Bienvenue dans la newsletter Impact, votre guide de la révolution féministe. Aujourd’hui, nous enquêtons sur la montée de l’extrême droite en Argentine. Pressé·e ? Voici la newsletter en bref :
Poursuivez votre lecture pour en savoir plus. Si vous voulez rester à jour sur les mobilisations féministes dans le monde, vous pouvez nous suivre sur Instagram et LinkedIn. L’Argentine a historiquement été pionnière en matière de droits des femmes en Amérique latine. En 2015, des activistes organisaient le premier Ni Una Menos, un mouvement féministe populaire dénonçant l’augmentation des féminicides qui s’est rapidement répandu sur tout le continent. Avec ses drapeaux violets et verts emblématiques, il a également nourri la lutte pour un avortement sûr, légal et gratuit dans la région. En décembre 2020, le mouvement a obtenu la légalisation de l’avortement jusqu’à la 14e semaine. Mais trois ans plus tard, toutes ces avancées sont menacées. Le nouveau gouvernement du libertarien d’extrême droite Javier Milei a condamné l’avortement et désigné le féminisme comme un ennemi. L’une de ses premières mesures a été de fermer le Ministère des Femmes, du Genre et de la Diversité. Sous prétexte de faire des ajustements pour équilibrer les comptes fiscaux, il a supprimé une série de politiques publiques qui luttaient contre les violences sexistes ainsi que des programmes sociaux qui garantissaient un revenu aux personnes marginalisées. D’après des estimations privées, le taux de pauvreté en Argentine est passé de 44,7 % à 57,4 % au cours de ses trois premiers mois de mandat. “Le gouvernement applique une politique d’ajustement terrible”, déclare l’économiste féministe Luci Cavallero. Membre du collectif Ni Una Menos, elle s’inquiète de la façon dont les mesures économiques du président affectent principalement les femmes, les lesbiennes, les travestis1 et les personnes trans, qui sont souvent les premier·es à travailler dans des secteurs informels. “Les salaires ont été gelés mais les prix ont été libéralisés, en particulier pour les biens et services de base, donc la baisse des salaires pour ces personnes est beaucoup plus prononcée”, explique-t-elle. Le recul que vivent les femmes et les dissident·es du genre en Argentine n’est pas seulement économique. En février, Rocio Bonacci, membre du parti au pouvoir La Libertad Avanza (La liberté avance), a présenté un projet de loi visant à interdire l’avortement sans aucune exception. Si la députée dit qu’elle a agi seule, Luci Cavallero avertit que le gouvernement peut effectivement saper l’accès à l’avortement, soit en essayant de l’abroger à l’avenir, soit en supprimant les financements de la santé publique : “Ces autorités ne respectent clairement pas l’ordre institutionnel”. Également en février, le gouvernement a interdit l’utilisation de l’écriture inclusive dans les documents officiels et a démantelé un programme de prévention des grossesses précoces non désirées, malgré son succès : le taux de jeunes femmes qui avaient des enfants entre 10 et 19 ans était passé de 49,2 % à 27 % entre 2018 et 2021. “Nos droits sont en danger”Il y a quelques années, la journaliste féministe argentine Luciana Peker écrivait : “La révolution des femmes a pour effet collatéral une réaction machiste qui n’est pas simplement une continuation du machisme classique, mais la réaction virulente d’un machisme plus cruel et plus enragé contre le désir des femmes.” Cela résonne certainement dans le contexte actuel de recul des droits des femmes. Luciana Peker, qui couvre les luttes féministes et les questions de genre en Argentine et en Amérique latine depuis 1998, a décidé cette année de s’exiler en Europe après avoir reçu des menaces de mort. “J’ai été intimidée par une organisation orchestrée”, dit-elle, précisant que le retour de bâton contre les journalistes féministes a précédé l’arrivée de Javier Milei et explique en partie son succès électoral. “Je sens que nous sommes punies pour avoir transformé positivement la société, pour avoir donné plus de droits aux jeunes femmes, pour avoir dénoncé les abus sexuels, pour avoir permis aux femmes d’avoir des relations sexuelles sans avoir peur de mourir à cause des avortements clandestins”, se lamente-t-elle. “Alors oui, nos droits sont en danger”. “Le gouvernement légitime la violence de genre”La militante Florencia Guimarães s’est battue pour un quota de personnes trans dans l’administration publique, qui, depuis son introduction en 2021, a permis à des centaines de personnes trans et travestis d’avoir leur premier emploi salarié et, par conséquent, la possibilité d’avoir une assurance santé et une retraite pour la première fois de leur vie. Les personnes trans sont extrêmement vulnérables en Argentine, et leur espérance de vie est de moins de 40 ans. Depuis juin 2021, 700 personnes ont commencé à travailler grâce à cette initiative, et 10 000 autres sont sur liste d’attente. Avec le plan d’ajustement économique du gouvernement Milei et sa décision de réduire les fonctions de l’État, ces personnes font face à un avenir incertain. Leurs contrats ne sont pas renouvelés, les employé·es sont licencié·es et les embauches ont cessé : “Elles vont se retrouver dans des conditions de pauvreté totale”, critique Florencia Guimarães. “C’est catastrophique, les personnes trans ayant une espérance de vie plus courte et étant poussées vers la prostitution et les dangers des rues nocturnes”, dit-elle. Mais elle n’est pas surprise. Les dirigeant·es “ont fait campagne avec des discours de haine et détruisent les politiques de genre comme ils l’avaient promis. La menace a toujours existé, mais maintenant elle se transforme en politiques publiques, ce qui est extrêmement dangereux. En conséquence, le gouvernement pratique la violence institutionnelle et légitime la violence de genre”. “Arrêtez de passer nos droits à la tronçonneuse”Lors de sa campagne électorale, Javier Milei a parcouru le pays dans une camionnette avec une tronçonneuse pour marteler visuellement son plan : des coupes budgétaires extrêmes. En réponse, le mouvement féministe a organisé une manifestation massive lors de la Journée internationale pour les droits des femmes sous le slogan “Arrêtez de passer nos droits à la tronçonneuse”. Les rues sont un champ de bataille crucial de la résistance féministe. “Le collectif Ni Una Menos occupe les rues avec des actions fortes à différents moments de l’année, en particulier le 8 mars et le 3 juin. Nous nous organisons pour arrêter les politiques autoritaires et néolibérales de ce gouvernement”, déclare Luci Cavallero. Les réseaux de soin communautaire seront également essentiels pour survivre aux quatre années à venir de ce gouvernement. “L’année dernière, nous avons créé un espace national et provincial pour les travailleur·euses travestis et trans, afin de mieux nous connaître et de fournir soutien, défense et soin”, explique Florencia Guimarães. Mais c’est un travail difficile et souvent ingrat. Luciana Peker aimerait voir toute la société descendre dans la rue pour défendre les droits acquis par le mouvement féministe. “C’est difficile pour les femmes d’être responsables de stopper un gouvernement qui exerce la violence, qui a fermé toutes les organisations de soutien aux femmes, qui nous a appauvri·es. On nous demande d’être des héroïnes. Nous avons changé l’histoire ; cette fois, nous avons besoin de soutien”. 1 En Argentine, le terme « travestis » est utilisé pour désigner les personnes assignées hommes à la naissance mais qui s’identifient et vivent en tant que femmes, tout en revendiquant une identité de genre spécifique distincte de celle des femmes trans, et joue un rôle crucial dans la lutte pour les droits des personnes trans et non conformes aux injonctions de genre À propos de nousImpact est une newsletter hebdomadaire dédiée aux droits des femmes et des minorités de genre dans le monde entier. Vous aimez la newsletter ? Pensez à faire un don. Votre soutien nous permettra de financer cette newsletter et de lancer des nouveaux projets.
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