Voici – déjà – le dernier épisode avant notre pause estivale ! Mais pas d’inquiétude les Petites Glo, la newsletter revient à la rentrée pour continuer ensemble à changer le monde même quand on n’a ni pouvoir ni argent. En attendant, n’hésitez pas à vous abonner à la newsletter Les Glorieuses pour lire l’édition d’été sur les utopies féministes <3 Mardi 29 juin 2021 Imparfaites, libres et heureusesEn mai, quand les beaux jours sont enfin revenus, cette pensée m’est immédiatement apparue :“Je déclare la saison du complexe des jambes moches OUVERTE !” . Depuis que j’ai dix ans environ, montrer cette partie de mon corps est. problématique. Parce que je suis très blanche, que j’ai les poils foncés et que, même épilée, ma peau est pleine de rougeurs, de boutons et de repousses. Alors, me voici à trente ans, faisant le constat d’une moitié de vie passée à cacher mes jambes “imparfaites”, à filouter en remplissant ma garde-robe de jupes longues, de combi-pas-shorts et de pantalons les plus légers possibles. Adolescente, vous auriez pu me croiser en jean slim dans les rues de Paris en plein mois d’août. Adolescente, je mettais systématiquement des collants opaques si je portais quelque chose de court. Adolescente, donc, je crevais de chaud à cause d’une société et d’une culture qui ne laissent pas le droit aux filles d’être ce qu’elles sont. Des mammifères. Oui, des mammifères, c’est-à-dire des animaux vertébrés notamment caractérisés par la présence de mamelles et d’une peau recouverte de poils. Afin que l’on corresponde dès le plus jeune âge aux normes de la prétendue beauté féminine, notre identité originelle est niée (et nos mamelles hypersexualisées). Ce qui entraîne des catastrophes industrielles : rasage de cuisses, rasage de sourcils, poils incarnés, rasage de boutons de repousse (oui, oui) et autres infections (liste non-exhaustive d’exemples personnels). Mais tout cela, je suis persuadée que vous le savez déjà. Que vous ayez 12, 18, 25 ou 30 ans, vous vous êtes forcément déjà interrogées sur votre pilosité. C’est pour cela que j’ai décidé de consacrer la dernière newsletter de la saison à cette thématique, histoire que vous ne vous gâchiez pas ces grandes vacances tellement méritées à cause de vos poils. Vous avez été nombreuses à témoigner sur le sujet, ce qui démontre une fois de plus à quel point il est important. Léa, 29 ans, m’a raconté ceci : “Quand j’ai commencé à avoir beaucoup de poils aux jambes, je n’osais plus mettre de jupes ou de pantacourts. Je me souviens de moments de panique où une pool party ou un truc du genre se calait en dernière minute et où je me retrouvais dans la salle de bain avec un rasoir en train de me battre avec mes poils de peur d’avoir la honte.” Finalement, ce sont ses parents qui lui ont pris rendez-vous chez l’esthéticienne. “Ma mère m’avait dit : ‘si tu fais comme moi et que tu le fais à la cire dès le départ, ils pousseront moins’.” En échangeant avec vous, je me suis aperçue que nos parents, et particulièrement nos mères, étaient souvent à l’origine de cette insupportable prise de tête. “La mère joue un grand rôle dans l’initiation et la perpétuation de la norme épilatoire, m’a expliqué Léa Taieb, co-autrice du livre génial Parlons poil ! Les corps des femmes sous contrôle paru récemment aux éditions Massot. Elle fait pression, de façon consciente ou non, elle a l’impression qu’elle va aider sa fille à s’intégrer en tant que femme, à être acceptable socialement alors que, finalement, c’est la mère – et aussi la famille, de façon plus large – qui va l’inciter à s’épiler. Quand on est ado, qu’on a vu celle qui nous sert de modèle s’épiler toute sa vie et nous expliquer qu’il faut le faire, il est difficile de résister à cette figure maternelle.” Alice a 20 ans et garde ses poils aux aisselles et aux jambes depuis plusieurs années. Quand elle a arrêté de s’épiler, ses parents ne se sont pas privés de lui faire des remarques : “Mon père m’appelait ‘sa petite fille poilue’ en rigolant et en louchant vraiment dessus. Il me disait que j’avais plus de poils que mes frères, c’était un peu lourd à force mais bon, je ne disais rien, je savais que c’était juste le temps d’adaptation. Ma mère, une fois, m’a aussi demandé comment j’osais sortir dehors avec, ça m’a vexée venant de sa part… Puis maintenant elle s’en fout, et mes frères s’en foutent aussi, ils trouvent ça bien que j’assume.” Même chose pour Iona, 16 ans, qui ne s’est pas épilée à l’arrivée de la puberté : “Ma mère me fait souvent des réflexions car elle n’apprécie pas et ne me soutient pas dans ce choix, m’a-t-elle confié. Mais moi je passe à côté, ce n’est pas les autres qui vont changer mes choix et mes valeurs. Je n’ai pas envie de perdre de temps ou de me faire mal pour rien. Je suis extrêmement fière de ce choix.” Pour autant, tout le monde n’a pas la force de s’imposer comme Iona. Dès lors, comment répondre à une mère pilophobe ? “En lui disant de nous laisser le choix et en lui expliquant qu’on a le droit de décider pour son propre corps, répond Léa Taieb. On peut aussi demander son aide pour s’initier à l’épilation et trouver la bonne méthode !” En effet, mon but aujourd’hui n’est pas de vous convaincre de jeter vos bandes de cire ou vos épilateurs. Chacune fait ce qu’elle veut et s’épile comme elle le souhaite. Ce qui m’importe, c’est que vous vous sentiez libres dans cette décision. Cet été, certaines d’entre vous connaîtront sûrement leurs premières amours (profitez !!!), pour d’autres sera peut-être venu le temps des premières relations intimes. Et malheureusement, la question des poils est presque indissociable de celle du sexe chez les filles et les femmes. “Beaucoup de jeunes filles se posent la question ‘Je dois m’épiler comment pour un premier rapport sexuel ?’, commente Juliette Lenrouilly, co-autrice de Parlons poil !. En fait, elles ne savent pas ce qu’elles préfèrent et ne savent pas ce que l’autre préfère. On est dans une époque où les ados s’éduquent avec le porno donc, sexuellement, nos modèles de nus sont des corps aux sexes intégralement épilés ou presque.” Selon une enquête de l’Ifop pour le site de pornographie Tukif.com sur “l’influence des films X dans le rapport au corps et la vie sexuelle des français”, 71% des jeunes femmes déclarent s’adapter aux préférences de leur partenaire en matière d’épilation et… 34% accepteraient de s’épiler intégralement si on le leur demandait, même si elles sont 85% à associer l’épilation à une contrainte ! C’est en lisant ces chiffres que je me suis dit que nous, les meufs plus âgées, devions intervenir. “Plus jeune, j’étais persuadée que si je n’étais pas épilée au millimètre, en particulier la vulve, le mec serait dégoûté et ne voudrait pas coucher avec moi, m’a dit Victoria, 28 ans. En grandissant, j’ai compris qu’ils s’en fichent la plupart du temps. Personne ne m’a jamais répudiée car j’étais pas épilée !” Et une autre témoin de 31 ans, Anne, d’ajouter : “Il y a encore trois ou quatre ans, je n’aurais jamais osé avoir des relations sexuelles avec un maillot poilu, alors qu’aujourd’hui je m’en fous. Le désir est plus fort que les poils, non ?” En clair, ne vous privez jamais d’un moment de plaisir à cause de vos poils ! Ils. Et. Elles. S’en. Foutent. Et si vous tombez sur un type qui ne s’en fout pas (il y en a), levez-vous et barrez-vous. Ce crétin ne vous mérite pas, vos poils et vous. Voici des poils libres de droits. D’ailleurs, j’en profite pour partager ce petit point santé déniché dans l’ouvrage de Juliette et Léa qui citent Marie-Claude Benattar, gynécologue depuis une quarantaine d’années et autrice du Petit Manuel de soins intimes pour les femmes :
Il semblerait que les mentalités évoluent, doucement mais sûrement. “Avec la génération Z, il y a de grosses avancées au niveau de l’inclusivité, il y a beaucoup plus de body positivisme, précise Juliette Lenrouilly. Les ados ont grandi avec Insta et les marques qui leur sont destinées comme Adidas, Monki ou & Other Stories se sont permis de mettre des poils dans leurs campagnes publicitaires car elles savent que les jeunes ont besoin de diversité. Sur le compte Insta de Parlons poil, on reçoit tout le temps des témoignages de femmes qui ne s’épilent plus ou songent à ne plus s’épiler, et beaucoup d’entre elles sont très jeunes.” C’est le cas de Louna, 14 ans mais déjà très affirmée : “J’assume totalement mes poils, surtout ceux des aisselles ! Les gens n’osent pas me faire des réflexions, habituellement ils jugent en silence. Mais quand quelqu’un me parle de mes poils, j’essaye de normaliser au mieux le fait qu’une femme ait des poils.” Et de Maelle, 18 ans, qui a sauté le pas en décembre dernier. “J’ai décidé de garder mes poils, même cet été, et j’espère que je les garderai longtemps ! J’en ai marre qu’on ne fasse pas attention ou qu’on trouve ça beau sur un homme alors que sur nous, les filles, ça dérange et ça choque. C’est sûrement pour ça que je suis si motivée à les garder.” Ou comment renoncer à l’épilation est une façon de faire la révolution. Comme à chaque épisode des Petites Glo, je suis bouleversée de vous savoir si conscientes et investies dans vos combats féministes. Cependant, s’il est essentiel de s’interroger sur nos poils adorés (si, si), ne remplaçons pas une injonction par une autre ! “Il est important de le rappeler : tu n’es pas une mauvaise féministe si tu t’épiles, conclut Léa Taieb. Si tu te sens mal dans ta peau, que tu vis le regard des autres comme une pression, ça ne sert à rien de te forcer à garder tes poils. Le féminisme, c’est pouvoir être bien dans son corps, en faisant ses propres choix, qu’on s’épile ou pas.” J’ai emprunté le titre de cette newsletter au psychiatre et psychothérapeute Christophe André qui a écrit l’un des bouquins dont la lecture m’a fait le plus de bien, Imparfaits, libres et heureux : pratiques de l’estime de soi aux éditions Odile Jacob. Il ne m’en voudra pas, j’en suis certaine, de l’avoir féminisé afin de vous souhaiter (pour cet été, et même après) d’être merveilleusement imparfaites, libres, et heureuses. Les recommandations de ChloéPremière fois, consentement, sexe et confinement chez les 15-25 ans… J’aborderai tous ces sujets ce soir dans l’émission “Le Q en 2021” aux côtés d’Aurélie Gourgeon, porte-parole prévention chez HEYME, et Carine Torset, secrétaire générale d’HandsAway, application de lutte contre le harcèlement de rue et les violences sexuelles et sexistes. Rendez-vous gratuit ici à partir de 18 heures en live chez VL média. Qui dit sexualité dit rapports protégés : le guide Sos contraception de Marie-Laure Brival illustré par Violette Suquet est une mine d’or d’informations qui vient de paraître chez First éditions. “Ce film est là pour ça : pour que ceux qui le regardent ne puissent plus dire qu’ils ne sont pas au courant.” Dans le documentaire #SalePute disponible sur Arte.tv, les journalistes Florence Hainaut et Myriam Leroy rappellent que 73% des femmes ont déjà été exposées à de la violence sur internet. Édifiant mais vraiment choquant. Sur Arte toujours, regardez Préliminaires, le documentaire où des jeunes de 12 à 23 ans se confient sur leurs premières expériences sexuelles. La réalisatrice Julie Talon a fait un travail de dingue. Et si vous avez Prime Video, binge matchez la série Mixte qui se passe dans un lycée français en 1963, quand les filles et les garçons sont ensemble pour la première fois en cours. C’est. Trop. Bien. Passer un été zéro plastique, vous êtes cap ? C’est le défi proposé par le troisième hors-série 100% ado de WE DEMAIN. “Je trouve que les filles doivent être présidentes de la République.” À l’occasion du Forum Génération Égalité qui débutera demain à Paris, les éditeurs jeunesse Bayard et Milan ont proposé à des enfants de 6 à 13 ans d’envoyer une carte postale contenant leur souhait pour une société égalitaire entre les hommes et les femmes. Apparemment, les plus chouettes seront lues devant Emmanuel Macron. On espère surtout qu’il lira cette tribune publiée sur Slate rappelant que “quatre ans après l’annonce de l’égalité femmes-hommes en tant que ‘grande cause du quinquennat’, les féministes françaises attendent toujours que des efforts concrets soient faits pour lutter contre tous les types de violences basées sur le genre, à commencer par les féminicides.” Les dernières newsletters Gloria MediaLa ménopause dans le monde du travail : comment s’adapter ?, Economie, 24 juin 2021 Suppose que tu n’existes pas, et sois libre, Les Glorieuses, 23 juin 2021 Leurs corps, pas de choix, Impact, 21 juin 2021 Pas tous les hommes, Les Petites Glo, 15 juin 2021 |
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