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Que se passe-t-il lorsque vous travaillez dur pour quelque chose de peu épanouissant ? Cela draine votre esprit. Cela vous prive de votre force vitale. Vous finissez épuisé·e, déprimé·e et en colère.
Oprah Winfrey
4 questions à Deb JJ Lee
L’artiste américano-coréen·ne Deb JJ Lee raconte dans le somptueux roman graphique autobiographique In Limbo (Éditions Akileos, 2024) les difficultés traversées au cours de ses années au lycée. C’est un récit très émouvant et plein d’empathie sur la santé mentale des adolescents. Relations avec ses parents et ses amis, racisme, identité, études et orientation… De nombreux thèmes sont abordés avec beaucoup de tendresse et sous la plume très talentueuse de l’artiste. (À noter cependant, un trigger warning pour des tentatives de suicide).
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Comment ça va ?
En ce moment, je me sens plutôt bien ! Je viens de me réveiller et je suis sur le point de prendre le train de Tokyo à Nara pour voir ce fameux parc avec des cerfs. Cela fait plus de dix ans que je veux y aller, alors ça devait bien arriver un jour. *Et* il s’est arrêté de pleuvoir ! Globalement, j’ai l’impression que ma vie ne cesse de s’améliorer. Je n’aurais jamais pu rêver de ma situation actuelle – même la possibilité de gagner de l’argent en dessinant me semblait hors de portée. Je suis capable de vivre et de voyager de manière indépendante et d’avoir des gens qui me soutiennent même loin de chez moi, ce qui paraissait impossible il y a une dizaine d’années.
Que fais-tu lorsque ce moment très embarrassant qui a eu lieu quand tu avais 8 ans et demi surgit dans tes pensées à 3h30 du matin ?
Wow, c’est pas facile ! La plupart sont des souvenirs dont personne d’autre que moi ne devrait se rappeler, ce qui me réconforte. Mais quand ce n’est pas le cas… alors ce n’est “jamais arrivé”… ! Ou du moins, en général, il n’y avait pas de mauvaise intention. (Par exemple : inviter toute ma classe à ma fête en 4ème, à l’exception d’une seule personne, que j’ai tout simplement oubliée ! Cody, je suis vraiment désolé·e).
Quelle est la dernière application que tu as supprimée de ton téléphone ?
Je dirais Hinge, parce que j’ai trouvé quelqu’un que je chéris vraiment !
As-tu un mantra que tu te répètes lorsque tu es sur le point de sauter en parachute ?
Probablement quelque chose du genre “des gens normaux comme moi ont déjà fait ça plusieurs fois”, et si rien ne se passe comme prévu, il n’y a vraiment rien que je puisse faire à ce sujet. Tout comme si j’étais dans un avion sur le point de s’écraser.
Crédit photo : Amir Hamja
Le burn-out n’arrive pas qu’aux adultes
par Lila Paulou (vous pouvez me suivre sur Twitter)
Vous en avez certainement entendu parler sur TikTok, Instagram, ou dans la bouche des adultes qui vous entourent. Le burn-out, aussi appelé syndrome d’épuisement professionnel en français, résulte d’un stress chronique au travail. Il se manifeste par un épuisement émotionnel et physique, une attitude cynique et un sentiment de non-accomplissement personnel dans son activité. Mais alors que les périodes d’examens ou d’examens blancs approchent, prenez bien soin de vous, les Petites Glo : cet épuisement n’épargne pas les adolescent·e·s, bien au contraire.
Pour sa thèse sur le burn-out scolaire, la docteure en psychologie Aline Vansoeterstede a mené une étude auprès de 540 lycéens et lycéennes français·e·s. 15% d’entre elleux présentaient des signes de burn-out. “On peut définir le burn-out scolaire comme un épuisement chronique qui résulte de l’exposition des élèves à du stress chronique à l’école – principalement la charge de travail et la peur d’échouer en lien avec l’orientation,” précise-t-elle. “Ceci entraîne une distanciation mentale avec l’école (une perte de sens) et un sentiment d’inadéquation (l’impression de ne pas être à la hauteur).”
Si la possibilité que le burn-out touche aussi les plus jeunes ne s’est imposée que récemment, c’est en partie car “on a longtemps considéré que l’école était un milieu de développement positif pour les enfants et les adolescents,” explique Aline Vansoeterstede. Mais ce n’est pas le cas pour tous les élèves. “Nos sociétés modernes accordent de plus en plus d’importance à la réussite scolaire, et c’est sans doute la raison principale pour laquelle les élèves ressentent plus de stress en lien avec leurs performances scolaires par peur de ne pas obtenir l’orientation souhaitée.”
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Ce stress scolaire peut être rapproché de la dégradation de la santé mentale chez les adolescents depuis 2018, et particulièrement chez les jeunes filles. Pour Aline Vansoeterstede, les adolescent·e·s en burn-out sont particulièrement stressé·e·s par la charge de travail, la peur de l’échec, le bruit (en classe et à la maison), et les relations avec leurs enseignants et leurs parents, mais aussi avec leurs pairs (dans des cas de conflit et de harcèlement). Ainsi, ces élèves se sentent moins soutenus et utilisent toutes les stratégies qu’ils peuvent pour faire face au stress. Selon la chercheuse, cela risque de les mener à consommer des substances psychoactives ou à exprimer des émotions négatives.
Les filles sont plus à risque de souffrir de burn-out scolaire, sans qu’on sache vraiment pourquoi. “Cela peut être dû à leur fonctionnement hormonal, au fait qu’elles accordent plus d’importance à l’école (ce qui serait lié aux rôles genrés), au fait qu’elles ont une estime de soi plus fragile…,” suggère Aline Vansoeterstede. De plus, certains traits de personnalité prédisposent au burn-out scolaire, comme le perfectionnisme socialement prescrit (quand on se compare aux autres pour évaluer sa performance), une faible estime de soi, ou le fait d’éprouver facilement des émotions négatives. Enfin, les élèves qui démontrent davantage de difficultés scolaires y sont plus exposés.
Au cours de son étude, Aline Vansoeterstede a évalué que 40% des 540 élèves interrogés se portaient bien. Mais en plus des 15% de jeunes en burn-out, elle a noté environ 25% d’élèves “épuisés” et 17% de “désengagés.” Elle définit ce premier profil comme des jeunes qui se sentent plutôt soutenus et adoptent des “stratégies assez positives pour faire face au stress”, mais qui commencent à être débordés. Les élèves “désengagés” présentent pour leur part une forte distance mentale avec le milieu scolaire sans pour autant être épuisés. Ils sont cependant plus susceptibles de consommer des substances psychoactives, et comme les élèves en burn-out, sont à risque de décrochage scolaire.
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Face à ces constats, la docteure en psychologie propose ainsi plusieurs pistes pour aider les élèves en situation de stress scolaire. On peut par exemple aider les élèves à s’organiser, planifier à la fois des temps de travail et des temps de repos (sommeil, activités extra-scolaires, sport), et relativiser autant que possible les enjeux scolaires. Les élèves désengagés auront besoin de soutien pour travailler sur le sens qu’ils accordent à leur scolarité, leurs projets d’orientation et leurs sources de motivation.
Dans le cas des élèves en burn-out, Aline Vansoeterstede préconise de vérifier qu’ils ne souffrent pas d’autres troubles de santé mentale, auxquels ils sont plus exposés. En effet, selon le site d’informations sur la santé mentale Verywell Mind, les adolescents en burn-out sont susceptibles de souffrir de dépression, d’anxiété, d’insomnie, de douleurs physiques, de changements dans leurs habitudes alimentaires ou de perturbations du cycle menstruel. Elle recommande aussi de s’assurer que les élèves souffrant d’épuisement n’ont pas mis en place des stratégies contre-productives.
“Certains peuvent passer trop de temps sur les réseaux ou à jouer ou consommer des substances pour éviter de penser à l’école.”
Aline Vansoeterstede salue un intérêt grandissant pour le bien-être des élèves en France, que ce soit au niveau national ou au sein des établissements, bien que l’enquête PISA de 2018 signale que les élèves français expriment une plus grande peur de l’échec que la moyenne observée dans les pays de l’OCDE. « Je constate que plein d’équipes tentent des choses : espaces de repos, boîtes à questions, groupes de parole… Ça va dans le bon sens, mais il faut soutenir ces volontés institutionnellement.” Elle estime qu’il est nécessaire de se doter d’outils pour mesurer régulièrement la santé et le bien-être des élèves. “Pour moi, il restera compliqué d’agir tant qu’on n’aura pas du temps, de l’espace et des moyens pour proposer aux élèves des activités en dehors des cours pour partager, s’exprimer ou créer du lien avec les adultes.”
Le mental fitness des Petites Glo
Aline Vansoeterstede tient à rappeler que le stress est une réaction normale : “Quand on a peur du stress, on génère encore plus de stress et ça devient ingérable.” On peut ainsi mettre en place des stratégies pour en diminuer le ressenti. Elle indique que le plus efficace est d’agir sur la situation à la source de ce stress, comme dans l’exercice ci-dessous. Mais dans des cas très intenses, il vaut mieux agir d’abord sur ses émotions avec par exemple des exercices de respiration ou de méditation, ou encore une activité physique.
On écoute : “Ados en burn-out”, épisode du podcast Les Pieds sur terre sur France Culture (2018)
Émilie, 15 ans, livre un témoignage touchant sur le burnout qu’elle a fait en Première. Malgré ses bonnes notes, elle est toujours poussée par ses parents à en faire plus. Étouffée par une compétition et une pression très forte au lycée, elle doit finalement être hospitalisée durant trois semaines, pendant lesquelles elle réapprend à être à l’aise dans ses études.
On regarde : Booksmart, film d’Olivia Wilde (2019)
Le dernier jour du lycée, les deux héroïnes de Booksmart se rendent compte avec horreur qu’en faisant de leur scolarité leur unique priorité, elles sont passées à côté de beaucoup de choses et tentent de se rattraper tant bien que mal. Un film très fun sur l’amitié, et un bon rappel sur le fait que même s’il est très important d’étudier, s’amuser et créer des liens l’est tout autant !
On écoute : L’Ode à la joie, issue de la 9e Symphonie de Beethoven (1824)
En 2024, alors que nous nous préparons aux élections du Parlement européen, nous célébrons également le 200ème anniversaire de l’Ode à la joie de Beethoven. Ce chef-d’œuvre incarne les valeurs qui définissent notre identité européenne commune : la liberté, la paix et la solidarité. Donnez libre cours à votre créativité et réimaginez la symphonie de Beethoven avec votre propre touche artistique ! Des orchestres symphoniques au rap, en passant par la danse, le théâtre, les flash mobs, les vidéos créatives, l’art graphique et la narration, il n’y a pas de limites à votre expression. Rendez-vous sur le site https://ode2joy.eu/ pour envoyer votre contribution !
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