* Le Club * Le prochain Club des Glorieuses aura lieu ce jeudi de 18h30 à 19h30. Pour découvrir l’invitée et réserver, rdv ici (ou scrollez tout en bas de cet email).
« Je n’ai jamais opéré à partir de la théorie. J’ai toujours opéré à partir de sentiments. Le sentiment et l’expérience », une conversation avec Martha Wilson.
par Rebecca Amsellem (pour me suivre sur Insta, c’est là et sur Twitter, c’est là)
Dans cinq jours, le 31 janvier, l’exposition « Martha Wilson à Halifax » se clôturera au Centre Pompidou (niveau 5, espace Focus) à Paris. Martha Wilson est une artiste féministe. Elle est une des premières artistes à avoir utilisé son corps pour mettre en évidence les stéréotypes qui s’inscrivent dans notre société. La newsletter du jour est l’occasion d’échanger avec l’artiste, née à Philadelphie, en 1947, qui a dédié sa carrière à interroger les représentations du féminin. La retranscription originale, en anglais, se trouve tout à la fin de la newsletter.
Rebecca Amsellem – Vous dites que votre travail de performance est « le lieu d’intersection entre l’image et le texte ». Pour la spectatrice ou le spectateur, on comprend que vous donnez votre corps, au même titre que votre cerveau à votre art. Dans quelle mesure cette forme est apparue comme une évidence pour créer ce que vous vouliez créer ?
Martha Wilson –
Je dois vous montrer ça. C’est une pièce appelée Captiver un homme. J’ai habillé mon petit ami. Il ressemblait à Marcel Duchamp. Captiver un homme est un renversement de situation : une femme captive un homme, l’homme est rendu attirant par la femme. Dans le renversement hétérosexuel, le pouvoir du maquillage se retourne contre lui-même. La captivation est une émasculation. Donc je n’utilisais pas seulement mon propre corps, mais aussi celui des autres.
(c) Courtesy de Martha Wilson, mfc-michèle didier et PPOW Gallery (site internet du Centre Pompidou)
Rebecca Amsellem – N’est-ce pas la devise de tout artiste que d’utiliser tout son environnement – sa famille ou ses amis – dans son travail ?
Martha Wilson – Mon petit ami et moi avons déménagé au Canada ensemble en 1969. Nous avons obtenu notre diplôme universitaire au plus fort de la guerre du Vietnam. Il ne voulait pas être enrôlé dans l’armée américaine, et j’ai été élevée en tant que quaker – les quakers sont pacifistes. Nous avons donc déménagé en Nouvelle-Écosse, où se trouvait l’école d’art la plus cool d’Amérique du Nord, et il s’est inscrit là-bas,
tandis que je m’inscrivais au département d’anglais, de l’autre côté de la rue. Parce que je n’étais pas sûr de l’idée de devenir une artiste. Je voulais être une artiste, mais j’avais peur. Après quelques années au Canada, j’ai commencé à faire de l’art moi-même. Je vais vous lire ceci pour répondre à votre question. « Posture ». « La forme détermine les sentiments, de sorte que si je me suppose dans un rôle, je peux éprouver une émotion étrangère. C’était une tentative de transformation en double sexe. Je suis habillé en “drag” de sorte que la transformation est de la femme à l’homme, puis à nouveau à la femme. » Théoriquement, le public non
initié ne voit que la moitié de ce processus de transformation d’un homme en femme. C’était en février 1972.
Rebecca Amsellem – Vous avez mentionné plus tôt et dans quelques interviews que vous ne vouliez pas devenir une artiste de performance, vous avez dit que c’était parce que vous aviez trop peur. De quoi aviez-vous peur ? Du manque de stabilité ? Ou bien attendiez-vous un moment où il vous semblerait évident que vous deviendriez artiste ?
Martha Wilson – Mon petit ami et moi ne nous entendions pas tout le temps. Donc on a rompu et j’ai réalisé qu’il avait été la proue du navire. Il établissait les relations sociales,
fixait les rendez-vous pour le dîner. Je m’amusais, mais je n’étais pas l’agent de situation. Alors quand je suis devenue célibataire et donc l’agent de situation, il fallait que je découvre qui j’étais. Je laissais ma maison en désordre pour savoir si j’aimais vivre dans une maison en désordre. J’écoutais différents types de musique pour savoir quel genre de musique j’aimais. Je ne savais pas vraiment qui j’étais. Et donc toutes ces expériences sont un effort pour découvrir qui est là-dedans en essayant différentes choses. Regardez ça, c’est une autre pièce. Elle s’appelle Posturing : Age Transformation. « Je suis une artiste de vingt-cinq ans qui essaie de ressembler à une femme de cinquante ans qui essaie d’avoir l’air d’avoir vingt-cinq ans. J’étais extrêmement mal à l’aise habillée comme une femme d’âge moyen, ce qui, à mon avis, est un indice de la peur que j’ai du statut de “trentenaire” dans la société. » J’ai largement dépassé la trentaine à ce moment-là.
Rebecca Amsellem – C’est à Halifax que vous avez commencé à créer des performances. En particulier, vous avez montré un portefeuille de stéréotypes, la ménagère, la déesse, la travailleuse, la professionnelle, la mère de la terre ou la lesbienne. Quel était le défi que vous vous étiez fixé en faisant cela ?
Martha Wilson – J’avais tout essayé et je découvrais que le seul rôle qui me restait était d’être une artiste et d’expérimenter. Voici la déesse. « Sa présence est ressentie par les hommes et les femmes, et chaque membre de la société âgé de plus de cinq ans la connaît. Elle est l’archétype de la femme-modèle, une image de référence implicite. Elle est toujours parfaite. Elle sent aussi merveilleusement bon à tout moment. Elle a du “sex-appeal”. Pourtant, elle est asexuée. On regarde, mais on n’imagine pas. Qu’elle soit intelligente ou non n’a aucune importance.
Nous sommes autorisées à vivre dans cette société, mais on doit se conformer à certains modèles : vous pouvez être une déesse, vous pouvez être une femme au foyer, vous pouvez être une travailleuse, vous pouvez être une lesbienne, vous pouvez être une mère terrienne ou vous pouvez être une professionnelle. À un moment ou à un autre, je les ai toutes essayées et aucune n’a tenu. Tout ce qu’il me reste à faire, c’est d’être une artiste et de pointer du doigt ma propre situation. L’artiste opère à partir du vide laissé lorsque toutes les autres valeurs sont rejetées. Trente ans ont passé et j’ai eu un fils, il avait une petite amie de l’université. Elle est venue à
New York. Elle a vu cette pièce sur le mur. Elle l’a lue en entier. Elle a dit, c’est toujours comme ça.
Rebecca Amsellem – Linda Nochlin, autrice de l’ouvrage Pourquoi n’y a-t-il pas eu de grands artistes femmes ? aux éditions Thames & Hudson, a écrit en 1971 et publié en 2021 en français et écrit les mots suivants : « L’art n’est en aucun cas l’activité libre et autonome d’un individu surdoué, “influencé” en priorité par les artistes qui l’ont précédé et, de façon plus vague et superficielle, par des “forces sociales”. Nous déduisons […], écrit Linda Nochlin, que le contexte global propre à la
création artistique – celle-ci étant liée au développement du sujet créateur ainsi qu’à la nature et à la qualité de l’œuvre d’art en elle-même – survient dans un certain paysage social, qu’il est l’un des éléments qui composent ce paysage social, qu’il est à la fois perpétué et déterminé par des institutions sociales spécifiques et identifiables, et qu’enfin, parmi ces institutions se trouvent les académies et les systèmes de mécénat, mais aussi les mythologies sur le créateur divinisé et sur l’artiste comme super-héros viril ou paria social. » Sommes-nous arrivées à cette société où toutes les conditions sont réunies, pour un homme ou une femme, cis ou
trans, pour qu’il ou elle puisse émerger et devenir un.e artiste ? Un.e grand.e artiste même ?
Martha Wilson – Je pense que le monde de l’art est devenu dernièrement plus conscient du féminisme et de l’antiracisme. Les artistes de couleur ont des opportunités et les femmes artistes ont des opportunités. Il n’y a jamais eu d’égalité dans le monde de l’art. Je me souviens de cette histoire de cette femme dont j’ai oublié le nom. Elle couchait pour la carrière de son mari. L’histoire raconte qu’elle savait qu’elle ne pourrait pas réussir toute seule, alors elle a couché avec des critiques pour faire avancer non pas sa carrière, mais celle de son mari.
Rebecca Amsellem – Harmony Hammond a écrit un jour que « notre silence contribue au manque de dialogue entre le public des artistes, au manque de critique d’un point de vue féministe, et finalement à la mauvaise interprétation de notre travail » (Feminist Abstrait Art. A political Viewpoint, Heresies, 1977). Avez-vous eu l’impression de devoir faire le travail de l’artiste mais aussi de la critique ou de l’historienne de l’art au cours de votre carrière ? Pensez-vous avoir encore besoin de le faire ?
Martha Wilson – J’étais une novice dans le monde de l’art lorsque j’ai commencé à réaliser cette œuvre en 1971. Mais heureusement
pour moi, Lucy R. Lippard est venue au Nova Scotia College of Art Design et a vu mon livre. Vous êtes censée tenir un livre avec un résumé des prix de toutes vos œuvres. Elle a regardé mon livre et a dit : « Oui, vous êtes une artiste, et il y a des femmes artistes partout en Amérique du Nord et en Europe qui font un travail féministe. » Je ne connaissais même pas le terme féministe. Il n’y avait pas de communauté de féministes à Halifax, en Nouvelle-Écosse, en 1970. En fait, les femmes étaient en compétition les unes avec les autres. Elles essayaient d’être des hommes et d’aller de l’avant et ne se soutenaient pas les unes les autres. Alors elle, Lucy, m’a fait participer à une exposition. Le spectacle s’appelait Circa 7500. La communauté féministe de Los Angeles a aidé à l’organiser. La pièce que j’ai utilisée s’appelait Breast Forms Permutated. J’avais pris des photos de poitrines de femmes, des poitrines plates aux poitrines pleines et enrobées, en passant par les poitrines pendantes et les soi-disant seins parfaits au milieu. Et à travers le
catalogue, j’ai trouvé d’autres femmes qui faisaient un travail sur l’identité comme je le faisais. J’ai pris contact avec l’une d’entre elles, Jacki Apple, et elle et moi sommes allées à New York en 1973 et nous avons fait une pièce ensemble appelée Transformence dans laquelle nous avons déjeuné à l’hôtel Plaza. Puis nous avons pris une limousine jusqu’à Soho et nous nous sommes promenées, le nombril du monde de l’art à l’époque. Dans le centre-ville, nous avons été considérées comme spéciales parce que deux photographes tournaient autour de notre table et prenaient des photos. Quand nous allions en ville dans les galeries, ils nous jetaient dehors. En ville, les gens demandaient aux photographes s’ils étaient des photographes de Vogue et nous disions aux photographes d’être d’accord avec tout. « Que le public projette ses fantasmes sur nous. » Et quand on est arrivées en ville, ils savaient qu’on n’était pas dans le magazine Vogue, ils nous ont jetées dehors. Cette pièce parlait vraiment de la création de l’identité féminine.
Rebecca Amsellem – Avez-vous le sentiment d’avoir intégré
dans votre performance le fait que vous deviez expliquer votre travail ?
Martha Wilson – La réponse est oui, la documentation consiste en des diapositives de nous et des photos de nous en train de déjeuner. Mais il y a aussi des textes sous chaque panneau qui expliquent ce qui se passait dans la pièce.
Rebecca Amsellem – Et pensez-vous que cela fait partie de votre travail en tant que femme qui est aussi une artiste ? Ou pensez-vous que c’est une question générale ?
Martha Wilson – Pour expliquer la motivation de la pièce ?
Rebecca Amsellem –
Oui.
Martha Wilson – Eh bien, cela m’a certainement aidé, en tant que jeune artiste, de travailler avec quelqu’un qui était déjà un artiste new-yorkais et déjà plus établi que moi. Elle avait des amis à New York. Elle connaissait un type qui payait la limousine. Elle savait où se trouvaient les galeries où nous devions nous rendre. Quand j’étais à Halifax, les femmes étaient ouvertement hostiles les unes envers les autres. Quand je suis arrivée à New York, les femmes se soutenaient ouvertement les unes les autres. Par exemple, Judith Stein qui publiait un bulletin intitulé Women Artists News. Elle m’a emmenée dans divers groupes d’éveil de la conscience pour que je puisse trouver celui
auquel je voulais adhérer. Elle n’était pas obligée de le faire, mais elle savait que j’étais une jeune artiste et que j’étais nouvelle ici. Elle m’a aidé. Et c’est ainsi que j’ai trouvé tous ces autres cinglés comme moi, qui n’avaient pas leur place dans le monde artistique normal ou dans le monde normal tout court.
Rebecca Amsellem – Aujourd’hui comme hier, on reproche aux féministes de ne pas connaître ou apprécier la nuance. Et pourtant, il semble que ce soit cette nuance qui soit au cœur de nos démarches intellectuelles. Et il semble que ce soit un élément central de votre travail qui préfigure en ce sens le travail de Cindy Sherman et les textes de Judith Butler sur l’identité. Qu’avez-vous ressenti ou comment avez-vous réagi lorsque vous avez lu Judith Butler pour la première fois ?
Martha Wilson – Je n’ai jamais opéré à partir de la théorie. J’ai toujours opéré à partir de sentiments. Le sentiment et l’expérience. Et
j’ai découvert plus tard les théories de Judith Butler et j’ai été heureux de les lire et heureux d’être discuté par des universitaires en relation avec Judith Butler. Mais croyez-moi, je n’ai pas lu Judith Butler pour ensuite faire ce travail, c’était l’inverse. Cindy n’a que quelques années de moins que moi, et elle a donc été fortement influencée par Suzy Lake. C’est une artiste américaine qui vit maintenant au Canada. Elle a vécu à Montréal et à Toronto et continue de vivre à Toronto. Suzy Lake était son professeur à l’université de Buffalo : les artistes féministes ont une influence sur d’autres artistes féministes. Je connaissais le travail de Suzy Lake, elle connaissait mon travail. Nous ne nous sommes jamais
rencontrées au Canada, mais nous sommes devenues amies, et nous nous sommes rapprochées, ironiquement, de nombreuses années plus tard.
Rebecca Amsellem – Je pose cette question à chaque personne que je rencontre, que j’interroge. Une question sur l’utopie. L’utopie est la direction dans laquelle nous devons continuer à espérer. Donc la question. Faisons un projet. La révolution est faite. Nous ne la connaîtrons peut-être pas de notre vivant (peu importe). L’entre-deux révolutionnaire est terminé, nous vivons dans une société féministe, antiraciste, inclusive, postcapitaliste. Pour vous, à quoi ressemble cette société ?
Martha Wilson – En fait, ce que je vois aujourd’hui, c’est de la récidive. Nous semblons perdre le droit à la liberté de disposer de notre corps comme on l’entend. Le monde idéal s’effrite. Cela ne veut pas dire que nous devons cesser de nous battre, mais cela signifie que nous n’y arriverons jamais de sitôt. Je me sens vraiment mal pour les femmes afghanes qui ont peut-être vingt ans, qui ont vécu dans une culture où les femmes sont valorisées et qui, tout à coup, n’ont plus de travail et ne peuvent plus sortir sous peine d’être tuées. Ce genre de situation est tout simplement horrible.
Rebecca Amsellem – Si vous deviez être dans cette société de rêve, à quoi ressemblerait votre environnement ? New York, par exemple, où vous vivez, avec tous ses gratte-ciel. À quoi ressemblerait New York si a) tous les hommes allaient en thérapie et b) il y avait plus de femmes architectes.
Martha Wilson – New York va devoir être conçue différemment à l’avenir à cause du changement climatique. Il y a un projet de construction d’une extension de l’île dans la baie qui se poursuivrait là où se trouve Wall Street. La proposition porte sur une grande partie du terrain, qui serait un parc et des immeubles de faible hauteur. Peut-être que nous gagnerons en combattant le changement climatique. Les pénis ne font pas le travail, donc les buissons doivent prendre la relève. The penises are not doing the job, so the bushes have to
take over.
On peut voir la rétrospective de Martha Wilson, au Centre Pompidou jusqu’au 31 janvier.
Ma sélection d’articles et de nouvelles
La pop culture française est-elle raciste ? C’est le sujet de la nouvelle newsletter des Petites Glo. Si l’on regarde la liste des artistes & révélations féminines nommé·e·s aux Victoires de la musique 2022 de près, toutes catégories confondues, le constat est frappant : tout ça est très blanc. C’est révélateur d’un problème persistant dans notre société française : le manque de diversité dans les médias et la culture. Chloé Thibaud conseille le fabuleux compte @lespuissantes qui présente des portraits
illustrés de femmes noires francophones « d’hier, d’aujourd’hui et de demain“, créé en 2019 par Diariatou Kebe (clumsy_gram) et Marjorie Bourgoin (@cococerise). Lire la newsletter ici.
Que se passe-t-il dans le monde féministe ? Un pas en arrière en Afghanistan et aux États-Unis, des féminicides en Espagne et en Grèce, et l’auto-identification du genre en Suisse : lire la dernière revue de presse internationale de
la newsletter Impact.
La dernière béguine s’éteint en 2013. « Paris, 1310. En plein cœur du quartier du Marais vit une communauté pas comme les autres. Derrière de hauts murs de pierre, 400 femmes sont installées dans de petites maisons individuelles, au milieu desquelles trône une chapelle. Ici, elles travaillent, prient, s’entraident. Sans aucun homme à l’horizon. Veuves ou célibataires, elles ont préféré vivre leur engagement religieux en dehors d’un couvent, en toute liberté. Bienvenue chez les béguines ! » A lire ici.
9 jeunes femmes sur 10 ont déjà subi des violences conjugales « Il est important que vous lisiez ceci les Petites Glo : tout le monde peut être victime de violences conjugales », écrit Chloé Thibaud dans la newsletter. En effet, les violences conjugales ne ne se présentent pas seulement sous la forme d’un œil au beurre noir. Elles ne concernent pas que les adultes. Elles commencent tôt, dès les premières relations amoureuses. L’enquête que Les Petites Glo & En avant toute(s) ont mené révèle que 9 jeunes femmes sur 10 ont déjà subi des violences
conjugales et de nombreux médias ont relayé le contenu de l’étude. Lire la newsletter.
Comment la « diplomatie féministe » entre en marche. Adoptée depuis 2014 par la Suède, cette doctrine visant à inclure les problématiques de genre dans les relations internationales fait des adeptes, dont la France.
Shaparak Khorsandi et Esther Manito, deux
scénaristes anglaises, ont grandi dans un monde sans féminisme mais avec les Spice Girls. Elles conversent autour de la nouvelle génération.
Double lesbicide au Mexique : un couple assassiné à Ciudad Juarez.
Les joies et les challenges du sexe après 70 ans.
Joan Didion a vu quelque chose de sa vie et sa génération.
Je regarde la série The Split sur Arte et j’adore.
Il est cinq heures.
« The artist operates out of the vacuum left when all other values are rejected », a conversation with artist Martha Wilson.
Rebecca Amsellem You say your performance work is « the place where image and text intersect. » For the spectator, we understand that you give your body, as well as your brain, your entire person actually to your art, – it is like from the very beginning you know there is no way out. We understand that in your case your job is not being an artist but you decided to be the art. Is it how you see it ?
Martha Wilson I should show you this. This is a piece called Captivating a Man. I dressed up my boyfriend. He looked like Marcel Duchamp. Captivating a man is a reversal of the means by which a woman captivates man, the man is made attractive by the woman. In heterosexual reversal, the power of makeup turns back on itself. Captivation is emasculation. So I wasn’t just using my own body, I was using other people’s bodies as well.
RA Isn’t it the motto of the artist to use all your surroundings – your family or friends in one’s work ?
Martha Wilson My boyfriend I moved to Canada together in 1969. We graduated from college at the height of the Vietnam War. And he didn’t want to be drafted into the United States Army, and I have been raised a Quaker – Quakers are pacifists. So we moved to Nova Scotia, where the coolest art school in North America was located, and he enrolled over there and I enrolled in the English department across the street. Because I wasn’t secure in the idea of becoming an artist. I wanted to be an artist, but I was afraid. So I would let the kids in the English literature program, we’re not as cool as the kids in the art school. So a couple of years in Canada, and I started making art myself, and that’s
what what this is. I am going to read that one to you to anwser your question. « Posturing ». « Form determines feelings, so that if I suppose in a role I can experience a foreign emotion. This was an attempt at double sex transformation. I am dressed in « drag » so that the transformation is from female to male back into female. Theoretically, the uninitiated audience sees only half this process from male into a female. It was in February 1972.
RA As you mentioned earlier and in a few interviews that you didn’t want to become a performance artist, you said it was because you were too afraid. What were you afraid of ? The lack of stability ? Or is it just you waited for some kind of moment in which it would just feel obvious that you would become an artist ?
Martha Wilson My boyfriend and I were not getting along all the time. We broke up and I realized that he had been the bow of the ship. He would make the social connections, establish the dinner dates. I was enjoying myself, but I wasn’t the agent in the situation. So when I was on my own and the agent in the situation, I would figure out who I was. I would let my house get messy to find out if I liked living in a messy house. I would listen to different kinds of music to find out what kind of music I liked. I didn’t I really know who I was. And so all of these experiments are an effort to find out who is in there by trying different things. Look at this, this this is another piece. It’s called Posturing : Age Transformation. « I am a twenty-five-year-old artist trying to look like a 50-year-old woman trying to look like she is twenty five. I was extremely uncomfortable dressed up like a middle-aged female, which I take to be an index to how much fear I have of « past thirty » status in society This is November 1973. I’m well past 30 at this point.
RA Halifax is where you started creating performances. In particular, you showed a model or rather stereotypes portfolio,, The Housewife, The Goddess, The Working Girl, The Professional, The Earth Mother or The Lesbian. What was the challenge you had assigned yourself when doing so ?
Martha Wilson I was discovering that the only role left was to be an artist and experiment. Here’s the cover of the goddess. « Her presence is felt by both men and women, and every member of society past the age of five is aware of her. She is the female-model archetype, an implicitly image of reference. She always looks perfect. She also smells wonderful at all times. She has « sex appeal ». However, she is asexual. We look, but don’t imagine. Whether she is intelligent is irrelevant ». So we are allowed to be in society, they’re role models that are held out to whoever : you can be a goddess, you can be a housewife, you can be a working girl, you can be a lesbian, you can be an Earth mother or you can be a professional. At one time or another, I’ve tried them all on and none have stick. All that’s left to do is to be an artist and point the finger at my own predicament. The artist operates out of the vacuum left when all other values are rejected. Thirty years went by and I had a son, he had a girlfriend from college. She came to New York. She saw this piece on the wall. She read the whole thing. She said, it’s still like that.
RA Linda Nochlin, author of « Why Haven’t There Been Great Women Artists? » » Thames & Hudson, written in 1971 and published in 2021 in French and writes the following words: Art is in no way the free and autonomous activity of a gifted individual, “influenced” primarily by artists who preceded it and, in a more vague and superficial way, by “social forces”. We deduce […] writes Linda Nochlin, that the global context specific to artistic creation – this one being linked to the development of the creative subject as well as to the nature and quality of the work of art in itself – occurs in a certain social landscape, that it is one of the elements that make up this social landscape, that it is both perpetuated and determined by specific and identifiable social institutions, and that finally, among these
institutions find academies and patronage systems, but also mythologies about the deified creator and about the artist as a virile superhero or social pariah. »Have we arrived at this society where all the conditions are met so that it is also for a man or a woman, cis or trans, to emerge and become an artist? A great artist even.
Martha Wilson I think the art world has lately become more conscious of feminism and racism. Artists of color are getting opportunities and women artists are getting opportunities. There was never any equality in the art world and so I remember this one story. I forgot this woman’s name. She was sleeping her husband’s way up. So the story is that she knew she couldn’t make it on her own, so she slept with critics to advance not her career but her husband’s career.
RA Harmony Hammond once wrote in Feminist Abstrait Art. A political Viewpoint, Heresies, 1977, that our silence contributes to the lack of dialogue between the audience of artists, the lack of criticism from a feminist perspective, and ultimately the misinterpretation of our work. Did you feel you had to do the job of the artist but also of the critique or the art historian over the course of your career ? Do you feel that you still need to do it ?
Martha Wilson I was a newbie in the art world when I started making this work in 1971. But luckily for me, Lucy R. Lippard came to the Nova Scotia College of Art Design and saw my book. You’re supposed to keep a book with a summary of prices of all your work. She looked at my book and said, « yes, you are an artist, and there are women artists all over North America and Europe who are doing feminist work ». I didn’t even have the term feminist in my vocabulary. There was no community of feminists in Halifax, Nova Scotia, in 1970. In fact, the women were competitive with each other. They were trying to be men and get ahead and not supportive of each other. So she, Lucy, put me in a show. The show was called circa 7500. The feminist community in Los Angeles helped organize it. The piece I used was called Breast Forms Permutated. I had taken
pictures of women’s breasts in Halifax, Nova Scotia, flat chested to full breasted coated to pendulous and the perfect so-called perfect sets in the middle. And through the catalog, I found other women who were doing work about identity as I was. I got in touch with one of them, Jacki Apple, and she and I went to New York in 1973 and we did a piece together called Transformance in which we had lunch at the Plaza Hotel. And then we took a limousine down to Soho and walked around, the belly button of the art world at the time. Uptown interestingly, we were accepted as special because we had two photographers circling our table, taking pictures. When we went downtown in the galleries they threw us out. Uptown, people would ask the photographers if they were Vogue photographers and we would tell the photographers to just agree with everything. « Let the audience project
their fantasies upon us ». And when we got downtown, they knew we weren’t in Vogue magazine, they threw us out. This piece was really about the creation of female identity.
RA Do you feel that you integrated in your performance the fact that you had to explain your work?
Martha Wilson The answer is yes, the documentation consists of slides of us and prints of us having lunch. But then there are texts underneath each panel that explain what was going on in the room.
RA And do you feel it’s part of your job as a woman who is also an artist? Or do you think it’s general ?
Martha Wilson to explain the motivation of the piece ?
RA Yes
Martha Wilson Well, it certainly helped me as a baby artist to work with somebody who was already a New York artist and already more established than I was. She had friends in New York. She knew a guy who paid for the limo. She knew where the galleries were located that we should go to. When I was in Halifax, women were openly hostile towards each other. When I got to New York, the women were openly supportive of each other. For example, Judith Stein who published a newsletter called Women Artists News. She took me to various conciousness raising groups so that I could find the one that I wanted to join. She didn’t have to do that, but she knew I was a baby artist and was new here. She helped me out. And so I found all these other weirdos like myself, who didn’t fit into the regular
art world or the regular world period.
RA Today as yesterday, feminists are criticized for not knowing or appreciating the nuance. And yet, it seems that it is this nuance that is at the heart of our intellectual approaches. And it seems to be a core part of your work that prefigures in this sense the work of Cindy Sherman and the texts of Judith Butler on identity. What did you feel or how did you react when you read Judith Butler for the first time ?
Martha Wilson I have never operated out of theory. I’ve always operated out of feeling. Feeling and experience. And I found out later about Judith Butler’s theories and I was happy to read them and happy to be discussed by scholars in relation to Judith Butler. But believe me, I didn’t read Judith Butler and then do this work, it was the other way around. Cindy is just a couple of years younger than I am, and so she was heavily influenced by Suzy Lake. She’s an American artist who lives in Canada now. She lived in Montreal and Toronto and continues to live in Toronto. Suzy Lake was her teacher at the University of Buffalo : feminist artists had an influence on other feminist artists. I knew about Suzy Lake’s work, she knew about my work. We never met in Canada, but we have become friends.We’ve become closer, ironically, many, many years later.
RA I ask this question to every person I meet, that I interview. A question about utopia. Utopia is the direction we need to continue to hope. So the question. Let’s project. The revolution is made. We may not know her in your lifetime (whatever). The revolutionary in-between is over, we live in a feminist, anti-racist, inclusive, post-capitalist society. For you, what does this society look like?
Martha Wilson Actually, what I see today is recidivism. We seem to be losing the right to a woman’s right to choose. The ideal world is crumbling . That doesn’t mean we have to stop fighting for it, but if it means that we’re ever going to get there any time soon. I really pity the women in Afghanistan who are maybe 20 years old and have lived in a culture where women are valued and now suddenly they don’t have jobs, then they can’t go outside or they’ll be killed. That kind of situation is just horrifying to me.
RA If you were to be in this dreamy society, what would your environment look like ? New York for instance, where you live, with all its skyscrapers. What would New York look like if a) all men went to therapy and b) there would be more women architects.
Martha Wilson New York is going to have to be designed differently in the future because of climate change. There’s a plan to build an extension of the island into the bay continuing where Wall Street is. A large chunk of land is what is being proposed which would be parkland and low rise buildings. Maybe we will win through fighting climate change. The penises are not doing the job, so the bushes have to take over.
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