Etre allié·e ne suffit pas, par Rebecca AmsellemMercredi 23 janvier 2019 « Bref, on veut des actions ». C’est parti d’un tweet de la réalisatrice Amandine Gay. Il renvoie vers le texte « Des complices, pas des alliés : abolir le complexe industriel de l’Allié » écrit par le groupe activiste américain « Indigenous Action Media » qui soutient la défense des terres sacrées des communautés indigènes (à lire ici). Quelle différence entre être allié·e et complice d’une cause ? Lorsqu’on fait partie d’un groupe majoritaire ou privilégié, être complice implique de se mettre en danger, là où d’autres personnes n’ont pas de choix de se battre. La réalisatrice précise : il s’agit par exemple pour les hommes de céder sa place à une conférence où il est invité à partager son expérience, d’exiger l’égalité salariale pour leurs collègues qui font le même travail qu’elles, qu’ils militent pour l’allongement et le partage du congé parental (et qu’il remplace le congé maternité et le congé paternité pour être plus inclusif) : « bref, on veut La stratégie des activistes doit toujours intégrer un ennemi théorique commun : les logiques de domination. La réponse doit donc de s’attaquer à un système de domination. Or les alli·e·s reproduisent les logiques de domination : « Ils-elles construisent un pouvoir ou des capacités organisationnelles ou individuelles, et s’établissent confortablement au sommet de leur hiérarchie de l’oppression en s’efforçant de devenir les allié-es « vedettes » de la majorité des opprimés. Tandis que l’exploitation de la solidarité et du soutien n’est pas nouvelle, la marchandisation et l’exploitation de la Lorsqu’on se revendique homme féministe ou blanc·he antiraciste, il ne s’agit donc pas d’être allié·e d’une cause en s’appropriant une expérience qu’on n’a pas vécu, voire en utilisant une expérience pour se glorifier ou pour se défaire d’une culpabilité, il faut se mettre en danger. Etre complice implique d’être à l’écoute, d’être transparente sur son agenda, Les complices écoutent les expériences, les pratiques et ne se les approprient pas. Par ailleurs, contrairement aux allié·e·s, « les complices ne sont pas inspiré·es par leur culpabilité ou honte personnelles, ils-elles peuvent avoir leur propre agenda mais ils-elles sont explicites. ». Enfin, la notion de complicité implique une confiance : « La complicité se forme par le consentement mutuel et l’édification de la confiance. Ils n’ont pas seulement notre soutien ; ils-elles sont à nos côtés, ou bien ils s’opposent et déstabilisent le colonialisme sur leur propre terrain. En tant que complices nous sommes forcé-es de rendre des comptes et d’être responsables les La complicité fait écho aux pratiques préconisées par l’essayiste canadienne Naomi Klein. En réponse à l’élection de Trump, Klein propose une stratégie pour contrer la marque « Trump » et ne pas tomber sans une position systématique de défense. Car, comme l’explicite le titre de son essai : « Dire non ne suffit plus ». L’élection de Trump repose sur une stratégie de marque réussie. Cette stratégie incite à la confusion entre engagement citoyen et mania pour une marque. Elle n’est pas réservée aux élu·e·s conservateurs·rices : l’élection de Trudeau repose sur cette même stratégie. Les crises sont sources de changement systémique positif : « Une crise épouvantable alerte les consciences et contraint à l’adoption de mesures législatives fondamentales, ce qui tend à construire une société plus juste et plus sûre. Ce résultat est en fait le fruit du travail acharné de militants qui ont préparé le terrain pendant des années avant que le choc ne se produise. Ces réformes étaient loin d’être parfaites, elles ne représentaient absolument pas un véritable changement de société, mais elles ont quand même permis de mettre en place l’essentiel du filet de sécurité social moderne et les structures règlementaires qui protègent un grand nombre de travailleurs ainsi que Au delà de la stratégie de marque, la stratégie de Trump repose également sur une poussée de la rage : « S’il n’y a qu’une seule grande leçon à tirer de cette poussée de rage quasi planétaire, c’est celle-ci : ne jamais sous-estimer le pouvoir de la haine. Ne jamais sous-estimer à quel point le pouvoir sur les « autres » est attirant, quels qu’ils soient : immigrés, musulmans, Noirs, Mexicains, femmes. En particulier pendant les périodes de crise économique, quand beaucoup craignent à juste titre de voir disparaitre les emplois qui leur permettent de vivre décemment. » A ces stratégies de marque et de peur, s’opposent des résistances individuelles et systémiques. Pour Angela Davis, citée par Klein, la résistance est totale. « La résistance ne peut plus se limiter à un seul champ. Angela Davis, lors de la Marche des femmes à Washington DC, a puissamment évoqué cela : « Les 1459 jours à venir du gouvernement Trump seront 1459 jours de résistance. Résistance sur le terrain, résistance dans les salles de cours, résistance au travail, résistance par l’art et la musique. Ce n’est qu’un début et, pour reprendre les paroles de l’inimitable Ella Baker (militante américaine contre le racisme, le sexisme et les clivages de classe) : « nous qui croyons en la liberté, nous ne La moyen de Klein pour dépasser cette crise ? L’utopie : « Le rapport entre les rêves les plus fous et les victoires bien concrètes a toujours été au coeur des périodes de changements. » La solution prônée par Amandine Gay et les membres de Indigenous Action Media ? La complicité. P.S. Cette newsletter vous a plu ? Est-ce que vous connaissez celles-ci ? RENCONTRE AVEC GLORIA STEINEM, Artiste, activiste, poète… pourquoi pas moi ? |
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