Cette newsletter vous a été transférée ? Et vous aimez tellement que vous souhaitez vous inscrire ? C’est ici ! Mercredi 16 novembre 2022 Si la newsletter grandit, c’est grâce à vous. Donc si vous connaissez une personne que cela peut intéresser, vous pouvez lui recommander / transférer cette newsletter. Agir sans peur. Etre têtue. Dada Masilo est danseuse et chorégraphe, elle a 37 ans. Elle est née à Soweto en Afrique du Sud. Ses oeuvres sont souvent des adaptations de grands classiques – comme le Lac des Cygnes ou Carmen – auxquelles elle ajoute une dose de politique et y rend explicites des sujets liés à l’homosexualités, aux relations interraciales ou encore aux violences faites aux femmes et commises par des hommes. Son dernier ballet, « Le Sacrifice » sera à La Villette (Porte de Pantin) du 7 au 10 décembre 2022. Cela dure une heure et les billets coûtent entre 10€ et 26€. Si la conversation vous plaît et qu’elle vous a donné envie d’aller voir le spectacle, vous tentez de gagner deux places – une pour vous et une pour l’accompagnant·e de votre choix – en répondant à cette newsletter ou sur Instagram. Cette conversation a eu lieu le 8 novembre dernier par WhatsApp. Pour plus de clarté, celle-ci a été éditée. Elle s’est déroulée en anglais, vous pouvez retrouver la version originale à la fin de la newsletter. Rebecca Amsellem Vous proposez régulièrement des réécritures du répertoire classique en redéfinissant les personnages au-delà des stéréotypes de genre. En ce sens, qualifieriez-vous votre travail de chorégraphie féministe. Dada Masilo Il est très difficile de définir ce qu’est le féminisme. Très souvent, les gens se trompent en pensant que les féministes détestent les hommes, ce qui n’est pas le cas. Mon travail met en lumière la défense des droits des homosexuels et des lesbiennes. Nous avons tous et toutes des droits, et nous devons respecter les droits de chacun e, c’est la chose la plus importante pour moi. J’accorde une très grande importance aux droits des femmes, évidemment, car nous avons, en particulier à Johannesburg, beaucoup de violences sexistes fondées sur le genre. C’est un problème que je voulais aborder. Rebecca Amsellem Votre dernier spectacle est une adaptation du Sacrifice d’Igor Stravinsky. C’est l’histoire d’une jeune fille destinée à mourir selon un rite. À propos de cette pièce, vous avez dit : « Je voulais créer une œuvre où l’on ne regarde pas seulement la mort comme triste et morbide, on peut y trouver de la beauté. Je voulais que ce soit une œuvre qui nous pousse à engager profondément dans nos émotions, à accepter notre vulnérabilité. » Je pense qu’on va vers une société poussant la mort le plus loin possible, même si elle est partout. Est-ce pour cela que vous avez décidé d’adapter ce ballet ? Dada Masilo J’ai décidé d’adapter ce ballet parce que je voulais faire des recherches sur nos traditions en Afrique du Sud. Nous avons tellement de rituels, de traditions, de cultures et de langues et je voulais mettre cela en avant. Les rituels que nous accomplissons sont si importants et si beaux dans la vie et dans la mort. Ce ballet consiste à réunir les deux. Rebecca Amsellem J’ai vu que vous avez utilisé le mot « invétérée » pour vous décrire. Pensez-vous qu’il s’agisse d’une qualité obligatoire quand on veut être chorégraphe ? Dada Masilo Certainement. Être sans vergogne, surtout en tant que chorégraphe, est une qualité à laquelle il faut s’accrocher car la chorégraphie est si difficile. Si vous vous excusez d’exister, vous n’allez jamais vraiment faire quoi que ce soit. Il s’agit d’être sans peur. Il s’agit d’être têtue. Mais pas arrogante. Et il y a une différence entre être têtue et être arrogante. Et cette différence, c’est l’affirmation de soi : si quelqu’un me dit que quelque chose est impossible, alors je me réveillerai à 3 heures du matin et je ferai en sorte que ça marche. Être chorégraphe, c’est s’affirmer. Je sais que je suis complètement vulnérable, mais c’est ce qu’il faut pour créer quoi que ce soit. Vous devez être vulnérable parce que vous ne pouvez pas créer quand vous avez un mur devant vous. Je veux que le public ressente ce qu’il ressent. Amour, joie, humour, tristesse. Je veux qu’ils et elles ressentent vraiment. C’est la base du travail que je crée. Je veux mouvoir les gens. Je veux qu’ils et elles ressentent et ne se contentent pas de sortir en disant « J’ai vu de beaux gestes sur scène ». Je n’aime pas le mouvement abstrait. Le mouvement doit signifier quelque chose. Rebecca Amsellem J’ai lu quelques choses écrites par des chorégraphes comme Loïe Fuller ou Isadora Duncan ou Pina Bausch, et mon impression générale est qu’elles parlaient toutes de la chorégraphie comme d’un sentiment qui se partage et non d’une danse qui se partage. Dada Masilo Absolument. Ce qui m’aide à créer du « vocabulaire du mouvement », c’est que je me mets en studio et je me demande « qu’est-ce que je ressens ? » L’avantage de travailler avec les classiques, c’est que vous pouvez incarner un personnage qui n’est pas vous. Je n’essaie pas de faire l’histoire de la vie de Dada Masilo, mais il y a tellement de moi là-dedans. Je ne ferai jamais une histoire de ma vie. Mais quand vous incarnez un personnage, vous pouvez partager et permettre aux gens de se sentir avec vous. Rebecca Amsellem J’ai l’impression que la chorégraphie a une relation étrange/tendue avec la notion de pouvoir. Chorégraphier consiste à dire au corps de ballet quoi faire, c’est très vertical. En même temps, c’est un processus très créatif et une activité très créative. Comment composez-vous avec les deux ? Dada Masilo Pour moi, chorégraphier est très difficile. Je chorégraphie par défaut. Je n’aimais pas ça. Ce n’était pas mon activité favorite. J’ai commencé à chorégraphier lorsque j’ai intégré P.A.R.T.S. – Performing Arts Research and Training Studios à Bruxelles. Là nous étions obligé e s de chorégraphier. Ensuite, j’ai commencé à en apprendre davantage sur cette relation entre la chorégraphie et le pouvoir et que cela peut vraiment être dévorant. Cela peut vous consumer, et cela peut vous vaincre, cela peut vous frustrer. Rebecca Amsellem Le chorégraphe Alvin Ailey, a dit un jour : « Le processus de création n’est pas contrôlé par un interrupteur que vous pouvez simplement activer ou désactiver ; c’est avec vous tout le temps. » Comment définiriez-vous le vôtre ? Dada Masilo Je me réveille à 3 heures du matin. Quand je suis dans un processus créatif, j’ai tendance à aller en studio et à travailler avec les danseurs et danseuses et penser, lorsque je suis rentée à la maison, que rien ne fait sens. Mais la plupart du temps, c’est à 3 heures du matin que je me réveille et quelque chose fait sens. La création reste avec vous tout le temps. Rebecca Amsellem Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui a la trentaine ou la quarantaine et qui décide soudainement de chorégraphier ? Dada Masilo Ce qui est beau dans la trentaine et la quarantaine, c’est qu’il y a une maturité qui vient avec ce que vous faites. Dans ma vingtaine, je voulais juste danser, je ne me connectais pas vraiment visuellement avec le travail que je faisais. Aujourd’hui j’ai 37 ans et je suis davantage intéressée à prendre soin de mon corps. À 20 ans, on ne veut pas prendre soin de son corps. Vous voulez voir toutes les choses étranges que votre corps peut faire, toutes les choses dangereuses. Maintenant que j’ai 37 ans, je peux sentir la maturité. C’est une belle chose parce qu’alors ça change votre façon de travailler, parce que vous ne faites pas que malmener votre corps, vous en prenez soin et vous comprenez que si vous souhaitez avoir de la longévité dans votre carrière, alors la chose la plus importante est de prendre soin de votre corps. Rebecca Amsellem Quand on est artiste, on met toute son énergie dans son processus créatif et puis on se jette à l’eau. On sort un film, on montre un ballet, on expose une œuvre. Les critiques arrivent. Comment gérez-vous cela ? Lisez-vous les critiques ? Avez-vous un rituel ? Dada Masilo J’étais à une conférence de presse à Vienne en août et un critique m’a demandé si je lisais mes critiques. J’ai répondu que non, que j’ai arrêté de lire les critiques car je les trouve toxiques pour moi. Oui, je montre mon travail et je me rends vulnérable. C’est mon choix. Et je comprends que si vous faites vraiment quelque chose, il y aura des critiques. Mais j’ai choisi de ne pas lire les critiques car c’est l’opinion d’une seule personne. Je préfère parler aux masses et découvrir ce qu’elles ressentent plutôt que lire les gens qui critiquent parce que c’est leur travail. La critique fait partie de ce que nous faisons dans la vie de tous les jours. Mais je pense que vous pouvez choisir de vous y engager ou de ne pas vous y engager. La plupart du temps, je choisis de ne pas m’y engager. Mon manager m’a dit, si vous croyez aux bonnes critiques, vous devez aussi croire aux mauvaises. Il n’est donc pas possible de lire uniquement les bonnes critiques. Il faut aussi lire les mauvaises. Rebecca Amsellem Une des réflexions qui m’animent est d’imaginer une société inclusive, une sorte d’utopie féministe. L’idée est donc de se projeter. La révolution féministe est faite. Nous vivons dans une société parfaitement égalitaire. C’est un rêve. Dans cette société, comment définiriez-vous la beauté ? À quoi ressemblerait la beauté dans cette société ? Dada Masilo Je pense que la beauté pour moi serait la démocratie. Ce serait la tolérance, ce serait que les gens ne se minent pas les uns les autres. Je dis toujours, parce que je travaille avec un casting entièrement masculin et gay, que si vous ne comprenez pas quelque chose, renseignez-vous ou demandez. Et ils vous diront que l’amour c’est l’amour. J’aime les gens. Cela n’a rien à voir avec le sexe ou quoi que ce soit. J’aime juste la personne parce que je l’aime. Si nous pouvions vivre dans un monde où chacun e puisse accepter que chaque personne est différente, alors je pense que les choses seraient meilleures. Je veux juste répandre l’amour. Ce que je recommande cette semaine Le livre Patronnes d’Elodie Andriot (Editions Albin Michel) a été gagné dans la newsletter ! En revanche, des exemplaires peuvent toujours être gagnés sur Linkedin et Instagram. Ce qui est arrivé à Ana Mendieta. Elle voulait être connue pour son art. Mais d’abord, elle est devenue célèbre pour sa mort (en anglais). Problème d’insomnie ? Voici – ENFIN – la raison qui les explique toutes. Being fearless. Being stubborn. Choreographer Dada Masilo talks about the vulnerability you need to create anything and how getting old makes her work stronger. Rebecca Amsellem One of your choreographic trademarks is to propose a rewriting of the classical repertoire by redefining the characters beyond gender stereotypes. In this sense, would you qualify your work as feminist choreography ? Dada Masilo It’s very difficult to define what feminism is. Very often people get it wrong thinking that feminists means we are against men, which is not the case. I’m really more encompassing the right of the gay people and the lesbian people and then bringing those issues to show. We all have rights, Rebecca Amsellem Your latest show is an adaptation of Sacrifice by Igor Stravinsky. This is the story of a girl destined to die according to a rite. About this piece you said “I wanted to create a work where we not only looked at death as sad and morbid, but also to find the beauty in it. I wanted it to be a work that pushes us to engage deeply with our emotions, coming to terms with our vulnerability. » I think we are moving toward a society pushing death as far as possible, even though it’s everywhere. Is this why you decided to adapt this ballet ? Dada Rebecca Amsellem I saw that you used the word « unapologetic » to describe yourself once. Would you think it is a mandatory quality to have when you want to be a choreographer ? Dada Masilo Definitely. Being unapologetic, especially as a choreographer, is a great quality to hold on to because Rebecca Amsellem I read a few things written by choreographers like Loïe Fuller or Isadora Duncan or Pina Bausch, and my general feeling is that they all talked about choreography as sharing a feeling and not about dancing. Dada Masilo Absolutely. And what helps me create « movement vocabulary », is that I put myself in the studio and I asl myself « what am I Rebecca Amsellem It feels like choreography has a weird / tense relationship with power. Choreography is about telling dancers what to do, it’s very vertical. But at the same time, it’s a very creative process and very creative activity. How do you compose with the two? Dada Masilo For me, choreography is difficult. I choreograph by default. I didn’t like it. It was not my Rebecca Amsellem Choreographer Alvin Ailey once said « The creative process is not controlled by a switch you can simply turn on or off; it’s with you all the time » How would you define yours ? Dada Masilo I wake up at 03:00 a.m in the morning. Rebecca Amsellem What advice would you give to someone who is in her 30s or in her 40s and decide who wants to choreograph all of a sudden? Dada Masilo What is beautiful about being in your thirty’s and forty’s is that there’s a maturity that comes with what you do. In my twenty’s, I just wanted to dance, I wasn’t really connecting visually with the work that I was doing. But now I’m 37 and I’m more interested in taking care of my body. When you’re 20, you don’t want to take care of your body. You Rebecca Amsellem When one’s an artist, you have all this creative process going on, and then you put yourself out there. You release a movie, a ballet, a painting and then the critics arrive. How are you dealing with it ? Do you look at it, or you don’t look at it, or you embrace it, or you don’t? Do you have a ritual ? Dada Masilo I was at a press conference in Rebecca Amsellem One of the thoughts that drives me is to imagine an inclusive society, like some kind of a feminist utopia. So the idea is to project yourself. You know, the feminist revolution is done. We live in a perfect egalitarian society. It’s basically a dream. In this society, how would you define beauty? What would beauty look like in this society? Dada Masilo I think beauty for me would be democracy. It would be tolerance, it would be people not undermining one another. And I always say if you don’t understand something, educate yourself or ask. And they will tell you that love is love. I love people. It’s got nothing to do with gender or anything. I just love the person because I love them. If we could get into a world where everyone could just
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