Cette newsletter vous a été transférée ? Et vous aimez tellement que vous souhaitez vous inscrire ? C’est ici ! Mercredi 7 juin 2023 Information partenaire Où sont passées les femmes du « Bauhaus » ? *** Message de service Vous souhaitez nous soutenir ? C’est possible en commandant quelque chose de la boutique ici. Merci beaucoup <3 *** Au début, c’était un rêve. Nous sommes en 1919, en Allemagne, les femmes ont désormais la possibilité d’étudier dans les écoles d’art. Les artistes rejettent massivement les écoles traditionnelles pour leur préférer celle du Bauhaus, nouvelle école d’art dirigée par l’architecte Walter Gropius. Dans cette école qui exista pendant quatorze ans, l’approche est révolutionnaire. On privilégie la fonction et la praticité de l’objet, l’influence est aujourd’hui mondiale. L’école semble être un paradis pour les femmes artistes. Le directeur fondateur, Walter Gropius les accueille à bras ouverts. Dans son discours d’ouverture, devant 84 étudiantes et 79 étudiants, il rappelle le principe d’égalité sur lequel est fondée l’école. « Nous ne ferons aucune distinction entre le beau sexe et le sexe fort [nous sommes en Europe en 1919, il ne faut pas non plus s’attendre à un matriarcat] ; il y aura une égalité absolue mais aussi une parité complète des devoirs sans concessions aux dames ; nous sommes tous des artisans quand il s’agit de notre travail. Je m’opposerai avec véhémence à toute forme d’intérêt exclusif porté aux jolis petits dessins de salon envisagés comme passe-temps. » Gunta Stölzl est l’une d’entre elles. Elle écrit dans son journal : « Rien ne s’oppose à ma vie extérieure ; Je peux participer à sa mise en forme comme je le souhaite. Oh, combien de fois j’en ai rêvé, et maintenant c’est vraiment devenu réalité ; Je n’arrive toujours pas à y croire. » Un rêve. Qui s’arrête là, rapporte la chercheuse Anja Baumhoff, autrice de l’ouvrage The Gendered World of the Bauhaus (Peter Lang, 2001). Car le progressisme féministe de Walter Gropius n’était qu’une façade. La chercheuse affirme que s’il pensait sûrement ce qu’il a déclamé lors du discours d’ouverture, Gropius a mis en place dès le début une politique sexiste au sein de l’école d’art censée être la plus progressiste de son temps. Il met alors en place une politique non officielle pour décourager les femmes de participer aux ateliers prestigieux. Il recommande aux professeurs (que des hommes) de procéder à une sélection stricte notamment pour les femmes. « La proportion d’hommes et de femmes a atteint des proportions qui nous obligent à nous abstenir d’enrôler des dames. Les ateliers regorgent de femmes, notamment la poterie, la sculpture sur bois et plusieurs autres domaines. Puis-je suggérer, par conséquent, que l’admission des femmes soit interrompue pour le moment, à moins qu’elles ne fassent preuve d’un talent vraiment exceptionnel ? » Deux ans plus tard, il recommande d’envoyer les femmes, après le cours préliminaire commun à tous les étudiants, à l’atelier de tissage, à celui de céramique ou de reliure. Cette politique est contestée par les élèves femmes de l’école. Au sein du journal étudiant Der Austausch (L’Échange), l’étudiante Dorte Helm conteste le rôle de mère auquel les femmes doivent se conformer. D’autres, comme Kathe Brachmann, se montrent plus conciliantes et défendent le droit de créer comme une alternative à la maternité ou une activité en attendant d’endosser pleinement le rôle de mère. Dörte Helm, Postkarte für die Bauhaus-Ausstellung (Carte postale pour l’exposition du Bauhaus), 1923, Lithographie en couleur, dimensions 15,1 x 10,3 cm, Legs de Nina Kandinsky, 1981 au Centre Pompidou En 1921, Gropius devient explicite sur sa politique comme en témoigne cette lettre refusant une élève, Annie Weil, au sein de l’atelier d’architecture : « D’après notre expérience, il n’est pas conseillé aux femmes de travailler dans les ateliers des métaux lourds, comme la menuiserie, etc. C’est précisément pour cette raison que le Bauhaus a développé un département féminin qui se concentre sur la production textile. La reliure et la poterie acceptent également les femmes. Cependant, notre politique est de décourager les femmes d’étudier l’architecture. » La façade féministe de Walter Gropius couplée à sa politique sexiste n’est évidemment pas restée sans conséquence. On pense aux femmes qui ont été refusées, on pense à celles qui ont été acceptées mais qui n’ont pas eu l’opportunité de suivre l’atelier de leur choix. Et on pense à leurs doutes. Les restrictions mises en place par Walter Gropius ont eu pour conséquence, comme en témoignent les écrits des artistes passées par le Bauhaus, que les femmes ont douté de leur propre talent. Plutôt que d’imputer leurs échecs sur les stéréotypes sexistes de Gropius, elles les attribuent à leurs compétences, ou plutôt à l’absence de celles-ci. Ainsi, Resi Jager-Pfleger écrit dans le journal étudiant Der Austausch : « Nous, les femmes, pouvons être aussi Et puis, c’était une réalité où on ne voulait pas d’elles. Alors qu’elles pensaient avoir intégré l’école la plus progressiste du monde, les étudiantes se voyaient refuser d’intégrer certains ateliers car elles n’avaient pas les qualifications nécessaires. Impossible que ce soit le patriarcat, devaient-elles se dire, rappelons-nous le discours officiel de Gropius. La raison devait sûrement venir d’ailleurs. Leur talent, probablement. « Ecrire, c’était parler de la réalité » Diariata N’Diaye est devenue l’exemple qu’elle aurait aimé avoir. Diariata N’Diaye est la cofondatrice de l’association Résonantes. En 2015, pour soutenir les femmes victimes de violence, elle a créé l’application App-Elles, aujourd’hui active en France et aux Etats-Unis. Elle raconte comment l’engagement au service des victimes de violences est inscrit dans sa propre histoire.
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