L’enfer des smoothies, l’omniprésence de la maternité et l’inutilité des échecs, une conversation avec la réalisatrice espagnole, Isabel Coixet.
Isabel Coixet est ma réalisatrice de films préférée. Avec Sarah Polley. Et Paolo Sorrentino, évidemment. Mais c’est elle en premier. Elle a réalisé notamment Ma vie sans moi ou encore La vie secrète des mots. Pour ce dernier, elle a reçu tous les prix Goya possibles. On peut actuellement voir sur le site internet de Arte Foodie Love, une série comédie romantique autour d’un couple qui tombe amoureux et de délicieuses choses à manger. Lors de notre rencontre, nous avons parlé des échecs (et qu’ils ne nous enseignent rien), de l’enfer que sont les smoothies et des films qui donnent envie de vivre. Et j’ai compris. C’est pour ça que j’aime autant les films d’Isabel Coixet, ils donnent envie de vivre. Même quand ce sont des drames qui sont narrés. Nous nous sommes rencontrées le mercredi 20 avril à 17h, non pas que cela change quoi que ce soit à la teneur de notre conversation. Celle-ci, pour plus de clarté, a été éditée. Elle s’est déroulée en anglais, vous pouvez retrouver la version originale à la fin de la newsletter.
Isabel Coixet et moi-même lors de notre rencontre
Rebecca Amsellem – Vous êtes l’une des rares réalisatrices sur cette planète à réussir à capturer les émotions et les sentiments d’un personnage. Ce qui est drôle, c’est qu’il y a une autre réalisatrice qui me fait ressentir la même chose, c’est Sarah Polley, et vous avez d’ailleurs beaucoup travaillé avec elle. Est-ce quelque chose que vous avez en tête pendant toute votre carrière ?
Isabelle Coixet – Oui. L’une des choses qui m’a fait devenir réalisatrice est l’empathie que je ressens depuis que je suis enfant. Je ne suis pas un homme. Je ne suis pas une femme battue ni ne suis pas une personne qui a eu un
cancer ou quelque chose dans le genre. Mais pendant un instant, j’ai l’impression, j’ai vraiment l’impression que je peux être cette personne et que je peux expliquer cette personne. Je me souviens de la première rencontre avec Sarah Polley. Je cherchais une actrice à Los Angeles pour le film Ma vie sans moi. Toutes ces actrices étaient merveilleuses. Mais il manquait quelque chose. Quelque chose comme le fait de pouvoir décrire une personne atteinte d’une maladie mortelle, mais, et c’est la question que je posais aux candidates, pouvez-vous vraiment être cette personne ? Quand j’ai rencontré Sarah à New York, nous nous sommes assises et nous avons parlé pendant des heures. C’est ma sœur jumelle. C’est ensuite que je lui ai écrit un rôle dans La Vie
secrète des mots. Certaines personnes ont dit : « Mais le personnage est bosnien, alors pourquoi avoir choisi une actrice canadienne ? » Je pense que lorsqu’une actrice est assez forte, assez intelligente, assez sensée, elle peut jouer n’importe quoi, et Sarah en fait partie. La connexion que je ressens avec Sarah est très spéciale.
Rebecca Amsellem – On a l’impression que vous vous êtes connues toute votre vie. Et que vous partagez cette empathie que vous décrivez.
Isabel Coixet – Quand j’ai commencé à faire des films, l’une des choses que je détestais le plus étaient les critiques de cinéma. Parce que les critiques de
cinéma ne supportent pas les émotions. C’est la vérité. Ce sont des gens très froids. Ils ne supportent pas les émotions, et ils ne supportent pas les gens qui n’ont pas peur de montrer leurs émotions. Ils étaient très dédaigneux envers les réalisatrices d’ailleurs. Parce qu’elles, elles osent embrasser ce territoire de second ordre que sont les émotions.
Rebecca Amsellem – C’est marrant parce que, le week-end dernier, j’ai regardé Le Port de l’angoisse pour la millionième fois. J’avais oublié à quel point le caractère de la femme était jaloux. C’est quelque chose que je ne vois plus. Je ne vois pas ce genre de sentiments, parce que lorsqu’on voit ces
émotions à l’écran, ce sont souvent des émotions qui servent à rendre un personnage plus glorieux ou plus maléfique. Le fait qu’on la montre jalouse, et pas de manière dédaigneuse, m’a rappelé autre chose, c’est que les personnages de nos jours dans les films ont tendance à être tout sauf nuancés.
Isabel Coixet – Je pense que tu as raison. Même dans les films les plus complexes, les personnages sont définis par leur sexualité, leur maladie mentale ou autre. En parlant de jalousie, je pense que les gens peuvent être jaloux. Vous pouvez être jaloux avec quelqu’un, mais pas jaloux avec un autre. La jalousie ne définit pas une personne. Je me souviens quand j’écrivais Foodie
Love, plus les personnages grandissaient, plus ils devenaient complexes et plus j’étais excitée de raconter leurs histoires.
Rebecca Amsellem – Voici une question que je pose à toutes celles que je rencontre. L’idée est de se projeter. La révolution féministe se fait partout dans le monde. Nous vivons dans la société parfaite. La révolution de l’entre-deux est également terminée. C’est une société féministe, antiraciste, inclusive et postcapitaliste. C’est un rêve. Comment décririez-vous la société ? Pas toute la société, mais un petit détail qui fait partie de la société parfaite qui n’existait pas dans notre société aujourd’hui.
Isabel Coixet – La perfection ne peut pas exister. La perfection est inhumaine. Nous avons besoin de contradictions. Nous avons besoin de problèmes. Nous avons besoin d’histoires. Je ne dis pas que nous avons besoin de tragédies, mais les rêves sont faits de toutes ces choses.
Rebecca Amsellem – À propos des contradictions, pensez-vous que les gens ne les embrassent pas assez ?
Isabel Coixet – Les contradictions sont obligatoires pour moi. Je pense que les films sont faits de pures contradictions. Cela me rappelle la définition de Lautréamont de la poésie, la rencontre d’une machine à coudre et d’un parapluie dans la table d’une salle d’opération. Par exemple, hier, j’étais ici quand ils ont ouvert le jardin. Je voulais me promener seule et j’ai pensé : « Wow ! C’est incroyable. J’ai eu l’impression d’avoir ce genre d’illumination satori, genre “Oh mon Dieu, c’est parfait.” Surtout compte tenu des premières fois où je suis venue à Paris en restant dans une chambre dans un lit superposé avec 18 autres personnes qui pètent avec une salle de bains pour 40 personnes. Les oiseaux et le soleil et le café. C’est ce que je vis maintenant. Puis tout d’un coup je reçois un message d’une artiste ukrainienne avec qui je suis en contact. Au même moment où je ressens toutes ces choses, il y a une personne pas si loin d’ici qui craint pour sa vie. Juste cette pensée est l’une de ces contradictions. A-t-on le droit d’être heureux ?
Rien à voir avec la conversation, ceci est un collage réalisé par mes soins pour l’exposition réalisée par le Polaroid Collage Club à l’occasion de la journée dédiée au collage, le 14 mai.
Rebecca Amsellem – Selon la façon dont vous avez été élevée ou éduquée, la culpabilité est comme une très grande partie de la vie.
Isabel Coixet – La culpabilité chez les femmes, c’est énorme. Avoir des enfants, ne pas avoir d’enfants. Ne pas avoir assez pris soin de l’enfant, si vous avez des enfants. Ne pas aimer les enfants des autres. La culpabilité est horrible, et aussi inutile, parce qu’elle n’aide personne.
Rebecca Amsellem – Il y a deux thèmes très présents dans vos vies et qui s’avèrent être très présents dans la vie des
femmes en général. C’est la maternité et la nourriture. Vos films mettent en scène soit quelqu’un qui était mère ou qui a décidé d’être mère, ou qui est presque mère, ou qui ne va pas être mère pendant longtemps. Je me demandais si l’évolution de la place de la maternité dans vos films était la même que la vôtre ?
Isabel Coixet – Je dois dire que j’ai toujours été une féministe très naturelle dans ma vie, depuis que je suis toute petite. J’ai toujours vu très clairement les injustices et la façon dont les femmes étaient traitées, comment le travail à la maison n’était pas valorisé, et c’est pourquoi j’ai
très tôt décidé que je n’aurai pas cette vie. Je suis une mère, mais je n’ai jamais pensé à être une mère. Jamais. C’était comme : « D’accord, ce n’est pas pour moi si je veux être cinéaste, c’est clair. » Et puis un jour tu deviens une mère. Ensuite, vous vous dites : « D’accord, eh bien, je vais essayer de faire ce truc du mieux que je peux. » Et puis tu échoues, parce que c’est ce que tu fais.
Rebecca Amsellem – Comme vous l’avez dit, la perfection n’est pas réelle, on est vouée à l’échec, y compris en tant que mère.
Isabel Coixet
– Je n’étais pas prête. Ensuite, vous improvisez et essayez de faire comme vous pouvez, et vous échouez, et c’est comme ça. Dans la vie de chaque femme, il y a toujours la question incontournable de la maternité. Parce que les sociétés vous font réfléchir à la décision. C’est pourquoi le thème de la maternité est toujours présent dans mes films.
Rebecca Amsellem – Je lis actuellement Le Drame de l’enfant surdoué d’Alice Miller. Elle y parle de la façon dont les enfants développent un sens de l’empathie envers les autres.
Isabel Coixet – Je connais très bien ce livre. Lorsque vous avez cette
capacité à absorber les émotions des autres, vous êtes également affectée par les émotions des autres de manière très aiguë. La façon dont vous ressentez ce que les autres ressentent est un cadeau. Mais c’est aussi une malédiction.
Rebecca Amsellem – Comment avez-vous appris à ne pas trop vous laisser influencer par les émotions des autres ?
Isabel Coixet – Je suis toujours en train de traiter ce thème. Je continue d’apprendre. Mais il y a aussi un bon côté. Lorsque vous voyez quelqu’un de vraiment heureux.se et satisfait.e de sa vie, pendant un instant, vous pouvez vivre cette joie.
Rebecca Amsellem – C’est contagieux. Je voulais également aborder la relation de vos personnages à la nourriture. Dans La Vie secrète des mots, manger est la seule chose intéressante pour le brûlé, il y a un cuisinier qui pourrait travailler dans un restaurant Michelin et une infirmière qui ne mange que du riz et du poulet pour oublier. Dans Foodie love, tout évolue autour de la nourriture, d’une manière glorieuse et sexy. Cela dit-il quelque chose sur l’évolution de votre rapport à la nourriture ?
Isabel Coixet – J’ai toujours aimé la nourriture et je méprise vraiment les gens qui disent : « Je ne m’intéresse pas à la nourriture. »
Rebecca Amsellem – Qui a dit ça ?
Isabel Coixet – Tous ces gens qui mixent les choses. Les smoothies par exemple. Les smoothies pour moi c’est l’enfer. Tu mets une poire et du gingembre et de la spiruline, puis tu mélanges. Je suis contre les smoothies. Les smoothies c’est l’enfer. Nous ne sommes pas des bébés. On mâche, on mange. Foodie Love est un peu comme un parc à thème de toutes mes obsessions. Je suis allée dans de nombreux restaurants trois étoiles. Je ne veux pas manger 18 choses juste pour prouver quelque chose. Je suis dans des choses plus simples, mais bonnes. Pour moi, la nourriture est une beauté, et
c’est une manière pour connecter les gens et écouter leurs histoires. Je ne suis pas une bonne cuisinière. Quand je le fais, je passe beaucoup de temps et la cuisine est en bordel, mais quand je le fais, je le fais. Je le fais vraiment. J’aime tout commencer de zéro, j’y passe toute la journée pour ne faire qu’une chose, mais c’est bien.
Rebecca Amsellem – On parle de plus en plus d’un prétendu regard féminin pour décrire la façon dont les femmes sont censées regarder les choses, et les imaginer. Je dis « prétendument » car il semble que le regard féminin soit lié à quelque chose que les femmes ont dans leur ADN – ce qu’elles n’ont évidemment pas. Que pensez-vous de cette notion ?
Isabel Coixet – Je me souviens quand, au début pour les critiques, j’étais d’abord une femme puis j’étais une artiste. Ça m’énerve vraiment. C’était une façon de me prendre de haut, cette façon dont ils classaient simplement votre personnalité. Je me suis dit : « D’accord, oui, je suis une femme, mais il y a des différences entre les réalisatrices. » Ce n’est pas comme si nous étions cette armée et que nous partagions les mêmes choses ou la même façon de voir les choses. Je pense que je partage certaines choses avec certaines réalisatrices. Et je partage des choses ou des thèmes, ou des obsessions, ou des façons d’aborder certains problèmes. Dans mon cas, c’est encore plus aigu, parce que je fais le travail de caméraman de mon film. Ce n’est pas seulement le regard féminin, c’est mon regard.
Rebecca Amsellem – Quel est le dernier film que vous avez vu qui a vraiment capturé votre façon de voir la vie ?
Isabel Coixet – J’adore ce film de Sorrentino, La Main de Dieu, même si je déteste le football. La mention de Maradona me donne juste envie de vomir. Mais il y a quelque chose que les gens n’apprécient pas assez chez Sorrentino. Quand on voit ses films, on a envie de vivre. Vous voulez manger de la stracciatella ou de la mozzarella, ou de la burrata.
Vous voulez vivre. Vous voulez ressentir des choses. Il n’y a pas tellement de cinéastes qui donnent envie de vivre. L’autre jour, j’ai également vu ce film, À plein temps avec Laure Calamy. J’étais avec elle tout le temps. C’est très efficace et simple. Oh ! Et il y a Compartiment n° 6. Je l’ai aimé. C’est un voyage entre Moscou et le nord de la Russie d’une femme d’Helsinki et d’un Russe.
Rebecca Amsellem – J’ai lu que votre premier film n’a pas rencontré le succès que vous attendiez ; Quelques années plus tard, vous aviez des mots durs à ce sujet, mais vous disiez que cet échec vous avait permis de faire des choses formidables. Est-ce que vous vous sentez toujours comme ça ?
Isabel Coixet – Vous savez, un échec, vous dites toujours des choses du type, « Ouais ça m’a aidé à grandir ». Vous vous trouvez des excuses.
Rebecca Amsellem – J’ai lu que vous deviez être loin de chez vous – Barcelone – pour être inspirée. Comment avez-vous vécu l’isolement ?
Isabel Coixet – J’ai beaucoup bu. C’était horrible. Une semaine – c’est bien, deux – c’est super, trois – euh-euh. Je n’étais pas du tout inspirée. Chaque fois que quelqu’un me disait : « On fait ce film pendant la pandémie », je me disais : « Putain, je ne veux pas faire ça moi. » Et la preuve, c’est que personne ne voulait voir des films tournés pendant la pandémie, parce que c’était des conneries.
Rebecca Amsellem – Comment êtes-vous revenue dans le cercle de l’inspiration ou dans le cercle de la création ?
Isabel Coixet – L’inspiration est très, très, très étrange. Pendant la pandémie, je ne pouvais même pas écouter de musique. Bien que la musique soit une source d’inspiration pour moi tout le temps. Le jour où je ne voudrai plus écouter Nick Cave je sais que ce sera compliqué.
Rebecca Amsellem – Vous ne souhaitez pas vous isoler de nouveau donc ?
Isabel Coixet – Non. Parce que vous avez besoin de parcs, vous avez besoin de chiens, vous avez besoin de parler aux gens et vous avez besoin des voix ennuyeuses des personnes assises à la table voisine.
Rebecca Amsellem – Vous avez besoin de confrontations.
Isabelle Coixet – Oui. C’est pourquoi votre monde parfait ne serait pas parfait pour les artistes.
Extraits de Foodie Love, à voir sur Arte
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Version originale de la conversation Rebecca Amsellem You are one of the very few directors on this planet who succeeds in capturing emotions and feelings of one character. What is funny is that there’s another director that makes me feel the same way, and it’s Sarah Polley that you work with a lot. Is this something you had in mind for all your career ? Isabel Coixet Yes. Probably one of the things that make me become a director was the empathy that I feel, that I felt since I’m a kid. I’m not a guy. I’m not a man. I’m not a battered woman or I’m not a person who has went through cancer or something like that. But for a moment I feel, I really feel, I can be that person and I can explain that person. I remember the first encounter with Sarah Polley. I was looking for an actress in LA for My life without me. All these actresses were wonderful. They were great. But there was something missing. Something like okay, you can explain a person with a fatal disease, but can you really be that person? When I met Sarah in New York, we sat down and we talked for hours and it was like a twin soul for me. Then after that I wrote her the part in The secret life of words. Some people said, « But the character is Bosnian, so why choosing a Canadian actress? » I think when an actrice is strong enough, intelligent enough, sensible enough, they can play anything, and Sarah is one of these. The connection I feel with Sarah is very special. Rebecca Amsellem It feels like you knew one another your entire life. And that you share this empathy that you describe. Isabel Coixet When I started making films, one of the things I hate the most was film critics. Because film critics can’t stand emotions. That’s the truth. They are very cold people. They can’t stand emotions, and they can’t stand people who are not afraid to show emotions. They were very dismissive toward female directors for that matter. Because they dare to embrace this second class territory, that emotions are. Rebecca Amsellem It’s funny, because last weekend I watched To Have or To Have Not for the millionth time. I forgot how jealous the character of the woman was. It’s something that you don’t see anymore. You don’t see that types of feelings, because when you see emotions on screen, they’re often nice emotions or emotions that make someone more glorious or something evil. The fact that we show her jealous, that it’s not dismissive, but it’s complicated, reminded me of something else, which is that characters nowadays in movies tend to be everything but nuanced. Isabel Coixet I think you’re right. Even in the most complex movies, characters are defined by their sexuality, their mental disease or else. When talking about jealousy, I always think people can be jealous. You can be jealous with someone, but then not jealous with another. Jealousy is doesn’t define a person. I remember when I was writing Foodie Love thinking that the characters were growing, and that the more they grow, the more complex they were becoming, and the more excited I was for telling their stories. Rebecca Amsellem A question I ask everyone I meet is about imagining a feminist society like some kind of a utopia. The idea is to project ourselves. Basically, the feminist revolution is done everywhere in the world. We are living in the perfect society. The in-between revolution is also over. It’s really perfect. It’s feminist, anti-racist, inclusive, post-capitalist society. It is a dream. How would you describe the society? Not the whole society, but some tiny detail that is part of the perfect society that did not exist in our society today. Isabel Coixet Perfection cannot exist. Perfection is inhuman. We need contradictions. We need problems. We need stories. I’m not saying we need tragedies, but dreams are made of all these things. Rebecca Amsellem About contradictions, do you feel that people do not embrace them enough ? Isabel Coixet Contradictions are mandatory for me. I think films are made of pure contradictions, like Lautréamon’s definition of poetry, it is the encounter of a sewing machine and an umbrella in the table of an operation room. For instance, yesterday I was here when they opened the the garden. I wanted to walk alone around, and I thought, « Wow! This is amazing. » I feel like this kind of satori illumination, like, « Oh my God, this is perfect. » Especially considering the first times I came to Paris staying in one room in a bunk bed with 18 other people farting with one bathroom for 40 people. The birds and the sun and the coffee now. Then all of a sudden I get a message from a Ukrainian artist I’m in touch with. At the same moment I’m feeling all these things, there is a person not so far away from here, fearing for her life. Just this thought is one of the original contradictions. Are we allowed to be happy? Rebecca Amsellem Depending on how you were raised or educated, guilt is like a very large part of one’s life. Isabel Coixet Guilt in women is universal. Guilt for having kids, for not having kids. For not taking care of the kid, if you have kids. For not liking other people’s kids. Guilt is horrible, and also it’s useless. Rebecca Amsellem There are two themes very present in women’s lives in general that we find in your movies. Motherhood and food. Among your leading characters, it’s either someone who was a mother or decided to be a mother, or was almost a mother, or is not going to be a mother for a long time. I was wondering if the evolution of the place of motherhood in your movies is the same evolution as your relationship to motherhood ? Isabel Coixet I have to say I was a very natural feminist early in my life. I saw very clearly the injustices and the way women were treated and how the work at home was not valued. That’s why I ran from motherhood and working at home. Today I’m a mother, but I never thought about being a mother. It was like, « Okay, this is not for me if I want to be a filmmaker, it’s clear. » And then I became a mother and said to myself « Okay, well, I’m gonna try to do this thing as best as I can. » And then I fail, because that’s what you do when you are a mother. Rebecca Amsellem As you said perfection is not real, one is doom to fail, including as a mother. Isabel Coixet I wasn’t ready. Then you improvise and you try to do as you can, and you failed, and it’s what it is. But in the life of every woman, there is always the question you can’t avoid about motherhood. Because societies make you think about the decision. That is why the theme of motherhood is always there in my movies. Rebecca Amsellem I’m currently reading The Drama of the Gifted Child by Alice Miller. In it she talks about how children who develop a sense of empathy towards others; Isabel Coixet I know that book really well. When you have this ability to absorb other people’s emotions, you are also being affected by other people’s emotions in a very acute way. The way you feel what other people feels is a gift. But it’s also a curse. Rebecca Amsellem How did you learn not to be too affected by other people’s emotions Isabel Coixet I’m still processing. I’m still learning. But there is also a good side to it. When you see someone really happy and content with their lives, for a moment, you can live through that joy. Rebecca Amsellem It’s contagious. The relationship of your characters to food is also worth being noted. In the secret life of words, eating is the only thing interesting for the burnt man, there is a cook who can work in a Michelin restaurant and a nurse who eats to cope. In Foodie love it actually evolves around food, in a glorious and sexy way. Does it say something about the evolution of your relationship to food? Isabel Coixet I always loved food and I really despise people who say, « I’m not interested in food. » Rebecca Amsellem Who says that? Isabel Coixet All these people who mix things now. Smoothies for example. Smoothies for me are hell. You put a pear and ginger and spirulina, and then you mix it. I’m against smoothies. Smoothies are hell. We’re not babies. We chew, we eat. Foodie Love is a little bit like a theme park of all my obsessions. I’ve been to lots of three-star restaurants. I don’t want to eat 18 things just to prove something. I’m into more simple, but good things. For me, food is beauty, and it’s a beacon for connecting people and for listening to their stories. I’m not a good cook. When I’m doing it, I spend a lot of time and the kitchen is like a mess, but when I do it, I do it. I really do it. I like to start from scratch everything, so I spend the whole day and to do just one thing, but it’s good. Rebecca Amsellem We talk more and more about a female gaze to describe the way women are allegedly looking at things, and picturing them. I say “allegedly” because it seems that the female gaze is then related to something women have in their DNA’s – which they obviously don’t. how do you feel about the matter ? Isabel Coixet I remember when at the beginning, for critics first I was a woman then I was an artist. It really pissed me off. It was a way of diminish you, and I really hate that.The way they were just classifying your personality. I thought, « Okay, yeah, I’m a woman, but there are differences between female directors ». It’s not like we are this army and that we share the same things and the same way of looking at things. I think I share things with some female filmmakers. And I share things or themes, or obsessions, or ways of addressing certain problems. In my case, is even more acute, because I do the camera work of my film. This is not just my female gaze, it’s my gaze, because I’m like behind the camera, so I’m framing everything. Rebecca Amsellem What’s the last movie that you saw that really captured the way you see life, that you did not directed? Isabel Coixet I think about two things that capture some things. I love that the Sorrentino film, The Hand of God, even if I hate soccer. The mention of Maradona just makes me want to vomit. But there is something people don’t appreciate enough in Sorrentino. When you see one of his film, you want to live. You want to eat stracciatella or mozzarella, or burrata. You want to live. You want to feel. There are not so many filmmakers who makes you want to live. The other day I saw this film, A Plein temps with Laure Calamy. I was with her all the time. It’s very effective yet simple.Oh ! And there is Compartment No.6. I loved it. It’s a trip between Moscow and the north of Russia of a woman from Helsinki and a Russian guy. Rebecca Amsellem I read that your first film did not meet the success that you excepted; A few years later, you had tough words about it also but you said that this failure allowed you to do tremendous things. Do you still feel this way about it ? Isabel Coixet You know, after these things, you always say things that, « Yeah it helped me to grow. » You make excuses. Rebecca Amsellem I read that you had to be far from home – Barcelona – to be inspired. How did you cope during the isolation ? Isabel Coixet I drank a lot. It was horrible. One week—good, two—great, three—uh-uh. I wasn’t inspired at all. Every time someone was telling me, « we’re doing this film in the pandemic », I was like, « What the fuck. I don’t want to do that. » And the proof is nobody wanted to see films made in the pandemic, because they were bullshit. Rebecca Amsellem How did you get back to the inspiration circle or the creation circle? Isabel Coixet The inspiration is very, very, very strange. During the pandemic I could’nt even listen to music. Although music is an inspiration for me all the time. The day I don’t want to listen to Nick Cave I know will be complicated. Rebecca Amsellem You wouldn’t do the whole isolation thing again? Isabel Coixet No. Because you need parks, you need dogs, you need to talk to people, and the voices for the annoying people sitting at the nearby table. Rebecca Amsellem Confrontations. Isabel Coixet Yes. That’s why your perfect world would not be perfect for artists.
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