Mardi 11 janvier 2022 Et si on parlait – vraiment – des femmes en cours d’Histoire ?
Alors que je passais les fêtes de Noël en famille, j’en ai profité pour poser cette question à mes petits cousins : “Est-ce qu’on vous parle beaucoup des femmes en cours d’Histoire ?“. “Non ! m’a immédiatement affirmé Hugo, 15 ans (élève au lycée Bonaparte à Autun #spécialedédicace, comme promis). On nous parle beaucoup plus des hommes que des femmes et souvent on renvoie une image de la femme qui n’est pas forcément gratifiante !“ En se creusant un peu sur celles qui ont été évoquées en cours, Hugo pense à Jeanne d’Arc et aux maîtresses des rois. En effet, ça fait peu. Pourtant, son prof est apparemment féministe : “Il dit souvent des trucs comme ‘il ne faut pas penser qu’aux hommes, les femmes aussi ont fait beaucoup de choses’ ! En même temps, dans ma classe, on est 8 gars sur 34… alors forcément, on parle beaucoup de tout ça. Moi, je trouve que ça devrait changer parce qu’on passe à côté de plein de choses quand on ne parle que des hommes… bah oui, sans les femmes, il n’y aurait pas de monde ni rien !“. Ok, je ne vous cache pas que j’étais assez fière de l’entendre défendre ce point de vue et d’ajouter que la femme célèbre qu’il admire le plus est Rosa Parks (“En troisième, on avait un chapitre sur elle, c’est génial comment elle s’est battue contre le racisme !“). Son petit frère (actuellement en sixième) a été moins bavard, mais il m’a tout de même confirmé qu’on ne lui racontait “aucune histoire avec des femmes“, précisant que “ça ferait quand même moins macho si on en parlait plus“. Indeed. D’ailleurs, même en songeant à ses leçons de français, les seules références qui lui viennent en tête sont les Contes de Perrault et les Fables de La Fontaine. Alors, comment expliquer qu’on en soit toujours là aujourd’hui ? Avec son dernier livre, Pourquoi l’Histoire a effacé les femmes (paru aux éditions de L’Iconoclaste), Titiou Lecoq répond brillamment à cette interrogation. Elle met en lumière “les grandes oubliées“ dont on ne nous a jamais parlé à l’école : les femmes préhistoriques, les guerrières et citoyennes de l’Antiquité, les reines et chevaleresses du Moyen Âge, les bâtisseuses de cathédrales, les autrices, les savantes, les révolutionnaires, les résistantes… Bref ! Cette moitié de l’humanité à laquelle les manuels scolaires – encore en 2022 – s’intéressent si peu, nous laissant croire, depuis des générations et des générations, que l’Histoire n’est écrite que par et pour les hommes. Quand j’ai terminé la dernière page de l’ouvrage, il était évident pour moi que ce serait le thème de cette première newsletter de l’année. Les Petites Glo, je pèse mes mots : ne passez pas une seconde de plus sans avoir dévoré, annoté, prêté ce livre. Il est indispensable. Pourtant, avant que son éditrice lui suggère de l’écrire, Titiou Lecoq avait le sentiment que les gens connaissaient déjà tout ça. “Elle a insisté et je me suis rendu compte que ce livre n’existait pas, me confie l’autrice. En général, ce sont les historiennes qui abordent ces sujets-là, mais elles sont spécialisées sur une époque précise. Moi, je vais du Paléolithique à nos jours et je m’adresse vraiment à tout le monde. Je ne voulais pas que ça ait l’air trop universitaire, compliqué.“ Si j’ai adoré la manière dont Titiou raconte cette histoire des femmes (souvent avec humour et un peu d’ironie), je ne lui cache pas que ces chapitres m’ont souvent mise en colère. “Beaucoup de personnes me disent ça, réagit-elle. Mais ça a un côté excitant aussi, non ? De se rendre compte de ce qui s’est passé et de vouloir que les choses changent.“ Pour que cela change effectivement, il faut prendre le problème à la racine… Inès, 28 ans, est professeure (féministe) d’histoire-géographie et elle enseigne depuis un an dans un lycée. “En fait, les femmes ne sont pas vraiment intégrées au programme, observe-t-elle. Il y a ce qu’on appelle des ‘points de passage’ que les profs doivent aborder, de manière plus ou moins détaillée, et c’est là qu’elles sont rangées. Par exemple, pour la Révolution française, Olympe de Gouge et les droits de la femme et de la citoyenne sont un point de passage.“ Inès a choisi de consacrer une heure à ce sujet, mais en en discutant avec ses collègues, elle s’est aperçue que ça ne leur avait pris que vingt minutes. “Ils m’ont dit : ‘On n’a pas le temps de faire plus !’. Et c’est vrai, matériellement, on n’a pas le temps car les programmes sont trop longs et très axés sur les hommes. Quand on évoque Napoléon, à aucun moment Joséphine de Beauharnais n’est mise en avant ! Je trouve ça triste, personnellement.“ L’impératrice Joséphine par François Gérard (1807-1808… revisitée en 2022) Par ailleurs, quand les programmes font une petite place aux femmes, ce sont généralement des femmes blanches et riches. “C’est comme si les femmes racisées n’existaient pas, s’agace Inès. J’aimerais aussi enseigner l’histoire des mouvements de lutte contre l’homophobie, des premières Gay Pride, car ces sujets intéressent les élèves… Je vais le faire, mais ce sera du hors programme, ce qui signifie que si un parent voulait me dénoncer à l’académie, ce serait possible que je reçoive un avertissement.“ De nombreux·ses profs se rendent aux rencontres organisées autour du livre de Titiou Lecoq et lui confient qu’il leur sert désormais d’outil pour aborder ces thématiques injustement laissées de côté. “Je pense, comme souvent, que les gens sont en avance sur l’institution, conclut l’autrice. En vrai, c’est cette histoire que les élèves ont envie d’apprendre. Malheureusement, là, les programmes sont moins mixtes qu’ils ne l’ont été auparavant…“ De son côté, Inès espère que sa matière va devenir de plus en plus égalitaire. “Ce serait possible si on laissait les historien·ne·s déconstruit·e·s faire les programmes et qu’on arrêtait de confier ça à des ministres qui n’ont aucune idée de comment on enseigne et comment on intéresse les jeunes.“ Parmi la multitude d’exemples issus du livre que je pourrais vous citer, il y en a un que Titiou Lecoq aime bien et que je trouve parfait pour rabattre le caquet à celles et ceux qui ne “voient pas le problème“. La prochaine fois qu’on vous dira “Mais attends la France adore les femmes, la preuve : la République est représentée par Marianne !“, inspirez-vous de ces mots de Titiou (coucou la page 185) pour leur expliquer qu’en réalité : “Marianne est une femme justement parce que les femmes n’avaient pas accès au pouvoir. Si elles avaient eu droit à la citoyenneté, il est probable que le symbole de la République aurait été un animal ou une fleur“. Finalement, pour 2022, la meilleure résolution ne serait-elle pas de continuer à faire la révolution ? Le post de la semainepar @memes_de_libraire(Si tel est votre cas, vous savez maintenant contre quoi échanger le cadeau de votre tata antiwoke)Les recommandations de ChloéÇa y est ! Depuis le 1er janvier, la contraception est gratuite pour les femmes âgées de moins de 26 ans. Causette vous explique comment ça marche. Autre ça y est ! La zone du cerveau liée à la stimulation du clitoris a enfin été identifiée ! (Ok, maintenant il ne reste plus qu’à nos partenaires à le trouver tout court.) Les mecs qui vous envoient des pavés en DM alors que vous ne leur répondez même pas, ça vous dit quelque chose ? Eva Levy en parle sur le site de Madmoizelle. Ça m’a fait rire et un peu pleurer. En Écosse, les militantes du collectif Witches of Scotland ont obtenu gain de cause : 3000 “sorcières“ exécutées il y a trois siècles vont être graciées. “Le but, écrit la journaliste Pauline Machado sur Terrafemina, ne surtout pas oublier, et reconnaître enfin à échelle nationale la motivation principale pour ces massacres : la haine des femmes.“ D’ailleurs, connaissez-vous The Sorority ? C’est une appli qui permet de lancer l’alerte lorsqu’on est victime ou témoin d’une agression. Grâce à la géolocalisation, les personnes qui l’ont aussi peuvent apporter leur aide au plus vite. Cette initiative a pour objectif de “lutter contre les violences conjugales, intra-familiales et contre toutes les formes de harcèlement“ en “assurant la sécurité et l’épanouissement des femmes et des personnes issues des minorités de genre“. Elle mérite que tout le monde en parle. #jointhesorority
Et en parlant de sororité, j’ai adoré le dernier épisode du podcast Quoi de meuf sur l’amitié entre filles : « Les copines d’abord » ! Vous vous êtes sacrément ennuyé·e devant les fausses galères de Emily in Paris ? Vous avez trouvé que la saison 3 de Plan cœur n’était franchement pas indispensable ? Sur Slate, Anaïs Bordages liste les dix meilleures séries de 2021. Enfin, pour les plus de 15 ans qui habitent près de Paris, je recommande la pièce Bambina au théâtre Lepic. C’est “l’histoire d’une call girl qui a fait tomber le pouvoir“ en Italie. Je ne vous en dis pas plus, ce seule en scène de et avec Serena Reinaldi mérite vraiment le détour. Les dernières newsletters Gloria Media2021 : l’année en féminisme, Impact, 27 décembre 2021 9 jeunes femmes sur 10 ont déjà subi des violences conjugales, Les Petites Glo, 14 décembre 2021 Comment les systèmes de vente multiniveau s’appuient sur les normes de genre pour réussir, Economie, 10 décembre 2021 L’histoire du premier immeuble qui résista à un tremblement de terre… et de la femme qui l’a construit : Julia Morga, Les Glorieuses, 8 décembre 2021 |
Inscrivez-vous à la newsletter gratuite #LesPetitesGlo pour accéder au reste de la page
(Si vous êtes déjà inscrit·e, entrez simplement le mail avec lequel vous recevez la newsletter pour faire apparaître la page)
Nous nous engageons à ne jamais vendre vos données.