Chères Glorieuses, « Je déteste les hommes. Voilà, je l’ai dit. Je sais qu’on n’est pas censé le dire. Nous prétendons toutes que nous ne les détestons pas ; nous nous disons toutes que nous ne les détestons pas. […] Je. Hais. Les. Hommes. Je veux dire, pensez-y. Ils sont tout simplement horribles. Je déteste leur égoïsme. La manière dont ils prennent autant d’espace, en supposant que c’est toujours à eux de prendre. La manière dont ils étalent leurs jambes dans les transports en commun, comme si leurs burnes avaient besoin d’aération régulière pour les empêcher de devenir humides. Je déteste la façon dont ils marquent leur territoire partout où ils vont en changeant ce qu’ils veulent pour s’adapter à eux. La façon dont ils mettent la musique de leur choix quand ils arrivent à une fête, dont ils prennent la plus belle des chaises pour s’asseoir. La façon dont ils touchent vos affaires au lieu de simplement regarder ; voire même dont ils changent la disposition des meubles pour la rendre plus confortable pour eux. Tout cela sans demander d’abord – sans jamais demander avant. » Pour écrire les lignes introductives du livre Pretending (la traduction française n’est pas encore disponible), l’écrivaine Holly Bourne n’a pas eu à chercher beaucoup dans son imagination. Elle a envoyé un texto à ses amies en leur demandant pourquoi elles « détestaient les hommes ». Si on comprend, c’est drôle. Si on comprend un peu, ça porte à réflexion. Si on ne comprend carrément pas, c’est pathétique. Collage par moi-même, parce que nous sommes toujours en confinement. Je sais, je sais. À première vue, cette newsletter semble tout droit sortie d’un fantasme d’homme approchant de la cinquantaine et acquiesçant à tout ce que dit EZ sur un plateau de CNews. Voilà, pourrait-on entendre si on avait une oreille dans leur cerveau, je vous l’avais dit, les féministes DÉTESTENT vraiment les hommes. Elles nous font la guerre, elles veulent nous détruire. (Oui, je n’ai pas une haute estime des fantasmes d’hommes s’approchant de la cinquantaine et acquiesçant à tout ce que dit EZ). Le personnage principal de Holly Bourne, April, se pose une question qu’il m’est arrivé d’entendre une ou deux fois au cours de conversations avec mes amies « Comment aimer les hommes quand on les déteste ? ». Quand je dis « une ou deux fois », faut comprendre 67 fois au bas mot. Et quand je dis « conversations entre amies », il s’agit bien sûr de toutes les conversations que j’ai eues avec des femmes hétérosexuelles qui avaient pour sujet de discussion un homme. Sans vouloir généraliser. Holly Bourne place son héroïne devant un paradoxe : elle n’a eu que des expériences amoureuses négatives, voire traumatisantes, et pourtant elle veut trouver « l’amour ». Avec ce paradoxe, l’écrivaine s’interroge sur les multiples injonctions sociétales qui entourent l’amour hétérosexuel pour les femmes : elles ne doivent pas « finir » toutes « seules », elles doivent « prendre sur elles », elles doivent « réussir » leurs vies sentimentales en s’entichant d’un homme « réussissant » mieux qu’elles. Trouver l’amour quand on est une femme est digne d’un parcours de combattante. On reçoit des photos de pénis alors qu’on n’y a pas consenti, on fait l’exercice de se dévoiler ses peurs, ses insécurités alors qu’en face la personne fait probablement semblant de s’y intéresser pour coucher avec nous. Entre ceux qui ne veulent pas s’engager, ceux qui disparaissent sans prévenir, ceux qui vous font croire que vous êtes folle et ceux qui vous rendent folle, C’est donc l’histoire du personnage principal de Pretending, April, qui décide alors de s’inventer une nouvelle personnalité sous le nom de Gretel, pour devenir, selon ses critères, la femme parfaite. Une femme sans trauma, sans expression, sans passé, sans émotions vraiment : une femme qui n’existe pas. La vraie question n’est pas « Comment faire confiance aux hommes lorsqu’on n’a eu que (ou presque) des expériences négatives (pour ne pas dire dévastatrices) ? » mais « Comment aimer les hommes quand on est une femme hétérosexuelle, une féministe ayant conscience des inégalités systémiques de notre société ? ». Loin d’être pessimiste, Holly Bourne dédie ce livre aux « bons œufs », comprendre les hommes pour qui ça vaut le coup de continuer à « essayer ». « Il y a beaucoup d’hommes dans ma vie qui sont des “bons œufs” », dit-elle au micro de The High Low. Des bonnes personnes, des personnes en qui La romancière conclut son chapitre introductif, qui pourrait être perçu comme un discours haineux de la part de toute personne n’ayant pas intégré la notion de nuance. « Et savez-vous ce que je déteste le plus ? Que malgré cela, malgré tout ce dédain, j’aime toujours les hommes. […] Pourquoi ai-je toujours autant envie des hommes ? Qu’est-ce qui ne va pas chez moi ? Pourquoi sont-ils tous si brisés ? […] Merci de m’avoir lue ! PS : Si cela vous intéresse, je vous invite à lire la newsletter de la semaine dernière ou celle-ci, plus ancienne, sur l’amitié entre femmes. 1/ Dans la newsletter Les Petites Glo, Chloé Thibaud parle du rapport à notre corps et de la difficulté à s’aimer tel·le·s que l’on est lorsqu’on fait face à des regards pleins de critiques. Elle a discuté avec deux ados, Marie (18 ans) et Léa (16 ans) qui ont souffert de grossophobie dès l’école primaire. Leurs témoignages font écho à ce que vit Maisie, l’héroïne du roman « Profils » de Donna Cooner (publié chez notre partenaire Hachettes Romans) qui se fait passer pour une autre fille sur internet afin de se venger de ses harceleur·se·s. 2/ « A Trente-six ans, tu es une pour une gymnaste, une tardive pour une mannequin, au milieu de ta carrière pour une chanteuse d’opéra, au début pour une chirurgienne et dans le flou pour une actrice ». Dans cet entretien passionnant à Vanity Fair, Reese Witherspoon raconte à Ann Patchett comment elle a dû réinventer sa carrière en créant les 3/ Des chercheuses dont Rachel Silvera, LA spécialiste des inégalités salariales, et l’ensemble des représentants syndicaux ont écrit et signé une tribune pour encourager la revalorisation des emplois et carrières où les femmes sont majoritaires. Ces emplois sont aujourd’hui encore peu rémunérés au regard de l’investissement fourni et peu valorisés dans la société. 4/ J’ai lu quelque part sur les réseaux sociaux, l’histoire d’une petite fille dont c’était le 5/ « C’est pourquoi le féminisme nous offre une perspective plus ample, qui implique la vie dans sa totalité. Nous parlons bien sûr d’un féminisme anticapitaliste, et pas du féminisme d’État créé par les Nations unies et les 6/ Sur ARTE, on peut voir ce portrait de Margaret Atwood, l’autrice de la servante écarlate. On apprend par exemple qu’elle n’a jamais voulu être une écrivaine célèbre mais une bonne 7/ CONCOURS/ Nous vous faisons gagner le livre de l’incroyable Fiona Schmidt« Lâchez-nous l’utérus: En finir avec la charge maternelle ». Fiona Schmidt, c’est the one and only derrière le compte @bordel.de.meres sur Instagram <3 Dans ce livre, l’autrice part d’une envie, ou plutôt d’une non-envie. Elle ne veut pas avoir d’enfant. Jusqu’ici tout va bien. Sauf qu’on vit dans une société qui ne comprend pas pourquoi une femme qui est censée avoir des enfants (comprendre valide et hétérosexuelle), n’accepte 8/ Que peut-on faire quand on ne peut rien faire s’interroge Keeanga-Yamahtta Taylor, éditorialiste du NYTimes ? Cette crise pandémique renforce les inégalités créées par le monde précédent et il semble qu’on ne peut pas manifester contre les décisions qui sont en train d’être prises et qui semblent creuser ces inégalités. Il est temps de réinventer les manifestations. 9/ La ville d’Amsterdam change de modèle économique. Pour « rendre l’économie de la ville totalement circulaire d’ici 2050 de réduire de moitié l’utilisation des matières premières 10/ Goliarda Sapienza était une génie. Une écrivaine, autrice du génial « L’art de la joie », comédienne, activiste, rien ne semble lui échapper : France Culture nous raconte sa vie. Bonus – ce site recense les actions pour soutenir les libraires en France. |
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