La performance du pouvoir, entretien avec la photographe Debi Cornwall par Rebecca Amsellem Lire en ligne ici https://lesglorieuses.fr/debi-cornwall/ *** Avant de débuter cette newsletter, je voulais dire MERCI : merci à celles et ceux qui ont voté pour quelqu’un qui n’était pas aligné avec leurs idées pour faire barrage à l’extrême-droite, merci aux personnes qui ont persuadé un abstenant convaincu de se déplacer, merci aux personnes qui ont milité dur dans les groupes WhatsApp familiaux, merci. Grâce à vous, l’extrême-droite n’a pas accédé lundi matin à Matignon. *** Avec la photographe Debi Corwall, j’ai parlé de nombreuses choses qui me tiennent à coeur : de Arendt et comment sa pensée aujourd’hui m’aide à comprendre le monde, de Kafka et de son rapport à la photographie, de comment on passe d’une vie d’activiste politique à une vie d’artiste et de ce que ça signifie d’être du côté de la « vérité » – c’est-à-dire du côté de celles et ceux qui pensent le monde avec ses nuances, ses défauts, et son rapport au mensonge. Debi Corwall a été avocate spécialisée dans les droits civiques avant de devenir artiste documentaire multimédia. Son travail explore la performance du pouvoir et de la citoyenneté par le biais de photographies, de vidéos, de témoignages et d’archives. La photographe a reçu le prix Élysée 2023, un prix biennal de photographie contemporaine. Vous pouvez la suivre sur Instagram ici et voir toutes ses œuvres sur son site là. Cet entretien est réalisé dans le cadre d’un partenariat média avec Les Rencontres d’Arles. Citoyens Modèles de Debi Corwall est une exposition des Rencontres réalisée par Nathalie Herschdorfer et Lydia Dorner. Elle est visible jusqu’au 29 septembre. Cet entretien a été mené le vendredi 5 juillet, vous trouverez la version originale de l’entretien, en anglais, à la fin de cette newsletter. Je l’ai traduite en français et les propos ont été édités pour refléter au mieux le propos de l’artiste. *** Vous passez à Arles cet été ? On vous offre des places – les trois premières qui répondent auront un pass pour deux personnes (et sur Instagram, on choisira deux gagnantes). *** Rebecca Amsellem – Votre travail tourne autour de cette question très contemporaine : « Quelles sont les histoires que le pouvoir raconte, les jeux qu’il joue, pour gérer des réalités troublantes ? » Celle-ci m’a fait penser à cette citation d’Arendt : « Ce que les masses refusent de reconnaître, c’est le caractère fortuit dans lequel baigne la réalité. Elles sont prédisposées à toutes les idéologies parce que celles-ci expliquent les faits comme étant de simples exemples de lois et éliminent les coïncidences en inventant un pouvoir suprême et universel qui est censé être à l’origine de tous les accidents. La Debi Cornwall – Il a été stupéfiant de montrer ce travail pour la première fois à Arles, au cours d’une semaine où les nationalistes français de droite sont soudainement en pleine ascension électorale, ou lorsque la démocratie américaine n’est pas seulement en train de vaciller, mais est au bord de l’effondrement. Je pense qu’il n’est pas exagéré de dire qu’à chaque fois que j’entre dans l’espace d’exposition de Citoyens modèles, les gens viennent vers moi, et qu’ils soient des États-Unis, de France, d’Allemagne, du Luxembourg ou de Suisse, cela évoque quelque chose pour eux. Le choc est différent lorsque nous nous trouvons déjà dans cette situation de vulnérabilité et que nous prenons conscience qu’un changement s’est déjà produit. Comment ce travail a-t-il vu le jour ? L’exposition Citoyens modèles est une combinaison de deux œuvres. Mon Debi Cornwall, Fumigène. Centre de combat terrestre et aérien des Marine Corps. Twentynine Palms, Californie, série Fictions nécessaires, 2018. Avec l’aimable autorisation de l’artiste. Rebecca Amsellem – J’ai été obsédée ces derniers temps par le travail d’Arendt pour comprendre la montée des extrémismes, du racisme, de l’antisémitisme partout dans le monde. Elle dit que « lorsque tout le monde vous ment tout le temps, le résultat n’est pas que vous croyez les mensonges, mais que personne ne croit plus rien ». Et j’ai l’impression que votre travail porte exactement sur ce point : les histoires qui ont été racontées pour créer un sentiment de patriotisme, d’appartenance à un certain type de société, n’ont pas conduit les gens à continuer à croire ces mythes qui s’avèrent être des mensonges, mais à ce que la notion même de vérité perde son sens. Debi Cornwall – Quel est le dicton ? Avant c’était « voir pour croire », maintenant c’est « croire pour voir ». Le sens que nous donnons à ce que nous voyons ne fait, de plus en plus, que renforcer nos croyances préexistantes et les communautés auxquelles nous avons choisi de nous identifier. Nous ne vivons vraiment pas dans les mêmes réalités. Et l’évolution de la société suit l’évolution de notre expérience de la culture visuelle. Vous savez, il y a cette crise du documentaire, crise du journalisme et du photojournalisme, où il est facile – je ne vais pas utiliser l’expression qui a été popularisée par Donald Trump – de considérer les images et les nouvelles que nous n’aimons pas comme fausses. Rebecca Amsellem – Je ne vois pas l’expression que vous essayez d’éviter. Debi Cornwall – C’est l’idée de fake news, je ne veux pas la normaliser parce qu’elle est déployée à des fins particulières. Et je pense que l’utilisation de cette expression entre dans ce jeu. Rebecca Amsellem – Comme l’idée de « contre-vérité ». Debi Cornwall – La « post-vérité » existe. Au lieu de faire des photos pour insister sur la vérité telle que je la vois dans le monde, je fais une sorte de jiu-jitsu de ce que vous voulez me montrer. Et cela a commencé à Guantanamo. « Vous voulez me montrer votre version ? me suis-je dit. Montrez-moi ce qui se passe à Guantanamo. » Mais je vais ajouter le contexte plus tard pour révéler et préciser qu’il s’agit d’une performance. Je me concentre sur la mise en scène, la performance, le jeu de rôle dans la simulation, non seulement sur ce que je regarde, mais aussi sur la manière dont je regarde. J’avais un choix à faire en éditant les images, je pouvais les faire ressembler à des reportages. J’ai choisi de ne pas le faire largement car je veux que la mise en scène soit évidente pour vous si vous êtes prêt à prendre le temps de regarder d’un œil critique. Mon travail ne consiste pas à vous informer que des choses se passent. Il s’agit de créer une forme et un contexte qui vous invitent à regarder de plus près, à réfléchir à ce que l’on vous montre et à poser des questions sur le rapport entre ces éléments disparates. Il s’agit avant tout de dialoguer avec le spectateur et de lui laisser la possibilité de tirer ses propres conclusions. Je ne vous dis pas ce que vous devez penser. Rebecca Amsellem – J’ai pensé à cette anecdote sur Kafka qui a conduit à une définition très intéressante de la photographie. Au printemps 1921, deux cabines de photographie instantanée qui venaient d’être inventées furent installées à Prague. Elles imprimaient sur une feuille de papier seize expressions différentes du sujet. Arrivé chez Kafka avec une de ces séries de photos, Gustav Janouch lui dit : « Pour quelques couronnes, vous pouvez vous faire photographier sous tous les angles. Cet appareil est un “Connais toi toi-même” mécanisé. ― Vous voulez sans doute dire : Se méprendre sur soi-même ! » répondit Kafka (je paraphrase l’anecdote de Gustav Janouch). « Qu’est-ce que vous voulez dire ? La photographie ne ment pas. » ― Qui vous dit qu’elle ne ment pas ? « La photographie lie le regard à la surface des choses et camoufle généralement leur nature cachée, qui ne fait que filtrer comme un clair-obscur mouvant à travers leur physionomie. Les objectifs les plus précis ne peuvent saisir cela. Ou croyez-vous que la réalité insondable, que des légions de poètes, de savants et autres magiciens ont affrontée à toutes les époques dans l’angoisse de leurs désirs et de leurs espoirs… que cette réalité qui se dérobe sans cesse, nous l’atteindrons désormais en appuyant simplement sur le bouton d’un mécanisme à quatre sous… J’en doute. » Cet échange – et la vision/définition de la photographie de Kafka – semble assez précis pour définir votre approche de la photographie. In Necessary Fictions (votre dernier livre) traite de cette question : « Les photographies peuvent être des preuves, bien sûr, mais des preuves de quoi ? » Debi Cornwall – Il y a ce mythe de la technologie comme révélatrice de la vérité, je pense que nous avons dépassé ce stade. Je peux comprendre que les photojournalistes, par exemple, résistent à cette analyse, mais il s’agit d’une analyse antérieure à l’intelligence artificielle. Il s’agissait d’une compréhension critique du rôle de la photographie dans la révélation de ce qui est montré, la révélation de la façade, la révélation de l’extérieur. Elle ne nous révèle pas le moi. Je ne suis pas cette Américaine d’âge moyen portant une robe noire. Je suis ce qu’il y a à l’intérieur de moi-même. Ce qui me rappelle une partie de l’expérience de la photographie lors des rassemblements de Trump. Au départ, j’avais peur, car j’avais entendu parler de journalistes et de personnes munies d’un appareil photo qui avaient été agressées. J’ai demandé conseil à des amis de confiance qui font ce genre de travail régulièrement : « Ne porte pas de noir », m’ont-ils dit, cela sera perçu comme une provocation, ils penseront que vous êtes antifa. Une amie photojournaliste de confiance m’a dit : « Je te recommande de porter un t-shirt rouge. Et si tu es encerclée, ne dis rien, mais recule. » Elle ne m’a pas rassurée. J’ai acheté un t-shirt rouge. Le jour venu, j’ai choisi de ne pas le porter, car je me suis rendu compte que cela aurait été ma Rebecca Amsellem – Vous présentez dans l’exposition une vidéo formidable, Pineland /Hollywood, qui est le résultat d’une enquête que vous avez menée sur le rôle de la fiction dans la gestion des réalités difficiles – lorsque la distinction entre la réalité et l’imagination devient une question de vie ou de mort. Pour ce faire, vous avez utilisé des images de films populaires et des sons provenant d’un film très populaire. Debi Cornwall – C’est la première fois que Pineland / Hollywood est présenté dans un espace d’art. C’est l’histoire d’un contrôle routier de la police au cours duquel distinguer la réalité de la fiction est devenu une question de vie et de mort. Quels sont les enjeux du discernement de la fantaisie et de la réalité dans une culture où tout le monde est armé ? Et, un peu à l’inverse de ce que je fais dans les photos, où je vous montre la fiction afin d’éclairer une vérité sur notre culture, et je devrais dire, sur d’autres cultures, en ce moment, dans le film, je raconte une histoire vraie et j’enquête sur la façon dont nous consommons de vraies histoires de violence réelle comme un divertissement fictif. J’utilise donc des extraits de films hollywoodiens, 500 extraits de 200 films en dix minutes, pour montrer l’échafaudage, comment ces histoires sont construites. L’idée de Pineland / Hollywood, c’est un peu ma philosophie du travail visuel : nous vivons tous le monde et l’art visuel à notre manière. Lorsque je visite une œuvre d’art visuel, ce sont les sentiments incarnés et viscéraux qui me restent en mémoire. J’essaie donc de vous prendre aux tripes. J’essaie de vous faire réfléchir. J’essaie de vous émouvoir. Si vous ressentez quelque chose avec l’œuvre, cela peut être le début d’une conversation. Rebecca Amsellem – « Le sujet idéal, dit Arendt, de la domination totalitaire n’est ni le nazi convaincu ni le communiste convaincu, mais des gens pour qui la distinction entre le fait et la fiction (c’est-à-dire la réalité de l’expérience) et la distinction entre le vrai et le faux (c’est-à-dire les normes de la pensée) n’existent plus », écrit Hannah Arendt dans Les Origines du totalitarisme (Gallimard) à propos du nazisme et du stalinisme. Et on a l’impression que la culture populaire, et en particulier Hollywood, capitalise définitivement sur cela. Je pense en particulier aux biopics, qui transforment en fiction des histoires Debi Cornwall – Et qui les embellissent, en prenant des libertés créatives. Rebecca Amsellem – Avec cette phrase très courte au début, ou à la toute fin, dont personne ne se soucie vraiment. Debi Cornwall – Oui, c’est souvent au début. « Il s’agit d’une œuvre de fiction. » Et dans Pineland, Hollywood, j’ai inversé cette phrase à la toute fin pour faire partie de la révélation surprise. J’espère ne pas en dire trop. Je dis que ce n’est pas une œuvre de fiction, ce qui devrait être une surprise après avoir regardé dix minutes d’extraits de films hollywoodiens. Rebecca Amsellem – J’ai vu sur la BBC que le gouvernement gallois avait décidé d’infliger une amende aux hommes et femmes politiques qui mentaient. Pour créer une forme de réconciliation, Arendt parle de la notion de sens commun, qui peut apporter une forme de salut. Selon elle, la principale infirmité de la propagande totalitaire est qu’elle ne peut satisfaire le désir des masses d’une cohérence totale. Debi Cornwall – Cela fait partie de mon changement de mentalité, de passer d’une vie et d’un travail d’avocate dans le social à un travail d’artiste. Il est important de se demander ce que nous avons en commun, et c’est une question radicale de nos jours, alors que nous sommes dans nos camps polarisés, diabolisant l’autre, parfois pour de très bonnes raisons. Mais cela signifie que nous ne nous parlons pas et que nous ne vivons pas l’expérience de l’humanité de l’autre, ce qui permet à cette polarisation de devenir de plus en plus profonde. La question qui se pose alors est la suivante : que faire ? Et il s’agit de poser des questions. Il faut se parler au-delà Rebecca Amsellem – La question suivante est pour moi – Comment êtes-vous passée d’un métier d’activiste à celui d’artiste ? Pourquoi ? Quand ? Debi Cornwall – J’ai été avocate spécialisée dans les droits civiques pendant douze ans, représentant des innocents, exonérés grâce aux prélèvements d’ADN dans des procès visant à apporter des changements systémiques à un système de justice pénale défectueux, et j’ai représenté les membres survivants des familles de personnes mortellement abattues par la police à travers les États-Unis. C’était au cœur de mon identité. Pendant très longtemps, je me suis battue, j’ai été nourrie par l’indignation et j’ai apporté de réels changements aux systèmes. J’ai eu un impact réel sur la vie de mes clients et de leurs familles. Et puis, j’étais épuisée et j’étais submergée par l’indignation qui m’animait. Il ne me restait plus grand-chose pour ma propre vie et ma propre créativité. J’ai pris un congé sabbatique payé de trois mois que j’ai négocié avec mes partenaires à la fin d’un procès vraiment épuisant. Je suis partie, je me suis levée un jour et j’ai réalisé que je dormais toute la nuit et que j’étais en contact avec mes proches. Et j’ai réalisé qu’il était possible d’envisager de vivre différemment. Le travail m’avait semblé si important que les gens m’avaient littéralement dit : « Tu ne peux pas arrêter de faire ça, c’est trop important. Tu dois continuer à le faire. » Mais j’ai décidé de changer de vitesse et de vivre différemment. Lorsque j’ai négocié mon départ de mon partenariat, j’ai pris un an et j’ai revécu mes vingt ans, je me suis beaucoup plus amusée. Je sortais jusqu’à trois heures du matin, je profitais de la vie et je me recentrais. Puis j’ai réalisé que je voulais vivre une vie créative et aborder le monde avec curiosité plutôt qu’avec indignation. Et une chose en entraînant une autre, j’ai été présentée à quelqu’un, j’ai eu une opportunité, et nous voilà, donc vous pouvez le faire. Une femme que je n’avais pas rencontrée m’a remerciée pour toutes les femmes qui ne se sont pas encore fait entendre. J’ai été très émue de voir que le fait de faire ce que je fais à ma manière peut inspirer d’autres femmes à trouver leur voix. Quelque chose que je recommande « Après la défaite de l’extrême droite en France, nous avons plus que jamais besoin du féminisme », la newsletter de Megan Clement pour Impact. https://lesglorieuses.fr/nous-sommes-nombreuses/ Version originale de l’entretien, en anglais, The Performance Of Power. Rebecca Amsellem – Your work revolves around this very contemporary question ”What are the stories power tells, the games It plays, to manage unsettling realities ?” which made me think of this quote of Arendt “What the masses refuse to recognize is the fortuitous nature of reality. They are predisposed to all ideologies because they explain facts as simple examples of laws and eliminate coincidences by inventing a supreme and universal power which is supposed to be at the origin of all accidents. Totalitarian propaganda flourishes in this flight from reality towards fiction, from coincidence towards coherence”. Actually I feel that your work is an illustration of Arendt’s reflection on truth, power and the rise of racists populisms. How did you arrive at this fundamental question ? How do you feel about it now ? Debi Cornwall – It has been staggering to show this work for the first time in Arles, during a week where right wing french nationalists are suddenly on the rise electorally, or when American democracy is not only teetering, but on the edge of collapse. I think it is not too much of a stretch to say that every time I walk into the exhibition space of “Model citizens”, people come up to me, and whether they’re from the United States or France or Germany or Luxembourg or Switzerland, it’s bringing up something for them. It hits differently when we’re all already in this vulnerable place and becoming aware that a shift has already occurred. So how did the work come about ? “Model citizens”, the exhibition, is actually two bodies of work combined. My 2020 book, “Necessary Fictions” on immersive, realistic military trading scenarios, and my just now released 2024, “Model citizens”. All of it really arose from my time in Guantanamo Bay. What I found in this american site in Cuba, with its gift shop, where access is controlled completely by american military authorities, was a performance of a particular kind of americanness. “Look how much fun we are having show”. “Look how comfortable we make our guests show”, referring to the hundreds of muslim men and boys who’ve been held there for years on end without charge or trial. Despite now having been cleared, many are still upheld. But also Americans soldiers who are not able to sleep through the night. These two different elements, this sort of systemic state version of events, propaganda and the personal interaction, made me really think about the performance of power on one hand and the human experience of preparing for war on the other. And research around those themes led me to wanting to look more deeply at immersive, realistic military training scenarios on mock afghan and iraqi villages constructed on american military bases around the country, ostensibly in the fictional country of Atropia, to train soldiers in the sights and the sounds and even the smells of war before they get on airplanes to deploy and wage war. And others have famously looked at these spaces. An-My Lê, the iconic vietnamese american artist, most famously looked at such sites in her 2019 book “small wars”, she photographed in 29 palms, California, and also in North Carolina. Her approach to it was slightly different, but my work was obviously informed by hers. I want to acknowledge that I am working in a lineage, importantly, of women. Rebecca Amsellem – I have been obsessed lately by the work of Arendt to understand the rise of extremisms, racism, antisemitism all around the world. She says that « When everyone lies to you all the time, the result is not that you believe the lies, but that no one believes anything anymore. » And it feels like your work is exactly about this : the stories that have been told to create a sense of patriotism, belonging in a certain type of society did not lead to the people keeping on believing these myths that happen to be lies but to the very notion of truth losing its meaning. Debi Cornwall – What’s the saying now? It used to be “seeing as believing”, and now it’s “ believing as seeing”. The meaning we take from what we see increasingly just reinforces our pre-existing beliefs and the communities that we have chosen to identify with. We are really not living in the same realities. And the shift in society is tracking a shift in our experience of visual culture. You know, there’s this crisis of documentary, crisis of journalism and photojournalism, where it’s easy to – I’m not going to use the phrase that has been popularized by Donald Trump – for us to write off images and news we don’t like as false. Rebecca Amsellem – I am not seeing the phrase you are trying to avoid. Debi Cornwall – The idea of “fake news”, I don’t want to normalize that because it is deployed for a particular end. And I think to be using that phrase plays into that game. Rebecca Amsellem – Like the idea of “counter truth”. Debi Cornwall – “Post truth” does exist. But instead of making pictures to insist on the truth as I see it in the world, I am kind of doing a jiu jitsu of what you want to show me. And this started in Guantanamo. “You want to show me your version ? I thought. Show me the fun at Guantanamo”. But I’m going to add context later to reveal and make clear that this is a performance. I am focusing on the staging, the performance, the role play in the simulation, not only in what I am looking at, but how I am looking. I had a choice to make in editing the pictures, I could make it look like reportage. I largely opted out of that because I want the staging to be apparent to you if you are willing to take the time to look critically. My work is not about informing you that things are happening. It’s about inviting, creating a form and a context that invites you to look more closely, to think about what you are being shown and to ask questions about what these disparate elements have to do with each other. It’s very much being in conversation with the viewer and leaving room for her to draw her own conclusions. I’m not telling you what to think. Rebecca Amsellem – I thought about this anecdote about Kafka which led to a very interesting definition of photography. In the spring of 1921, two instant photo booths which had just been invented were installed in Prague and which, on a sheet of paper, recorded sixteen different expressions of the subject. Arriving – You probably mean: Misunderstand yourself! » responded Kafka (I am paraphrasing Gustav Janouch’s anecdote. “What do you mean? He protested: “Photography doesn’t lie”. – Who tells you she’s not lying? » “Photography links the gaze to the surface of things and generally camouflages their hidden nature, which only filters like a moving chiaroscuro through their physiognomy. The most precise lenses cannot capture this. Only sensitivity can do this, and by groping. or do you believe that the unfathomable reality, which in all past eras legions of poets, scientists and other magicians have faced in the anguish of their desires and their hopes… that this reality which is constantly slipping away, we will now reach it by simply pressing the button of a four-penny mechanism?… I doubt it.» This exchange – and Kafka vision / definition of photography seems quite accurate to define your approach to photography. Would you agree ? In Necessary Fictions (your latest book) is actually about this question “photographs can be evidence, of course, but evidence of what?” Debi Cornwall – There’s this myth of technology as exposing the truth, and I think we are past that now. I can understand why photojournalists, for example, are going to resist that analysis, but that is a pre artificial intelligence analysis. That was a critical understanding of the role of the photograph in revealing what is shown, revealing the facade, revealing the outside. It doesn’t tell us the self. I am not this middle aged american woman wearing a black dress. Myself is interior. Which reminds me of part of the experience of photographing at the Trump rallies. I was afraid initially, having heard the reports of journalists, those with cameras being assaulted. Rebecca Amsellem – You are showing an amazing video, Pineland Hollywood, in the exhibition showing the result of an investigation you made into the role of fiction in dealing with difficult realities – when distinguishing reality from imagination becomes a matter of life and death. And to do this, you used images from popular films and sounds from one very real protagonist of a very real story, yours and another one, who are acting. Would you mind explaining the project ? Debi Cornwall – This is the first time Pineland Hollywood is being shown in an art space context. It is the story of a police traffic stop, as you say, in which distinguishing fact from fiction became the difference between life and death. What are the stakes in discerning fantasy from reality in a culture where everyone is armed? And in a little bit of an inversion to what I’m doing in the still photographs, where I’m showing you the fiction in order to illuminate a truth about our culture, and I should say, about other cultures, right now in the film I’m telling a true story and investigating how we consume real stories of real violence as fictional entertainment. And so I’m using Hollywood film clips, 500 clips from 200 movies in ten Rebecca Amsellem – « The ideal subject, said Arendt, of totalitarian domination is neither the convinced Nazi nor the convinced communist, but people for whom the distinction between fact and fiction (that is, the reality of experience) and the distinction between true and false (i.e. the norms of thought) no longer exist,” wrote Hannah Arendt in The Origins of Totalitarianism (Gallimard) about Nazism and Stalinism. And it feels like popular culture, and especially Hollywood, capitalizes on that definitely. I’m especially thinking about biopic – that are fictionalizing true life stories. Debi Cornwall – And embellishing for they’re taking creative license. Rebecca Amsellem – With this very short sentence at the beginning saying, or at the very end that nobody actually cares about. Debi Cornwall Yes, it’s often at the beginning. This is a work of fiction. And in Pineland, Hollywood, I invert that at the very end as a part of the surprise reveal. Hopefully I won’t say too much. I say this is not a work of fiction, which should come as a surprise after you watch ten minutes of Hollywood film clips. Rebecca Amsellem – I saw on the BBC that the welsh government decided to fine politicians who’d lie – how come we did not think of it first? To create a form of reconciliation, Arendt, talks about the notion of common sense, which can bring a form of salvation. She said, the main infirmity of totalitarian propaganda is that it cannot satisfy the desire of the masses for completely coherent, understandable and predictable without seriously offending common sense. And it is this common sense that can actually save us from, like. Debi Cornwall – That’s part of my shift in thinking, going from an advocate’s life and work to that of an artist. It’s important to ask what we have in common, and that it’s kind of a radical question these days when we are in our polarized camps, demonizing the other, sometimes for very good reason. But it means we don’t talk to each other and we don’t have lived experience of each other’s humanity, which enables that polarization to become more and more profound. Then the question becomes, well, what do we do? And it’s asking. It’s talking to each other across political boundaries. It’s recognizing each other’s humanity. It’s exploring what we have in common. And what does that look like? What are the questions that will get us there? I’m trying to start conceiving of a series of questions, and I break. I keep breaking down. We all want to be safe, okay, but how to get there immediately? We have different ideas in the United States. For some, it’s, “let’s have a gun free, safe schools”, and the others, “we need more guns to make us safer”. So safety, like you would think, that’s common sense. But when you unpack it at even one level, we have lost the commonality. So let’s sit with the idea of common sense and figure out what the contemporary iteration of that idea is that can move us forward. Rebecca Amsellem – The following question may be for a very personal matter, how did you move from being a social activist to an artist ? Why ? When ? Debi Cornwall – I was a civil rights lawyer for twelve years, representing innocent DNA exonerees in lawsuits seeking to effect systemic change to a flawed criminal justice system, and I represented surviving family members of people fatally shot by police, police around the United States. It was core to my identity. For a very long time, I fought and I was fueled by outrage, and I made real change to systems. I had a real impact in my clients lives and their families lives. And also I was
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