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Se libérer des attentes des autres, se rendre à soi-même – c’est là que réside le grand et singulier pouvoir du respect de soi.
Joan Didion
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Le mental fitness des Petites Glo
“Nous avons accès à nos téléphones 24h/7, et nous hésitons à les éteindre par peur de rater quelque chose, que ce soit un message du travail ou de notre partenaire.” Selon la Dr Pamela Rutledge, l’anxiété liée aux messages est un réel problème pour beaucoup de gens. Voici donc plusieurs de ses conseils pour se sentir mieux face à cette connexion permanente.
Confessions de slow texters*
*personnes qui mettent du temps à répondre à leurs messages
par Lila Paulou (vous pouvez me suivre sur Twitter)
“Si j’avais su, je t’aurais envoyé une lettre.” “Tu réponds déjà ?!” Voici les indices que laissent mes amis pour me suggérer que je prends trop de temps à répondre à leurs messages. En règle générale, je réponds assez vite quand la situation le demande : organiser un événement dans le futur proche, partager une information manquante, complimenter une nouvelle coupe de cheveux. Mes pics de lenteur surviennent lorsque je cherche à soigner mes réponses, et que j’attends donc d’être tranquille et dans le bon “mood” pour écrire de façon inspirée. Sauf que souvent j’oublie, et s’écoulent des heures, des jours, puis des semaines avant que je m’en souvienne avec horreur.
Je comprends très bien que cela puisse être frustrant ou blessant : j’ai été l’autre. Même si je sais que je n’ai pas de mauvaise intention, le vide provoqué par l’absence de réponse peut être rempli par n’importe quelle peur de la personne de l’autre côté du téléphone. “Nous sommes programmé·e·s pour répondre à un message comme à l’équivalent d’une communication en face à face, parce que les messageries instantanées permettent une conversation en temps réel,” explique la Dr Pamela Rutledge, spécialiste en psychologie des médias.
“Par conséquent, un message s’accompagne de la pression implicite de savoir que l’autre personne est là, attendant une réponse. Pour l’expéditeur, l’immédiateté du SMS et les notifications ‘délivré’ et ‘lu’ engendrent des attentes en matière de temps de réponse. Si nos amis ne répondent pas à nos messages dans ce que nous considérons comme la ‘norme du temps de réponse’, il est
facile d’attribuer une signification à ce retard, tels que le rejet ou l’impolitesse.” Ce que les anglophones appellent “text anxiety” (anxiété des messages) peut d’ailleurs s’accentuer lorsqu’on correspond avec son crush.
Vous n’avez qu’une minute pour lire cette newsletter ? Zappez la lecture et prenez dix secondes pour admirer cette nouvelle forêt enneigée qui, je l’espère, vous fera oublier cette plaque de verglas sur laquelle vous avez failli glisser ce matin (vive l’hiver).
Rien de tout cela pour Gloria, qui avoue sur Instagram se sentir parfois “physiquement incapable” de répondre à ses messages. Elle lance un cri du cœur aux victimes des “bad texters” (mauvais en messages) auxquels elle s’identifie : “On veut vraiment vous répondre, et surtout pas vous ignorer ou vous blesser. Des fois, c’est juste très dur, que ce soit parce qu’on stresse, qu’on manque de temps, qu’on procrastine ou qu’on ne trouve pas les bons mots.”
À ce sujet, elle explique ne pas répondre à la même vitesse selon la personne à laquelle elle s’adresse. “Je réponds très rapidement aux gens qui me connaissent bien, comme ma mère ou mon copain, parce que j’ai l’habitude de leur écrire donc cela me vient naturellement.” En revanche, elle va beaucoup plus réfléchir à sa façon de formuler ses réponses à des personnes moins proches. “Répondre devient une corvée, et je me mets alors à procrastiner.”
“Certaines personnes prennent plus de temps et réfléchissent davantage à la manière dont elles communiquent,” précise Pamela Rutledge. “Les SMS sont dépourvus des indices visuels qui fournissent un contexte social, ce qui facilite les erreurs d’interprétation. Les émojis aident, mais ne remplacent pas le ton de la voix et les expressions faciales. Cela peut créer de l’anxiété quant à la signification d’un message, ce qui rend la réponse encore plus difficile, car une mauvaise interprétation pose un risque social.”
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Je n’ai jamais peur d’être mal comprise par mon amie Manon, dont je suis très proche depuis le lycée. Et pourtant, elle est comme moi une experte dans la pratique des réponses lentes : nous échangeons à la fréquence de six jours ouvrés environ, parfois six semaines. Elle regrette qu’on prenne rarement en compte la possibilité que notre interlocuteur soit occupé : “Attendre une réponse rapide, c’est vouloir accaparer l’attention d’une personne alors que celle-ci la consacre à une autre personne ou une autre activité, d’autant plus quand le message émis n’était pas prévu ou attendu. La réalité virtuelle veut que l’on soit dans la réaction constante et permanente, à n’importe quel moment et n’importe quelle heure de la journée.”
En effet, les messages peuvent devenir invasifs sans le vouloir, souligne Pamela Rutledge. “L’expéditeur ne sait pas ce que fait le destinataire au moment où il envoie le message. Alors que nous n’interromprions pas un ami occupé ou en pleine conversation, nous ne pouvons pas voir ce que fait le destinataire d’un SMS. Ainsi, nous interrompons ou dérangeons souvent les gens par inadvertance lorsque nous leur envoyons un message.”
Alors, que faire ? Fuir l’immédiateté des communications modernes en ne correspondant plus que par carte postale ? Pas si vite, tempère Alexandra Masciantonio, une chercheuse en psychologie sociale spécialisée dans l’impact des réseaux sociaux sur le bien-être. Bien que souffrant d’une mauvaise réputation, ceux-ci nous apportent des tas de bonnes choses comme parler avec nos proches. Nous passer des réseaux nous en priverait donc. “Il est important de prendre du recul en se rappelant qu’il est parfois nécessaire de se déconnecter pour pouvoir mieux se reconnecter,” suggère-t-elle.
À Manon, à la fois victime et bourreau des réponses tardives, de conclure : “On a le droit de mettre du temps à répondre mais il faut être averti que pour certains, cela est blessant.” Elle conseille ainsi à celles et ceux dans l’attente d’une réponse de partager leurs inquiétudes s’ils se sentent délaissés, et d’introduire leurs messages nécessitant une réponse rapide par un “URGENT.” Méthodes testées et approuvées par mes soins (dans les deux sens).
On écoute : “Telephone”, chanson de Beyoncé et Lady Gaga (2009)
Une excellente chanson par deux icônes de la pop américaine, un classique qui vous fournira moultes excuses pour ne pas répondre à vos messages (vous avez laissé votre tête et votre cœur sur le dancefloor).
On lit : Normal People, roman de Sally Rooney (2018) et son adaptation en mini-série (2020)
L’autrice irlandaise Sally Rooney est connue pour ses romans mettant en scène des relations complexes avec beaucoup de sensibilité, et aussi pour ses dialogues mêlant interactions en personne et échanges sur les réseaux sociaux. Normal People offre une très belle lecture (et son adaptation, un très beau visionnage) qui vous convaincra qu’on n’a pas besoin d’être un “bad texter” pour causer des malentendus malheureux.
On regarde : You’ve Got Mail, film de Nora Ephron (1999)
En fin d’année, quoi de mieux que de regarder un film avec Meg Ryan et Tom Hanks ? L’occasion de rappeler que même si votre interlocuteur répond aussi vite que les deux protagonistes, vous ne saurez jamais tout d’eux à travers les réseaux… Et qu’il faut soutenir les librairies indépendantes !
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