24 octobre 2022 Vous n’avez qu’une minute pour lire cette newsletter ? En voici le contenu en très – très – bref :
Lisez la suite pour en savoir plus. Et si vous voulez rester à jour sur le féminisme dans le monde, suivez-nous sur Twitter et Instagram. Contre toute attente, les féministes de Guerrero obtiennent l’avortementpar Ann Louise Deslandes L’État de Guerrero, au sud-ouest du Mexique, est connu pour les plages illustres d’Acapulco, ses ressources naturelles, notamment l’or et l’argent, et des produits tels que le café et l’alcool mezcal. Ces dernières années, il est également devenu un malheureux représentant des problèmes sociaux les plus profonds du pays : la pauvreté et les inégalités sont Depuis mai 2022, Guerrero a obtenu une réputation différente: celle de pionnier du droit à l’avortement. Le congrès de l’État a promulgué une loi rendant l’avortement possible jusqu’à 12 semaines de grossesse, faisant de Guerrero le 8e sur 32 États à décriminaliser la procédure. Comme dans beaucoup d’autres régions d’Amérique latine, la campagne pour le droit à l’avortement à Guerrero a été menée par des collectifs féministes. “Le 17 mai a été une journée historique pour les femmes de Guerrero”, a déclaré le groupe féministe Marea Verde Guerrero à la newsletter Impact dans une réponse collective. « Cela signifie de grands progrès pour les femmes dans l’exercice de leur droit à disposer de leur corps sans être criminalisées ou emprisonnées pour cela. » Cette victoire à Guerrero s’inscrit dans le mouvement plus large de la marea verde, ou « vague verte », qui a englouti l’Amérique latine, et pendant laquelle les féministes ont exigé, et souvent obtenu, l’élargissement des droits à l’avortement et d’autres mesures d’égalité de genre. La vague a grandi au Mexique grâce à une décision de la Cour suprême de 2021 qui a conclu que l’interdiction de l’avortement était inconstitutionnelle ; une décision à l’opposé de Roe v Wade qui a, elle, conduit à un vaste recul des droits reproductifs chez son voisin au nord. La décision de 2021 a poussé de nombreux gouvernement régionaux méxicains à adapter leur législation, comme la Basse-Californie, le Sinaloa et la Basse-Californie du Sud, qui est devenu le neuvième État à légaliser l’avortement peu après Guerrero en juin. Collage par Mythili Sampathkumar Pourtant, Guerrero était un candidat inattendu pour la vague si tôt dans son arrivée dans le pays : les féminicides et les violences conjugales sont courants dans l’Etat, et l’opposition conservatrice à l’égalité des genres et aux droits LGBTQIA+ est forte. Le diocèse central de Chilpancingo-Chilapa, dans l’État majoritairement catholique, a longtemps été dirigé par un clergé conservateur. Quand l’évêque actuel, José de Jesús González Hernández, a pris ses fonctions en avril, il n’a pas tardé à affirmer à la presse locale qu’il poursuivrait cette tradition : « l’homme et la femme se rencontrent et une nouvelle créature est créée, pourquoi s’y opposer si c’est naturel ?” Guerrero avait de nombreuses raisons urgentes pour agir sur l’avortement. Beatriz Mojica Morga, membre du Congrès de l’État représentant Acapulco, a déclaré que la décision de la Cour suprême « nous a aidé·e·s à avancer dans cet État », mais n’était qu’un facteur dans la campagne de dépénalisation de l’avortement. En effet, l’Etat avait fait l’objet de deux « alertes de genre » émises par la commission nationale mexicaine sur la violence faite aux femmes, en raison de ses taux élevés de viols, d’abus sexuels et de féminicides. Les alertes requièrent que les États prennent des mesures pour protéger les droits humains des femmes, y compris les droits reproductifs. Guerrero a également l’un des taux de mortalité maternelle les plus élevés du pays, et l’assouplissement des lois sur l’avortement a demontré son efficacité dans la réduction des décès lors de l’accouchement dans le monde. « Un tiers des décès maternels sont dus à des avortements clandestins », a déclaré Mojica. Dans les mois précédant le vote au congrès de l’État, le cas de « María« , une fillette de neuf ans du groupe indigène me’phaa, qui s’est vu refuser un avortement dans un hôpital de la capitale Chilpancingo après qu’on l’ait violée, a alimenté les débats. María a finalement pu mettre fin à la grossesse dans un autre hôpital, mais elle faisait partie de nombreux enfants victimes de viols qui s’étaient vus refuser des avortements et dont les récits avaient galvanisé le mouvement pour changer la loi. Les peines pour les femmes soupçonnées d’avoir tenté d’avorter étaient sévères : Adriana Manzanares, une femme indigène de la même région que María, a passé cinq ans en prison après avoir accouché d’un bébé mort-né – sa peine complète était de 22 ans. Le fait que ces deux cas concernaient des femmes autochtones n’est pas le fruit du hasard. Dans tout le pays, ce sont les autochtones, les afro-mexicains et les pauvres qui ont le plus souffert des restrictions sur l’avortement, un fait que la Cour suprême a reconnu dans sa décision. Dans son plaidoyer pour la décision de septembre 2021, le président du tribunal Arturo Zaldívar écrivait : “la criminalisation de l’avortement punit les femmes les plus pauvres, les plus marginalisées, les oubliées et les plus discriminées du pays. C’est un crime qui, par nature, punit la pauvreté.” La légalisation de l’avortement à elle seule ne mettra pas fin à cette inégalité, d’après les groupes féministes. Siempre Vivas del Sur [Toujours vivantes], basé·e·s à Guerrero, a profité de l’occasion de la Journée internationale pour le droit à l’avortement le 28 septembre – un mouvement fondé par des féministes latino-américaines en 1990 – pour lancer un programme pour que les législateur·rice·s s’attaquent à la « dépénalisation sociale » de l’avortement. Lors d’une conférence de presse tenue devant le congrès régional, les militant·e·s ont demandé que la loi santé soit réformée afin d’établir une garantie que celles qui décident d’interrompre leur grossesse reçoivent « des soins médicaux de qualité et dignes », avec un financement adapté. « La légalisation de l’avortement à Guerrero ne suffit pas, car comme de nombreuses cultures patriarcales dans le monde, la culture de Guerrero a des modèles de comportement basés sur des croyances religieuses qui font que les gens pensent que l’avortement est synonyme de débauche sexuelle des femmes – uniquement des femmes – de péché », a déclaré une membre du collectif. En dehors de Guerrero, la vague verte mexicaine continue, et dans chaque Etat, des feministes luttent pour retirer l’avortement des codes pénaux où il apparait et ainsi réaliser l’objectif de décennies d’activisme. Le prochain à tomber sera probablement l’État du nord de Nuevo León, où des groupes féministes ont intenté une action en justice exigeant que la loi soit réformée pour s’aligner sur la décision de la Cour suprême. Cela constituerait une avancée historique pour les plus de cinq millions de personnes qui vivent à Nuevo León, mais pourrait également aider des millions d’autres dans le Texas voisin, qui a mis en place l’une des interdictions d’avortement les plus strictes aux États-Unis après la chute de Roe v Wade. Dans un renversement spectaculaire des fortune, le Mexique devient rapidement un havre pour l’avortement légal en Amérique du nord. — Ann Louise Deslandes est une journaliste et chercheuse indépendante au Mexique. Sa newsletter, The Troubled Region, couvre la sécurité, les ressources et les infrastructures et réfléchit sur l’évolution des pratiques de correspondance à l’étranger. — Mythili Sampathkumar est une journaliste indépendante basée à New York. Cette édition d’Impact a été préparée par Megan Clement et Anna Pujol-Mazzini. Impact est produite par Gloria Media et financée par New Venture Fund Abonnez-vous à nos newsletters : |
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