Note préliminaire – La semaine dernière, une méchante coquille s’est glissée dans la newsletter. Il y était écrit « François Héritier » au lieu de « Francoise Héritier ». Une lectrice qui vit à une vingtaine de km de là où elle est enterrée m’a dit qu’elle avait entendu sa stèle grincer. Pour Francoise – je suis mega désolée. Note 2 – Depuis plusieurs jours, les envois sont évidemment en attente, le club est évidemment sur pause, on se rattrapera quand on reviendra à la normale 🙂 Merci de votre patience. « Ça suffit maintenant. » Les gens qui s’extasient sur le fait que Shakespeare, Newton et Proust ont réalisé leurs plus beaux travaux quand ils étaient en confinement omettent une chose : « aucun d’entre eux ne s’occupait d’enfants ». C’est en substance comment démarre Helen Lewis dans cet article de The Atlantic, « The Coronavirus Is a Disaster for Feminism » – Le coronavirus est un désastre pour le féminisme. Ces derniers jours, nous avons vu à quel point les catastrophes mondiales amplifient les inégalités sociales. Hormis le personnel soignant, les « cols blancs » peuvent « télétravailler » quand les autres sont mis au chômage technique (dans le meilleur des cas) ou doivent continuer à aller travailler à l’extérieur de chez eux. Par exemple, la France, au moment où j’écris, ne s’est toujours pas résolue à arrêter ses usines ni ses chantiers BTP quand l’Italie a pris la décision il y a quelques jours déjà. Et, si elles sont moins visibles sur les plateaux de télévision, les femmes ne sont pas moins en première ligne de cette pandémie. Les infirmières et les doctoresses, les agentes d’entretien qui désinfectent tous les matins les hôpitaux, pharmaciennes – les femmes représentent plus de 70 % du personnel travaillant dans le secteur de la santé parmi 104 pays analysés par l’Organisation mondiale de la santé (TV5 Monde). En France, c’est 78 %. Et ce n’est pas tout, les enseignantes et les assistantes maternelles qui gardent les enfants du personnel hospitalier, les caissières aussi. Et plus encore, à la maison les couples doivent partager le temps consacré aux enfants et celui consacré au travail. L’un va peut-être argumenter qu’il doit davantage se consacrer à son travail car plus « important » ou « mieux rémunéré » ou encore « avec plus de responsabilités ». Devinez lequel des deux dans les couples hétérosexuels. Par ailleurs, qu’en est-il des familles monoparentales dans lesquels vivent 6 millions de personnes en France ? En France, 25 % des enfants vivent dans une famille monoparentale et dans 90 % le parent est une femme. Comment font-elles pour gérer seules leur emploi, leurs enfants, le foyer ? On continue ? On peut. L’organisation #NousToutes estime à 200 000 le nombre de femmes enfermées avec un conjoint violent. Et les délais d’allongement des IVG ont été refusés. Photographie de Lexis Parsons, disponible sur Unsplash Et pourtant, nous vivions une période déterminante pour les femmes, pour leurs droits. L’historien Yuval Noah Harari prévient dans une tribune du Financial Times : « Les décisions que les gens et les gouvernements prendront au cours des prochaines semaines façonneront probablement le monde pour les années à venir. » Pas seulement en ce qui concerne nos systèmes de santé mais aussi l’économie, la politique ou la culture. Et j’ajouterai la place des femmes dans notre société. Yuval Noah Harari montre qu’en temps normal, les gouvernements, les À mon sens, il y a un troisième choix à faire. Profiter des inégalités construites par le système capitaliste pour rester au chaud chez soi – et fermer les yeux sur les inégalités aggravées par la crise ou faire le choix d’une solidarité de genres et de classes. Le premier choix consisterait à ne rien faire puisque c’est exactement ce qu’il se passe. L’absence de femmes dans l’entourage du président ou du Premier ministre ou encore le très faible nombre de femmes décisionnaires dans cette crise conduit à invisibiliser leurs besoins. Ce premier choix (un non-choix reste un choix) impliquerait une absence de revalorisation des salaires des femmes « au front », une dévaluation de l’implication des femmes dans la crise (elles sont absentes des postes « visibles », dans les médias ou dans les conseils et seront vraisemblablement absentes des photos qui célébreront la « victoire » de sortie de crise…). Et c’est déjà ce qu’il se passe. On pourrait aller plus loin et imaginer la suite logique : on remercierait les femmes de s’occuper bravement de leurs enfants et de faire l’école à la maison tout en se satisfaisant d’un retour aux rôles dits « traditionnels ». Le second choix, celui de la solidarité, est courageux. Il garantit un allongement de la durée légale de l’IVG car une saturation des centres est prévisible, les mineures peuvent difficilement sortir de chez elles sans se justifier et il n’est plus possible d’aller en Espagne ou aux Pays-Bas quand le délai est dépassé. Il implique une revalorisation économique des salaires des personnes aux premières lignes de cette pandémie. Il remet en cause le modèle économique actuel construit en grande partie sur le travail bénévole des femmes – à la maison ou ailleurs. J’ai récemment appris que « courage » est un dérivé de l’ancien français, corage, venant lui-même du latin cor (« cœur »). Le sens premier serait de faire quelque chose « de tout son cœur ». Nous avons un choix à faire. Nous pouvons faire le choix d’une solidarité des genres ou nous pouvons continuer à user d’un système inégalitaire qui vit ses dernières heures, en prenant le risque de retourner à des rôles traditionnels. L’un est courageux, l’autre non. 1/ Les êtres humains sont amoureux de l’amour. Ca on le savait. Mais ce que la scientifique Anna G. Jonasdottir nous apprend c’est qu’il existe un construit social autour de notre comportement face au sentiment amoureux. Les femmes sont censées exprimer l’amour en prenant soin de l’autre et en sacrifiant leur propre besoin. Les hommes aussi. Mais non je rigole. Les hommes utilisent cette relation confortable pour prendre encore plus de pouvoir à l’extérieur, dans la société, là où les femmes n’ont rien du tout. Cela fait partie des choses passionnantes qu’on découvre dans la béé de la dessinatrice Emma et qu’elle a mis à disposition sur son blog. 2/ Un autre sujet que je voulais aborder cette semaine était une note optimiste apportée par la philosophe Camille Froidevaux-Metterie dans Libération. Elle développe dans cette tribune UN aspect positif de ce confinement : les femmes sont débarrassées du regard extérieur et de ce que cela implique sur leur apparence. Plus de talons, plus de soutien-gorge, plus de maquillage, plus d’épilation, plus de couleur pour masquer les cheveux gris, les femmes font enfin ce qu’elles veulent de leur 3/ Merci à « la newsletter de ma chatte » – produite par l’organisation Les Flux de faire un point gynécologie en période de coronavirus. Peut-on continuer à prendre des anti-inflammatoire pendant les règles ? Ai-je besoin de mon ordonnance pour renouveler ma pilule ? Où puis-je avorter ? Tout est là. 4/ Il y a mille moments pour accepter le fait qu’on n’est pas à un parent parfait, mais aujourd’hui est peut-être le meilleur pour – vraiment – baisser ses attentes vis-à-vis de soi-même. Voici six conseils pour survivre avec des enfants à la maison quand on télétravaille (ou pas d’ailleurs). 5/ Les éditions Libertalia offrent pendant le confinement la biographie de Rosa Parks. Sinon il y a la Fnac met gratuitement à disposition 500 livres numériques dont le Manifeste du Parti communiste (auquel la femme de Marx a largement contribué sans jamais être citée comme on peut le découvrir dans la bd 6/ The Slumflower a encore brillé par son intelligence. Dans une interview pour Salty (en anglais), elle parle de son prochain livre « How To Get Over a Boy ». « Je veux que quiconque qui est attiré·e par les hommes comprenne que l’attraction n’est pas le problème, le problème est ce que vous faites de cette attraction ». 7/ CONCOURS / Aujourd’hui on vous propose de gagner dix exemplaires du dernier ouvrage de Rose McGowan « Debout », en partenariat avec les Editions Harpers Collins . Son livre est poignant. L’actrice propose une autobiographie où elle décrit Hollywood comme une secte qui l’a poussée à se montrer comme quelqu’un qu’elle n’était pourtant pas. C’est un système sexiste, un système violent. Elle raconte aussi comme elle a survécu, comment elle a été plus forte qu’Hollywood. 8/ Comment le Coronavirus impact la communauté LGBTQ+ sur Them. 9/ « Je suis une correspondante de guerre, mais rien ne m’avait préparé pour les joies et les peurs de la grossesse en confinement ». J’imagine que certaines ont bien besoin de lire ce passionnant témoignage (en anglais). 10/ La politique de l’épuisement, un article de Akwugo Emejulu et Leah Bassel (en anglais). Les chercheuses suggèrent un terme « la politique de l’épuisement », comme moyen de comprendre les dangers du travail des militantes racisées. « Déclarer l’épuisement, affirment les autrices, c’est saluer celles qui sont également épuisées de participer à la construction de la solidarité ». C’est aussi l’occasion de mettre en lumière « les processus structurels qui exigent l’épuisement des activistes ». BONUS – Maïa Mazaurette a traduit les 36 questions du NYTimes pour (re)tomber amoureu·x·se (au cas où les discussions « confinements » commencent à tarir. BONUS 2 – Dans la newsletter #LesPetitesGlo, Chloé Thibaud parle de Mulan, d’armée et de sexisme. On peut aussi désormais retrouver #LesPetitesGlo sur Instagram. |
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