’hui un crowdfunding. Le 3 novembre prochain aura lieu la conversation entre Julia Gillard, ancienne première ministre australienne et Mary Beard, à l’occasion des 10 ans de son discours dénonçant la misogynie en politique. C’est gratuit et on peut s’inscrire ici. Les ouvrages de la collection dirigée par Claire Marin aux Editions Gallimard Jeunesse peuvent toujours être gagnés sur l’Instagram des Glorieuses. #4Novembre2022 Vous ou votre entreprise / organisation prépare quelque chose pour le mouvement pour l’égalité salariale ? Envoyez-vous un message pour qu’on s’en fasse l’écho le jour J. |
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