2 septembre 2020 Bienvenue dans la newsletter Les Glorieuses. Chaque mercredi, vous recevez une analyse féministe de l’actualité et des liens vers des articles inspirants et des événements qu’on soutient. Vous pouvez vous inscrire ici et nous contacter à [email protected]. Le courage de l’équilibre radical par Rebecca Amsellem (pour me suivre sur Twitter c’est ici et sur Instagram, c’est là) J’ai – toujours – eu peur d’être déséquilibrée. Quand je dis « toujours », je me rappelle que cela faisait partie des mauvaises pensées à chasser au moment de me coucher lorsque j’avais à peine six ans. Toujours donc. Depuis que j’ai décidé de faire de l’activisme une de mes activités principales, je suis face à un sentiment contradictoire. D’un côté, je n’ai jamais été aussi apaisée. Les minuscules mais innombrables frustrations que je vivais quotidiennement sont désormais justifiées par une prise de conscience : nous vivions dans une société patriarcale qui, de facto, place les femmes dans un état de subordonnées. Ces postulats inexpliqués – « euh mais pourquoi euh le masculin l’emporte euh sur le féminin », m’entends-je demander d’une voix très fluette en CE2 – sont désormais déconstruits grâce aux enseignements – théoriques et pratiques – des nombreuses féministes. Ce sentiment de ne jamais être à sa place est atténué car il est 1) partagé par la moitié de l’humanité ; 2) justifié par des siècles d’injustices. D’un autre côté, l’activisme tient son essence dans le bousculement permanent des systèmes. Car ces systèmes, dont la force réside dans la capacité à se renforcer de manière endogène, sont si bien installés qu’on en vient à douter. J’ajouterai que ceux qui ont tout à gagner à délégitimer, voire diaboliser notre cause auprès d’un publie encore un peu étranger aux bienfaits de l’égalité nous font douter de notre équilibre mentale. Et c’est reparti pour les collages. Celui-ci (qui m’a pris au moins 25 min à faire, admirez la précision du découpage SVP) a été réalisé à partir de deux photos : l’une est de Ingrid Amslinger et l’autre de Danielle Geathers. Avons-nous raison de vouloir à ce point bousculer ce système ? Je me le demande constamment. Le doute n’a rien à voir avec une remise en cause des objets de notre lutte mais avec la dureté de l’engagement. Les attaques sont incessantes, les soutiens peu visibles, peu nombreux, et l’entourage moins proche confond des propos publiés sur Twitter avec la liste des sujets qu’il faut absolument aborder quand on nous croise. Les victoires accentuent la haine, la détestation viscérale de la part de ceux qui ne voient pas d’inconvénient à continuer de vivre dans ce système. Nous en arrivons à normaliser des situations où une députée est la cible de racistes d’extrême droite, la gauche française – censée être plus proche des idées féministes – brille par son incapacité persistante à mettre des femmes à sa tête, un fonctionnaire du ministère délégué chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances fait du zèle en voulant interdire un nouvel essai féministe (le lien est dans la revue de presse, l’histoire est hilarante tellement elle est absurde), une de nos consœurs activistes et conseillère de Paris a dû accepter une protection policière temporaire. Ce qu’on nous reproche c’est la « radicalité » de nos actions. Dans un communiqué de presse, le groupe politique majoritaire au Conseil de Paris, « Paris en Commun », a par exemple parler de « violences » pour dénoncer les actions militantes de deux conseillères de Paris, Alice Coffin et Raphaëlle Rémy-Leleu, Mais lorsqu’on s’intéresse à la nature de celles-ci –que ce soit coller des lettres sur des murs, écrire sur des banderoles ou encore marcher pacifiquement dans la rue – on y voit une forme d’équilibre. Les actions des militantes, des activistes, des compagnon·ne·s de route des mouvements féministes ont la particularité d’être pacifiques et complètement dénué de violence. L’équilibre réside dans le fait que ces actions sont mesurées (surtout quand on voir ce qui est dénoncé). Et la radicalité de la pensée est cantonnée à la volonté de changer de système. L’équilibre est perçu comme un attribut de « personne faible ». Et on sait à quel point la faiblesse n’a pas bonne réputation. Lorsqu’on dit d’une personne qu’elle est « équilibrée », disait Camus dans une conférence à Athènes en 1955, on sous-entend une forme de dédain. (L’Avenir de la civilisation européenne, entretien avec Albert Camus, Union culturelle gréco-française, 1956). C’était avant la hype du chien tête en bas sur Instagram mais quand même, l’équilibre serait pauvre en substance. « En fait, dit Camus à cette même conférence, l’équilibre est un effort et un courage de tous les instants. La société qui aura ce courage est la vraie société de l’avenir. » Et c’est ce courage que nous devons avoir aujourd’hui. Tout bousculer, parce que c’est le patriarcat qui est déséquilibré, pas nous. L’équilibre, c’est une société où les femmes noires ne font pas l’objet de dessins racistes ni sexistes, où les lesbiennes ne sont pas invisibilisées, où les activistes n’ont pas peur pour leur sécurité, et j’en passe. L’équilibre, c’est aussi la manière dont on peut dépeindre les moyens qui ont été choisis par les causes féministes pour atteindre cette société. Et la radicalité est indispensable pour atteindre cet équilibre. Alors à nous d’avoir le courage de la radicalité. La revue de presse C’est une histoire hilarante qui s’est passée cette semaine au Ministère déléguée chargé de l’égalité femmes-hommes. Un homme a, de son initiative personnelle, menacé une maison d’édition de poursuites pénales (!!!) si elle n’arrêtait pas la vente d’un nouvel essai féministe. Il se fait évidemment rappeler à l’ordre par l’Observatoire pour la liberté de création : « Vous n’avez aucune autorité juridique pour demander le “retrait” d’un livre, n’étant pas le ministère de l’intérieur, lequel, à notre connaissance, n’est pas saisi selon la procédure ad hoc. Enfin, vous n’avez aucune autorité intellectuelle pour demander ce retrait, votre démarche relevant à l’évidence d’un contre-sens à la fois sur les missions que vous prétendez défendre et sur le livre que vous n’avez pas lu. Nous vous demandons fermement de revenir sur votre demande et d’adresser vos excuses à l’éditeur. » Pour augmenter le nombre d’admises dans les filières d’excellence, supprimons les oraux : c’est ce que montre les résultats d’admission à l’Ecole Normale Supérieure cette année. Les épreuves orales ont été supprimées du fait du Covid (et non pas de la Covid – j’accepterai de féminiser le virus le jour où la Constitution sera mise en écriture inclusive), il en résulte qu’à l’ENS Lyon, la part des femmes admises a augmenté de 11 points passant de 60 à 71%. Pourquoi ? « Les filles adhèrent bien moins à la mise en scène de soi attendue à l’oral », analyse la sociologue Annabelle Allouch. Une autre histoire incroyable. En 2019, la cycliste Barbara Gicquel (79 ans, vous avez bien lu) a battu le record de vitesse des championnats nationaux aux Etats-Unis pour son groupe d’âge. Sauf que l’agence anti-dopage lui a retiré son titre car elle a été testée positive à une substance illégale. La substance en question, testée en très faible quantité, est due à un médicament que Gicquel prend depuis des années pour atténuer les effets de la ménopause sur ses poumons. Un médicament vital donc. Ne serait-ce pas le moment d’adapter les listes des substances et leur quantité aux femmes et à leurs âges ? C’est un grand oui. Article en anglais. Les photos donnent des frissons : retour en image sur le MLF pour ses 50 ans. Léone Drapeaud, architecte et curatrice, analyse la ville dans les utopies féministes. Ce n’est pas parce que le mouvement n’y est pas très présent aujourd’hui que les féministes ont mis de côté l’architecture dans leur réflexion. Pour découvrir à quoi ressemble une ville féministe (coucou l’association des maires de France), c’est ici (en anglais). La réponse des médias français à l’attaque sexiste et raciste sur la députée Danièle Obono a été moyenne. Heureusement que le New York Times est là (en anglais). La députée déclare q’une « ligne a été franchie » et que les Françaises et les Français sont désormais à se battre contre le racisme systémique et culturel du pays. L’édito du Monde est chouette aussi. Dans cet épisode de « la création au féminin » (France Culture), on entend les danseuses de Pina Bausch parler de ce qu’elle s’était toujours refusée à faire : son travail. C’est trop bien. En Italie (comme en France), le gouvernement a interdit les « lieux dansants » pour résorber la propagation du virus comme les bals en plein air ou les discothèques (oui, je suis le genre de personnes dont vous devinez le nombre de fois dans l’année où elle sort en « discothèque » par l’emploi du mot « discothèque ». Sauf que les premières victimes de ces interdictions sont les personnes âgées. « Combien d’années ai-je encore devant moi ? Huit ans ? dit M. Leardini en sirotant une bière Corona dans un verre à vin. «Ils ne peuvent pas tout me prendre. » (en anglais). L’agenda Victime de son succès (et c’est une très bonne nouvelle), il est hélas complet. Le festival culinaire et solidaire « CHEFFES » organisé par l’association ERNEST, réunit ces 6 et 7 septembre un casting exclusivement féminin de 30 cheffes, des petits plats, du zéro déchet. Les Glorieuses en sont partenaires. Nous devions vous en parler ! Déconstruire la conception binaire du genre via des représentations différentes des corps ? C’est une discussion à l’expo Modèle vivant.e, à voir du 10 au 17 septembre à Paris. Toutes les infos : https://www.facebook.com/events/614384155938362/ J’ai été invitée par Laetitia Vitaud dans son podcast « Nouveau Départ« , on a parlé du rapport des femmes à l’argent, de luttes féministes et du livre génial Le genre du capital de Céline Bessière et Sibylle Gollac. Vous me dites ce que vous en avez pensé SVP ? Et allez voir Mignonnes au cinéma, vous allez adorer. Un message de notre partenaire TOMS TOUTES ENGAGÉES. 2 millions de dollars, récoltés grâce à vous ! Vos achats TOMS ont permis de récoltér 2 millions de dollars sur le TOMS COVID-19 Global Giving Fund afin de combattre le virus. À ce jour, ce Fonds a facilité le soutien à la santé mentale, au lavage des mains et aux provisions médicales. L’IMPACT Un financement initial a été donné aux ONG WaterAid, International Medical Corps, Americares, Partners in Health et The Mix. Au cours des prochains mois, TOMS distribuera le reste de ces fonds à ces partenaires ainsi que de nouveaux qui luttent contre le NOTRE CONTRIBUTION En 2019, TOMS a annoncé qu’il s’engagait à reverser au moins ⅓ de son profit net sous forme de chaussures et de subventions. En 2020, la marque a mis ce modèle à l’épreuve avec la création du TOMS COVID-19 Global Giving Fund. |
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