Je suis quelqu’un qui écrit sur le doute, une conversation avec l’autrice et universitaire américaine Kate Zambreno Kate Zambreno est écrivaine, essayiste et professeur de littérature à l’université de Columbia. Son dernier livre, Dérives, dont cet entretien fait l’objet, est paru le 16 février dernier. C’est l’histoire d’une femme, vraisemblablement Kate Zambreno elle-même, qui écrit son dernier livre, elle est en retard. Ce livre est une œuvre d’art pour toutes les personnes qui aiment les mots et un pansement pour toutes celles qui ont un jour reçu un message de leur éditrice “alors, quand m’envoies-tu quelque chose à lire ?”. La traduction en français a été réalisée par Stephanie Williamson. L’entretien dans sa version originale, en anglais, est à retrouver PS : Si vous êtes intéressée par le livre, il y aura un concours sur l’instagram des Glorieuses cette semaine. Rebecca Amsellem Dérives est un mémoire sur rien. C’est ce que vous écrivez, cela « incarne le fantasme que je me fais d’un mémoire sur rien. Ce que je désire : éliminer tout ce qui relève du personnel. Ne rien trahir de moi-même. Dérives est un mémoire sur rien ». Vous y êtes vous parvenue ? Kate Zambreno Non. Le désir de ce que sont les notes ou de ce qu’est une lettre, comme les lettres à Sophie ou à Banu qui sont documentées et décrites dans le livre, concerne toutes nos envies. C’est aussi un désir de ce qu’Édouard Glissant appelle l’opacité, comme un désir d’être opaque, de ne pas se dévoiler, d’écrire de beaux riens. Mais non, je ne pense pas que Dérives soit un mémoire sur rien. Il parle du désir. Il parle du désir de franchise, d’ouverture d’esprit. C’est un livre ouvert. Rebecca Amsellem Vous vivez dans un monde bien spécifique, le monde dans lequel les écrivain.es et les chercheu.r.ses vivent, un monde composé d’ami.e.s imaginaires, de ses pairs dont on aspire à la ressemblance et surtout pas à la comparaison. Votre livre est-il un hommage à ce monde si universellement partagé et en même singulier ? Kate Zambreno Ecrire peut être très isolant. Tout d’abord, la vie peut être très isolante, et nous vivons à une époque très isolée. Et la narratrice de Dérives aspire au contact humain, qu’elle aspire à un certain sens de la communauté tout en constatant l’impossibilité de la communauté. Il y a ce désir d’écrire pour ne pas se sentir isolé et d’écrire des lettres, de penser à d’autres écrivains ou artistes comme Chantal Ackerman. C’est un désir de sentir que son travail est lié à celui des autres, qu’il y a une relation. Mais ce n’est pas qu’une histoire d’absence de liens. J’aspire à la solitude, à trouver la solitude, à trouver de l’espace. Mais en même temps, mon écriture et ma lecture sont tellement liées aux autres. Elles sont liées à des amis qui écrivent, liées à d’autres artistes. C’est une grande conversation avec des gens qui sont morts. C’est comme ça que je vois l’écriture. Et c’est en grande partie l’esprit de Dérives. Rebecca Amsellem Vous écrivez : « Je le vois à cette façon que nous avons de nous retirer, ce besoin de nous replier à l’intérieur de nous-mêmes. C’est ce que l’écriture représente pour nous. Cet espace intérieur. » Votre ouvrage semble être une ode à la solitude et en même temps une sorte de lettre d’adieu à votre solitude. Est ce possible d’écrire sans ressentir la solitude ? Kate Zambreno L’artiste Joseph Cornell a fait une remarque en lisant la biographie de Rilke, et je la cite dans Dérives. L’une des conversations avec un autre écrivain dans Dérives parle du fait que l’écriture prend du temps. L’art prend du temps. J’ai écrit Dérives tout en étant mère. J’écrivais sur une période passée, mais c’est à ce moment-là que la majorité du livre a été écrite. J’ai écrit un recueil de textes courts, Screen Tests, et puis une étude d’Hervé Guibert, et tout cela depuis que je suis devenue maman. J’ai donc bien sûr trouvé le temps, mais c’était beaucoup plus difficile. On peut dire que je n’aurai plus jamais vraiment de véritable solitude, l’esprit de la solitude. C’est Maggie Nelson, dans Bleuets, qui écrit : « L’isolement c’est une solitude problématique. » Les mères peuvent être incroyablement isolées et incroyablement seules, même si elles sont avec un petit enfant (avec lequel elles ne peuvent pas avoir de conversations de la même manière qu’avec un adulte). Je me sens très chanceuse qu’il y ait maintenant tellement plus de littérature qui traite de la condition humaine complexe d’être parent et mère de jeunes enfants, pour montrer qu’être mère peut être isolant, que cela peut être joyeux, que cela peut être solitaire. Mais Dérives parle aussi de la solitude. La narratrice de Dérives ressent toute cette solitude, elle n’est pas spécialement heureuse. Elle se sent isolée, aussi. Elle connaît donc une solitude problématique. Rebecca Amsellem Vous avez écrit un de ces livres qui donnent envie d’écrire. Et d’écrire mieux. « Un de ces » n’est pas une formule qui prétend qu’il existe beaucoup de livres dans ce même genre mais juste que j’en ai lu qui avaient le même effet. Vous l’a-t-on déjà dit ? Kate Zambreno C’est merveilleux. Pour moi, il n’y a rien que j’aime plus que de lire quelque chose qui me donne envie d’écrire. Je pense que beaucoup de gens lisent mes œuvres et ont ensuite envie de lire. Et l’un des textes que je lisais lorsque j’écrivais Dérives, qui se trouve dans Dérives, c’est Journal of a Solitude de May Sarton, et tellement de gens m’ont dit qu’après avoir lu Dérives, ils ont ensuite lu Journal of a Solitude. Et j’adore ça, car j’adore parler de lecture et d’écriture. Lire c’est écrire, et écrire c’est lire. Une grande partie du plaisir d’écrire Dérives était son esprit de lecteur, de quelqu’un qui apprécie l’art, de quelqu’un qui observe la nature. Et il me semble donc logique qu’un lecteur… Dans mon travail en général, j’essaie de laisser de l’espace pour que le lecteur ou la lectrice puisse être l’écrivain. Pour que le lecteur puisse en quelque sorte écrire une partie du texte. Je veux donner ce sentiment d’ouverture. Et j’aime l’idée d’un lecteur qui comprend ce concept complexe et ouvert du texte qui s’étend au-delà du roman. Cela me plaît donc beaucoup. Rebecca Amsellem Et quels sont ces livres pour vous ? Quels sont les livres qui vous poussent à écrire, que vous relisez quand vous voulez écrire comme vous le souhaitez ? Kate Zambreno J’enseigne beaucoup. Et j’ai récemment, la semaine dernière en fait, fait toute une série de cours sur Lydia Rebecca Amsellem Dans une interview pour BOMB, vous parlez de votre passion/travail pour les journaux intimes des écrivain.e.s. Vous dites, « Je dirais presque que je préfère les journaux intimes de Virginia Woolf à certains de ses romans. Dans les journaux intimes, on a le sentiment d’un esprit qui doute, on a le sens du temps… » Est-ce cela qui pourrait caractériser les amoureux des journaux intimes – cette passion du doute ? Kate Zambreno Oui. Je suis très intéressée par l’écriture qui me semble avoir la nature d’une note, qui a l’aspect d’un carnet de notes. C’est une qualité que j’ai voulu donner à Dérives. Et puis j’ai écrit un livre après Dérives, qui est une étude d’Hervé Guibert, dans lequel il parle beaucoup. Hervé Guibert a dit dans Le Protocole compassionnel : « C’est quand ce que j’écris prend la forme d’un journal que j’ai la plus grande impression de fiction. » Il y a quelque chose dans l’espace d’un journal intime ou d’un carnet de notes, même s’il s’agit d’une œuvre de fiction qui donne cette impression, que je trouve tellement mieux que quelque chose qui est poli et mort et super professionnalisé. C’est cet esprit de doute qui m’attire. J’aime vraiment, quand je lis quelqu’un, que cela ressemble à une performance et que je ne sache pas ce que l’auteur va faire, et que cela soit surprenant. Et que ce ne soit pas si attendu. C’est pour cela que je me suis accrochée à des œuvres qui… Daniil Kharms, l’écrivain russe qui écrivait dans un carnet et qui est mort en prison, disait qu’il aimait que ses courts-métrages comportent une légère erreur. Et j’aime ça. Une légère erreur pour qu’une œuvre donne l’impression du doute ou d’être en quelque sorte incomplète. En tant que lecteur, c’est ce que j’aime. © Kate Zambreno Rebecca Amsellem À l’occasion de la Saint-Valentin, j’ai lu pour la première fois un message qui me plaisait, sur Instagram, je ne me souviens plus de l’autrice ou de l’auteur. Cette personne souhaitait une bonne fête de la Saint-Valentin à toutes les personnes qui ont su être en couple et donc à créer une intimité avec une autre personne. La lecture de votre livre m’a rappelé ces vœux. L’intimité qu’un.e écrivain.e cherche à nouer avec son lecteur ou sa lectrice est là. Est-ce un format d’écriture que vous empruntez aux journaux intimes que vous enseignez ? Kate Zambreno C’est un énorme compliment pour moi. Etre capable d’écrire à un·e lecteur·rice d’une manière qu’on ne pourrait même pas écrire à un·e ami·e, et que cela ait l’esprit d’une lettre, c’est vraiment ce que j’espérais accomplir avec Dérives. Avoir cette intimité. Rebecca Amsellem Vous rapportez un propos qu’Agnès Varda a dit à Sontag. Si on ouvrait les corps humains on y verrait des paysages. Cela me fait penser – tout comme votre ouvrage – à ce livre d’Alessandro Baricco, peut-être l’avez-vous lu, où le protagoniste principal décide de devenir portraitiste-écrivain. Il décrit des gens comme s’ils étaient des paysages : un hall d’hôtel, un ascenseur, etc. L’avez-vous pensé ainsi ce livre ? Comme un paysage qui vous représenterait le plus ? Kate Zambreno Il y a une forme d’autoportrait dans Dérives, mais aussi que Dérives est très tourné vers l’intérieur. Et j’écris le portrait d’un lecteur et d’un penseur et de quelqu’un qui regarde. Ce n’est donc pas un portrait complet. Mais j’ai toujours beaucoup apprécié les artistes qui sont des peintres, qui sont des portraitistes. Et j’ai toujours aimé penser à la peinture et à l’écriture. Cela me semble significatif de penser à la peinture, et de penser à la photographie, et de penser aux portraits. Et je pense aussi aux portraits des autres, aux portraits des ami·e·s… J’aime ça. Rebecca Amsellem Votre texte est également, à mon avis, un hommage à l’antiperformativité de la grossesse. Vous semblez détester la perception de l’extérieur sur votre corps de femme enceinte, vous rapportez que Maggie Nelson dit qu’une intellectuelle enceinte est perçue comme une anomalie, l’extension de l’anomalie que constitue l’intellectuelle. Au contraire, vous parlez de l’évolution du rapport entre vous et vous. Vous devenez plus indulgente – qualité rare chez les artistes. Vous diriez cela ? Kate Zambreno Il y a une telle déconstruction totale de soi-même qui accompagne la grossesse, du moins comment moi je l’ai vécue. C’est parfois extatique et parfois incroyablement aliénant. Il y a une telle dé-création et un tel abandon dans l’acte de grossesse de ce que je pensais être mon identité, en particulier de ce qui me tenait le plus à cœur à l’époque, c’est-à-dire le fait d’être écrivaine. Et aussi, il n’y a rien de plus genré dans le monde extérieur que d’être enceinte. Il m’arrivait donc souvent de sortir dans le monde extérieur sans me sentir aussi féminine que mon identité principale le demandait. Ce n’est pas comme ça que je vis mon propre genre. Et c’était étrange de voir à quel point les gens considèrent la grossesse comme « mignon ». On est aussi un peu considéré comme un enfant. On nous dit quoi manger ou quoi faire. J’ai donc trouvé tout ça très inspirant, car j’étais fascinée par l’aliénation que la grossesse représente. Et puis j’ai aussi vécu ces moments de profonde désagrégation. En fin de compte, cela a fait de moi une personne complètement différente, et probablement beaucoup plus indulgente envers moi-même. Parce que pour moi… Tout le monde a vécu d’autres expériences de démantèlement ou d’anéantissement. Cela peut s’agir d’un deuil, de la maladie d’un parent, d’une grossesse ou d’une transition de genre. Il y a toutes sortes de choses différentes que les gens vivent. Et pour moi, c’était juste très profond. Et je suis devenue une écrivaine et une pense complètement différente et plus approfondie, à la suite de cela. Parce que j’avais cette idée complètement fixe de qui j’étais, et cette personne n’était jamais quelqu’un qui pourrait être enceinte ou devenir mère, et puis je me suis abandonnée à cela. Ce n’était jamais une chose à laquelle j’avais pensé, que je voulais ou que je ressentais. Au contraire, j’étais sûre de ne pas le vouloir. Et puis quand j’ai consenti à ce que cela se produise, et que je suis devenue parent, c’était juste tellement… Il y a eu certaines critiques du livre qui ont estimé qu’il y avait comme une fin heureuse et que cela rendait ordonné quelque chose qui était désordonné. Mais pour moi, c’est toujours incroyablement désordonné. Je ne pense pas que le bébé ait résolu quelque chose pour le narrateur. C’est plutôt que c’était juste un acte incroyable de dé-création. Ca a été une expérience très transformatrice pour moi. Mon corps s’est transformé et j’ai trouvé cela incroyablement fascinant. Et je pense qu’une grande partie de Dérives est cette résistance au changement. Parce que je voulais être un narrateur masculin. Je voulais écrire ce roman existentiel masculin et la grossesse a tout défait. La grossesse a changé la façon dont les gens lisent le livre. Et pour moi, c’est de cette ambivalence et de cet espace très intéressant dont Dérives est issu. Rebecca Amsellem On demande une forme d’évidence à l’écriture. Cette demande est souvent formulée par l’éditeur ou l’éditrice, « on ne comprend pas tout de suite ce que tu veux dire ». Comme si la lecture devait être un prêt-à-consommer. Il y a une forme de nébuleuse autour de vos mots, rien n’est évident mais tout est clair. Je ne vais pas vous demander comment vous faites mais j’en ai très envie. Comment faites-vous ? Kate Zambreno Je voulais simplement que ce soit une sorte d’étude du ton. Et le ton est quelque chose que je lis, et dont j’essaie de comprendre la qualité tonale. Et c’est une chose à laquelle j’ai beaucoup réfléchi : qu’est-ce qui fait qu’une œuvre est sombre, ou qu’elle a une atmosphère intéressante ou qu’elle a un ton particulier ? Je voulais que les phrases soient imprégnées d’un certain sentiment. Il me semble que c’est en effet une ligne dans Dérives. Je voulais que le texte ait une sensibilité, je voulais qu’il prenne la forme d’un sentiment. Donc parfois, il y a ces paragraphes qui ressemblent à des espaces ouverts, ambigus, où l’on ressent quelque chose, mais c’est vague et on ne sait pas quoi. Et c’était un certain effet que je recherchais. Je ne sais pas comment j’ai fait, mais j’ai beaucoup pensé à la cadence et au ton lorsque j’écrivais. Comment je voulais que ça sonne, et de la façon dont je voulais emporter la personne qui lisait. Rebecca Amsellem Vous écrivez « Ce qui me tracassait, c’était la possibilité que je sois une imposture. Le sentiment que j’avais quand je publiais un livre – que chaque bouquin puisse être une pure arnaque et qu’un jour on finisse par me démasquer. » Je ne connais aucune personne qui écrit qui ne ressent pas ça. Cela s’arrête-t-il un jour ? Kate Zambreno J’adore cette phrase. Je crois que c’est ma préférée, c’est la plus honnête que j’ai écrite dans ce livre. Je viens de publier deux articles dans Granta, et un autre dans Astra, un magazine international. Je me suis dit, vraiment, ça y est ? J’écris ça, quelqu’un le publie. C’est comme ça que ça marche. Et il y a un sentiment de « qu’est-ce que ça veut dire ? ». Qu’on y parvient sans se faire prendre, qu’on s’en tire. Mais pour moi, cet esprit de s’en sortir, c’est délicieux dans l’écriture, et c’est ce que j’ai ressenti lorsque j’ai lu Lydia Davis pour la première fois. Je me suis dit : « Pourquoi moi ? Pourquoi suis-je si privilégiée de pouvoir publier des livres ? » Je suis quelqu’un qui écrit à travers le doute. Et puis il y a d’autres écrivains qui écrivent et sont incroyablement confiants. Pour moi, ce sont des distinctions plus importantes que la non-fiction ou la fiction. Entretien dans sa version originale, en anglais. Rebecca Amsellem Drifts is a memoir about nothing. That’s what you write, it « embodies the fantasy that I am making a memoir about nothing. What I want: eliminate all personal issues. Do not betray anything of myself. Drifts is a memoir about nothing”. Did you achieve this goal, eliminate personal issues, write about nothing ? Kate Zambreno No, I didn’t. The longing for what notes are or what a letter is, like the letters to Sophie or to Banu that are documented and depicted in the book, are about all of our desires. And it’s also a desire for what Édouard Glissant calls opacity, like a desire to be opaque, to not give away, to write beautiful nothing. But no, I don’t think that Drifts is nothing. It’s about the desire. It’s about the Rebecca Amsellem You live in a very specific world, the world in which writers and researchers live, a world made up of imaginary friends, of one’s peers whose resemblance one aspires to but does not want to be compared with. Is your book a tribute to this world so universally shared and at the same time very singular ? Kate Zambreno Writing can be very isolating. First of all, life can be very isolating, and we live in a very isolating time. And the narrator in Drifts longs for connection, and longs for some sense of community while finding the impossibility of community. There is that desire for writing not to feel so isolating and to write letters, to think about other writers or artists like Chantal Ackerman, writing notebooks. And that’s a desire to feel like this work is connected, that there’s a sense of connection. But it’s not all lack of connection. I yearn for solitude, to find solitude, to find space. But also for me, my writing and my reading is so much connected to others. It’s connected to friends who are writing, it’s connected to other artists. It’s in conversation with people who are dead. That’s just how I think about writing. And that’s a lot of the spirit of Drifts. Rebecca Amsellem You write “I see it in this way we have of withdrawing, this need to withdraw inside ourselves. This is what writing means to us. This inner space.” Your book seems to be an ode to loneliness and at the same time a kind of farewell letter to your Kate Zambreno The artist Joseph Cornell might have made a notation when reading the Biography of Rilke, and then I’m quoting it in Drifts. One of the conversations with another writer in Drifts is that writing is time. I think art is time. Writing is time. I wrote Drifts when I was a mother. I was writing about a previous period, but that’s when the majority of the book was written. I wrote a collection of short Screen Tests, and I wrote A study of Hervé Guibert all since I’ve been a mother. So I’ve definitely had found the time, but it is much more difficult. There’s an argument to be made that I’ll never really have true solitude again, like the true spirit of solitude. But it’s Maggie Nelson in Bluets who writes, « Loneliness in solitude with a problem. » Mothers can be incredibly isolated and incredibly lonely, even if they are with a small child who often they can’t have conversations with in the same way. I feel very lucky that there’s so much more literature now, which is about the complex human condition of being a parent and a mother of small children, to show that being a mother can be isolating, it can be joyful, it can be isolating, it can be lonely. But I do think Drifts is also about solitude. But the narrator of Drifts has all that solitude, is not especially happy. I think she’s lonely, too. So she has a solitude with a problem. Rebecca Amsellem You have written one of those books that make you want to write. And write better. “One of these” is not a formula that claims that there are many books in this same genre but just that I have read some that had the same effect. Have you ever been told that? Kate Zambreno That’s wonderful. To me, there’s nothing I love more than reading something that makes me want to write. I think a lot of people read my works and then they want to read. I’ve always heard that… Because I bring up so much a constellation of what I’m reading. And one of the texts I was reading when I was writing Drifts, that is in Drifts May Sarton Journal of a Solitude, which so many people told me after they read Drifts, that they then read me Sarton’s Journal of a Solitude. Which I love because I love speaking about reading and writing. Reading is writing, and writing is reading. They’re also connected to each other. And a lot of the pleasure of writing Drifts was the spirit of a reader, and someone who looks at art, and someone who looks at nature. And so it makes sense to me that a reader… In my work in general, I try to leave space so that a reader can be the writer. So that a reader can kind of write into the text. I want to have that sense of openness. And I love the idea of a reader who has this complex and open concept of the text that extends beyond the novel. So that pleases me. Rebecca Amsellem And what are these books for you? What are the books that push you to write, that you reread when you want to write as you wish? Kate Zambreno I teach a lot. And I recently, last week, did a whole section on Lydia Davis. And Lydia Davis is one of those writers that makes me want to write. I first started writing trying to be a writer, didn’t know how to be a writer, but I tried to be a writer reading like Lydia Davis’ short pieces or Anne Carson’s Short Talks. For me, their brevity, how short they are, it’s so daring. And I get so excited, and I think, « Can I pull that off? » the writers to me that feel very audacious are the writers that make me want to write, where I think, « Could I do something like this? Could I write this short strange form, and say it’s fiction, and say it’s an essay, and say it’s a poem? » And that’s what really excites me. Rebecca Amsellem In an interview for BOMB, you talk about your passion/work for writers’ diaries. You say, “I would almost say I prefer Virginia Woolf’s diaries to some of the novels. In the diaries, you get the sense of a mind in doubt, you get the sense of time”. Is this what could characterize diaries afficionados – this passion for doubt ? Kate Zambreno Yes. I’m very interested in writing that feels to me of the nature of a note, that has a notebook feeling to it. That’s something that I wanted Drifts to have. And then I wrote a book after Drifts, which is a study of Hervé Guibert. In Compassion Protocol, he ways « When I’m writing a diary is when I get the strongest sensation that I’m writing fiction. » There’s something about a diary space, even if it is a work of fiction that has that feel to it, that I find so much better than something that’s polished and dead and super professionalized. It’s that spirit of doubt. It can be a spirit of… I really like when I’m reading someone for it to feel like a performance and for me not to know what the writer is going to do, and for it to feel surprising. And for it not to be so expected. That’s why I grasped on to works that… Daniil Kharms, the Russian writer who wrote in a notebook and died in prison, he said that he liked his shorts to have a slight error to them. And I like that. A slight error for something to feel like it has doubt or to feel unfinished in some way. That’s just as a reader, what I love. Rebecca Amsellem When I was reading your book, I remembered an Instagram post I read on Valentine’s Day. I don’t remember the author. This person wished a happy Valentine’s Day to all the people who knew how to be in a relationship and therefore to create intimacy with another person. Reading your book reminded me of those vows. The intimacy that a writer seeks to establish with her or his reader is there, in your book. Is this a writing way you borrow from the diaries you teach? Kate Zambreno That’s a huge compliment to me. To be able to write to a reader as a way that you couldn’t even write to a friend, and for it to have that spirit of a letter to it, that’s really what I was hoping for with Drifts to have that intimacy. Rebecca Amsellem You report a remark that Agnès Varda said to Sontag. If we opened up human bodies, we would see landscapes. It makes me think – just like your work – of this book by Alessandro Baricco, perhaps you have read it M Gwyn, where the main protagonist decides to come as a portraitist-writer. He describes people as if they were landscapes: a hotel lobby, an elevator, etc. Did you think of this book that way ? Like a landscape that would represent you the most ? Kate Zambreno There is a sense of an autoportrait to Drifts, but Drifts is interior. I’m writing a portrait of a reader and a thinker and someone who’s looking. So it’s not a complete portrait. But I also have always really liked artists who are painters, who are portraitists. And I’ve always liked thinking about painting and writing. That feels meaningful to me to think about painting, and think about photography, and thinking about portraits. And I also think portraits of others, portraits of friends… I like that. Rebecca Amsellem Your text is also, in my opinion, a tribute to the anti-performativity of pregnancy. You seem to hate the outside perception of your pregnant woman’s body, you report that Maggie Nelson says that a pregnant intellectual is perceived Kate Zambreno There’s such an utter deconstruction of the self that comes with pregnancy. It is sometimes ecstatic and sometimes incredibly alienating. There is such a de-creation and giving over in the act of pregnancy with what I thought my identity was, especially what I held the most dear at the time, which was me being a writer. And also, there’s nothing more gendered in the outside world than being pregnant. So I often would go to the world, not always feeling as feminine as my main identity. That’s not how I experience my own gender. And it was strange how cute people regard pregnancy. You’re also kind of considered a child. You’re told what to eat or what to do. So that stuff I found very inspiring because I was fascinated by the alienation of it. And then I also experienced these moments of just profound unmaking. Ultimately that has made me a completely different person, and probably much more forgiving to myself. Everyone has other experiences of when they experienced an unmaking or an undoing. Sometimes it can be like grief or illness of the parent or pregnancy or a gender transition. There’s all different things people experience. And for me, it was just very profound. And I’ve become a completely different and a deeper writer and thinker as a result of it. Because I had this completely fixed idea of who I was, and that person is not someone who would ever be pregnant or become a mother, and then I gave myself over to it. This was never something I had thought of that I wanted and felt. In fact, I was sure I did not want it. And then when I allowed it to happen, and then I became a parent, it was just so… There were some reviews of the book that felt there was like a happy ending to it and it made something neat that was untidy. But to me, it’s still incredibly untidy. I don’t think it was like the baby solved something for the narrator. More that it was just an incredible act of de-creation. It was a very transformative experience for me. My body transformed and I found it incredibly fascinating. And a lot of Drifts is that resistance to change. Because I wanted to be a male narrator. I wanted to write this male existential novel and the pregnancy undid it. And the pregnancy has changed how people read it. And to me, that’s the ambivalence and this very interesting space that Drifts comes out of. Rebecca Amsellem We ask for a form of obviousness in writing. This request is often made by the editor, “we don’t immediately understand what you mean and we need that”. As if reading should be a ready-to-consume product among others. There is a form of nebula around your words, nothing is obvious but everything is clear. I’m not going to ask you how you do it but I really want to. How do you do it ? Kate Zambreno I wanted just to be a kind of study in tone. Tone is something that I read, and I try to understand the tonal quality of it. And it’s something I’ve been thinking a lot about, what makes a work moody, or atmospherically interesting, or a work of tone? I wanted the sentences to have a certain feeling to them. I feel like now this is like actually a line in Drifts. I wanted it to have a feeling to it, and I wanted it to have the form of feeling. So sometimes there are these paragraphs which feel like these open, ambiguous spaces where we’re left feeling something, and it is ambiguous and we don’t know what. And that was a certain effect I was going for. I don’t know how I did it, except I thought a lot about cadence and tone when I was writing it. How I wanted it to sound, and how I wanted to steal someone else when they are reading it. Rebecca Amsellem You write “What bothered me was the possibility that I was a fraud. The feeling I had when I published a book – that each book could be a pure scam and that one day they would end up unmasking me”. I don’t know anyone who writes who doesn’t feel that way. Will it ever end ? Kate Zambreno I love that line. That’s my favorite, I feel that’s the most honest I was in that book. I just had a couple of pieces come out in Granta, and I have another one coming out in Astra, this international magazine. I thought, really, this is it? I write this, someone publishes it. This is how it works. And there’s a sense of, ‘what is this?’, that you get away with something. For me, that spirit that you’ve gotten away with something, it’s delicious in writing, and it’s what I felt when I first read Lydia Davis. I think, « Why me? Why am I so privileged that I can publish books? » I’m someone who writes through doubt. And then there are other writers who write and are incredibly confident. To me, those are more important distinctions than non-fiction or fiction. 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