Chère lectrice, cher lecteur, Une simple itération d’une norme séculaire « Diva », « difficile », « dédaigneuse » et j’en passe. Durant ce mois d’août 2024, l’actrice Blake Lively, qu’on a pu voir dans Quatre filles et un jean ou encore Gossip Girl était quotidiennement insultée, harcelée sur Internet : Blake Lively La campagne d’insultes en ligne, dont Blake Lively a fait les frais, est le résultat d’une stratégie Pendant le tournage, Blake Lively s’est plainte à plusieurs reprises du comportement de Baldoni ainsi que du producteur du film. Elle ne comprenait pas pourquoi certaines scènes de sexe qui n’apportaient pas grand-chose à l’histoire avaient été ajoutées, elle dénonçait également des violations de son intégrité physique, des commentaires à caractère sexuel et d’autres inappropriés (New York Times). Peu avant la sortie du film, Justin Baldoni, par l’intermédiaire de la société de production, s’est offert les services d’un cabinet de gestion de crise, le même qui a accompagné Johnny Depp alors qu’il était en procès contre son ex-femme Amber Heard, et ayant orchestré le harcèlement en ligne le plus massif de l’histoire contre cette dernière. L’objectif de Baldoni était Et la stratégie a fonctionné – extrêmement bien – grâce à « l’astroturfing », technique faisant croire qu’un commentaire publié sur Internet avait été écrit par une vraie personne alors même que sa publication avait été orchestrée par un groupe, un parti, une entreprise dans un but précis. « Les réseaux sociaux s’emballent vraiment, écrit Melissa Nathan à Mme Abel. […] En fait, c’est triste parce que Même les personnes se revendiquant féministes publiaient, pour dénoncer le manque de considération de l’actrice envers le sujet des violences conjugales et les victimes, ou encore qu’elle profitait de la situation pour promouvoir sa marque capillaire. La question est la suivante : Pourquoi la stratégie visant à faire passer Blake Lively pour une garce a-t-elle marché ? Et surtout, pourquoi cette campagne a-t-elle marché aussi bien et aussi rapidement ? « Un homme peut presque tout faire, mais si une femme fait une mini-faute, c’est elle que les gens veulent voir brûler, avec impatience et jubilation », écrit Sarah Manavis (The Guardian). Collage réalisé par Papiers Collés Et la raison est simple. Les masculinistes n’ont – presque – plus rien à faire. Manavis précise : Aujourd’hui on peut tout à fait se revendiquer féministe tout en ne mettant pas en pratique les théories qui lui sont associées. « Une nouvelle tendance se dessine : des millions de personnes prétendent comprendre le sexisme et le patriarcat, affirment avoir remis en cause leurs impulsions, avoir compris à quel point la société déteste les femmes, mais ne font pas grand-chose pour les remettre en question ou les combattre dans la pratique. » Ce sont donc ces mêmes personnes qui vont à la fois enjoindre les femmes et les hommes à faire partie de la révolution #MeToo et qui vont critiquer sans aucun doute le comportement de Blake Lively. À cause d’une « itération moderne d’une norme séculaire ». Cette norme séculaire est le fait qu’« un homme peut faire presque n’importe quoi, mais si une femme a fait une mini-erreur, elle sera celle que les gens – avec impatience, avec jubilation – voudront voir brûler ». Parce que l’erreur serait le reflet d’une nature plus vaste, ancrée, mauvaise évidemment. Et c’est vrai, dès lors qu’on ajoute qu’elles sont intrinsèquement, fondamentalement, essentiellement mauvaises, bonnes à rester dans la sphère privée pour la survie du système patriarcal. L’itération de cette norme séculaire prend aujourd’hui un tour amer, avec l’avènement d’idées progressistes féministes. La norme se retrouve renforcée par les mêmes personnes qui s’érigent en fer de lance d’une révolution des sexes. L’itération se trouve renforcée par la mentalité des foules devenue parfois aussi bruyante qu’impotente sur les réseaux sociaux. « La mentalité de foule des réseaux sociaux n’a fait qu’exacerber et accélérer ce phénomène, ajoute Sarah Manavis, où l’on peut aller en ligne et voir immédiatement des centaines de messages s’encourageant mutuellement à attaquer une femme tout en affirmant, dans le même souffle, qu’il s’agit de justice et non de misogynie. » En décembre dernier, Mme Lively a choisi de se battre en portant plainte contre plusieurs organisations et personnes dont Baldoni, le producteur Jamey Heath, Melissa Nathan, Mme Abel, en invoquant notamment le harcèlement sexuel et leur volonté de nuire à sa réputation. Baldoni a répliqué en attaquant le New York Times pour la publication de l’enquête, et en laissant entendre qu’il va intenter un contre-procès à Blake Lively. L’enquête du New York Times et l’article d’opinion du Guardian montrent que les mentalités évoluent – leur existence même en est une preuve suffisante. En revanche, la stratégie de délégitimation de la parole des femmes – on encourage les femmes à parler mais on fait également en sorte que leur parole ne vaille rien – et son orchestration sont tout aussi présents. Et l’utilisation du pouvoir législatif pour ne pas faire face à ses Des choses que je recommande Podcast – De l’affaire Dreyfus, on croît tout savoir quand on ne connaît souvent pas grand-chose. Je ne savais pas, par exemple, que la société française était en premier lieu et pendant longtemps antidreyfusarde avant d’avoir une opinion un peu plus bigarrée. Je ne savais pas non que c’est son frère, Mathieu, qui s’est battu sans relâche pendant que le Capitaine était emprisonné sur l’île du Diable ou que le commandant Picard – loué pour sa bravoure – était un antisémite mis devant le fait accompli. C’est le sujet du podcast France Inter en dix épisodes (parfait pour celles et ceux qui courent) de Philippe Colin, Alfred Dreyfus, le combat de la République. Série – Somebody Somewhere est un bijou de sensibilité. Sam (Bridget Everett) retourne vivre dans son Kansas natal après la mort d’une de ses sœurs. La quarantaine, un peu paumée, elle devient amie avec Joel (sublime Jeff Hiller). Et c’est là toute la beauté de cette série : ce n’est pas l’amour qui en est au cœur mais c’est cette relation avec Sam. On se retrouve à avoir le ventre noué lorsqu’une discussion – fâcheuse mais inévitable – les laisse en froid, à rire sincèrement lorsque leurs mondes si singuliers se rejoignent et qu’on assiste à cette collision heureuse de deux imaginaires qui ne peuvent plus vivre l’un sans l’autre. Film – Perfect Days, réalisé par Wim Wenders, suit Hirayama, la cinquantaine, dont le métier est de nettoyer les toilettes publiques de la ville de Tokyo. Il est consciencieux, peu bavard, s’arrête parfois quelques instants pour apprécier un moment suspendu de beauté dans le ciel. Le film parle de la joie et de l’apaisement qu’on peut trouver dans le stoïcisme et de ce qui fait un poète. Podcast – White Devil (en anglais) – On suit une enquête sur l’assassinat de Henry Jemmott, officier supérieur de la police bélizienne, par une mondaine blonde nommée Jasmine Hartin. À première vue, l’affaire est simple : une blonde étrangère riche a tué un homme noir de Belize. Sauf que les apparences de cette histoire vraie ne sont pas ce que nous croyons : le podcast s’entretient avec Jasmine, son entourage et un large éventail d’habitants du Belize, de journalistes et d’expatriés, tandis que l’enquête sur la mort d’Henry Jemmott se déroule en temps réel, depuis la semaine de la fusillade, le 28 mai 2021, jusqu’à aujourd’hui. Collages – pour celles et ceux qui suivent mes collages, j’ai enfin réalisé un compte Instagram dédié, le voici https://www.instagram.com/papierscolles/ Enfin, pour information, « Les Glorieuses » a quitté Twitter. Si vous avez quelque chose à me recommander, une recette de cuisine, un endroit pour aller faire un jogging, un livre à lire, nʼimporte quoi : je suis preneuse, il suffit de répondre à cet email. *** Concours en partenariat avec Les Editions du Seuil *** Gagnez Cui-Cui de Juliet Drouar « J’avais bientôt 13 ans et une enfance impressionniste. Je me rappelle donc flou cette journée, c’était la veille du 15 mai 2027, la première fois où nous allions voter. – Et je veux pas voter. Mon père pose ses couverts ».
C’est l’histoire d’une jeune ado. Attendez… Ou tout aussi bien d’UN jeune ado. Qui traverse la grande histoire du droit de vote des mineur·e·s depuis son petit trou de serrure. Depuis son petit trou à rats familial.Iel raconte la vie au collège, les copines, Leïla surtout, proche – border crush. Le préau de la récréation, les salles de cours aux tapisseries de l’Apocalypse, la cafétéria.Sa mère, habitante de la planète Déni, gentille à claquer. Le père, un beauf ? C’est pire, nettement pire, en fait.Les désirs pullulants, qui grattent.Et, petit à petit, le lourd secret éveille l’attention de Mme Gisèle, une des profs du collège. Tout, alors, change.Le quotidien d’adolescent·e·s en pleine métamorphose, où se mêlent amitiés, désirs, non-dits, violences familiales, politica grande. Un roman d’atmosphère qui se tend et d’une dystopie à portée de main. Dans une langue trouble, drôle – toujours –, audacieuse et, surtout, inarrêtable. Cui-Cui de Juliet Drouar est paru le 3 janvier 2025 aux Editions du Seuil.
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