« Vous ne baissez pas les bras et moi non plus. » — Rebecca Solnit ![]() ![]() Bienvenue dans la newsletter Impact — votre guide de la révolution féministe. Cette semaine, nous vous expliquons. Cette semaine, nous vous proposons un entretien avec une experte au sujet de l’attaque globale de Donald Trump contre les femmes et les filles. Vous n’avez qu’une minute pour lire ? Voici la newsletter en bref :
Pour rester informé·e de toutes les actualités sur les Vous pouvez lire la newsletter en ligne ici – http://lesglorieuses.fr/kehinde-ajayi ![]() La suspension par Donald Trump de l’USAID est une catastrophe pour les femmes et les filles Par Megan Clement Nous savions déjà que Donald Trump et son allié et amateur de saluts nazis, Elon Musk, allaient déclencher une vague de chaos destructeur dès l’arrivée au pouvoir de Trump. Mais l’ampleur des ravages causés par ces deux hommes, non seulement aux États-Unis, mais dans le monde entier, est vertigineuse. Au moment d’écrire ces lignes, l’administration Trump a mis presque l’ensemble du personnel de USAID, l’agence américaine d’aide au développement international, en congé administratif. Le nouveau gouvernement suit un plan visant à fermer l’agence complètement, la « passer à la broyeuse » comme l’a dit Musk sur X, la plateforme qu’il a rachetée pour 44 milliards de dollars avant de la transformer en un nid de désinformation d’extrême droite. La fermeture, ou même une simple réduction des activités de USAID, aura des conséquences catastrophiques pour les millions de personnes dans le monde qui dépendent de l’aide internationale pour survivre. Les femmes et les filles – qui sont touchées de manière disproportionnée par les catastrophes naturelles et les crises humanitaires, qui ont des besoins Trump a également rétabli la politique de Mexico, ou “règle du bâillon mondial” (global gag rule), coupant les financements des ONG internationales qui fournissent des informations sur l’avortement, même dans les pays où il est légal. Les États-Unis étaient, jusqu’à aujourd’hui, le plus grand contributeur mondial au financement de la santé sexuelle et reproductive dans le monde, suivis des Pays-Bas et du Royaume-Uni (la France ne figure pas dans le top dix). Chaque président républicain depuis Ronald Reagan a remis en place cette directive en arrivant au pouvoir, obligeant de Pour mieux comprendre l’ampleur de la crise qui menace les femmes et les filles dans le monde, j’ai discuté avec Kehinde Ajayi, directrice du programme sur l’égalité des genres et l’inclusion au Centre pour le développement global. Cet entretien a été édité par souci de brièveté et de clarté.
Megan Clement : Au moment où nous nous parlons, nous savons que la grande majorité des employé·es de USAID vont être placé·es en congé administratif et que l’intention du nouveau gouvernement semble être de démanteler l’agence. Pouvez-vous nous donner une idée des conséquences d’une telle décision, ou même simplement d’une interruption temporaire de ses activités ? Kehinde Ajayi : USAID est la plus grande organisation bilatérale de financement au monde et constitue le principal canal par Le gouvernement américain s’est engagé à financer la santé sexuelle et reproductive, et USAID a été un acteur clé dans la promotion de l’égalité des genres et de l’autonomisation économique des femmes de manière plus large. L’agence finance des initiatives visant à améliorer le secteur du soin – qui, nous le savons, constitue un obstacle majeur à la participation économique des femmes – ainsi que des programmes pour améliorer la représentation politique des femmes et leur accès aux espaces de pouvoir. Un travail colossal a également été fait pour améliorer la collecte de données sur les questions d’égalité de genre et produire des statistiques solides. On peut citer, par exemple, les enquêtes démographiques et sanitaires qui fournissent des informations cruciales sur le bien-être des femmes et des filles. USAID a aussi soutenu l’inclusion financière et numérique, en veillant à ce que les femmes et les filles aient un accès équitable aux comptes bancaires, aux services financiers et aux technologies numériques. Tous ces efforts sont essentiels non seulement pour les femmes et les filles, mais aussi pour le fonctionnement de communautés et de sociétés entières. C’est tout ça qui est maintenant menacé. Megan Clement : Le monde traverse actuellement des crises humanitaires majeures. Y a-t-il des services spécifiques pour les femmes et les filles – au Soudan, en Afghanistan, à Gaza, par exemple – qui vont être supprimés ? Ces crises vont-elles être encore plus dures pour Kehinde Ajayi : Les femmes et les filles sont souvent les plus vulnérables en période de conflit et de crise humanitaire. Vous avez mentionné des situations touchées par des violences armées, mais il y a aussi des crises sanitaires qui se développent dans le monde. Nous sommes en ce moment confronté·es à une épidémie d’Ebola, et la vulnérabilité des femmes et des filles est particulièrement forte dans ce type de contexte. Le soutien aux femmes et aux filles est un élément clé de la réponse aux crises, car elles sont souvent les premières affectées. Quand on réfléchit à qui sera au cœur de la reconstruction, à s’assurer que le rétablissement se passe bien, ce sont souvent elles. Protéger leur bien-être au milieu de ces situations est donc absolument crucial. Photo : Institut national des allergies et des maladies infectieuses. CC BY 2.0 Megan Clement : Sait-on comment la mise en œuvre de la « règle du bâillon mondial » (global gag rule) va interagir avec les coupes budgétaires de USAID ? Kehinde Ajayi : PEPFAR est l’un des exemples les plus emblématiques des impacts transformateurs de l’aide au développement américaine. C’est un programme qui soutient la distribution de traitements antirétroviraux aux personnes vivant avec le VIH à travers le monde. C’est un projet qui est directement touché et qui se retrouve en interaction avec la règle du bâillon mondial. Un arrêt brutal de ce type est un véritable choc, car les traitements antirétroviraux, par exemple, doivent être pris tous les jours. Donc, toute interruption affecte les progrès réalisés par les patient·es. Même une fermeture temporaire peut avoir des conséquences à long terme : si des prestataires de services ou des ONG ne peuvent plus faire face financièrement à cause de la suspension des financements, ils risquent de fermer définitivement. Prenons l’exemple d’une ONG ou d’une clinique qui fournit des traitements contre le VIH. Si elle doit fermer faute de financements, elle ne pourra plus non plus assurer les dépistages gynécologiques ni surveiller la tension artérielle des femmes enceintes. [ndlr : Kehinde Ajayi a ajouté la phrase suivante par e-mail après notre entretien] On sait aussi que la grossesse et le stress économique augmentent le risque de violences conjugales. C’est donc une préoccupation importante. Megan Clement : Est-ce que d’autres pays doivent maintenant intervenir pour combler le vide laissé par les États-Unis ? Si oui, lesquels sont les plus susceptibles de s’impliquer ? Kehinde Ajayi : Historiquement, les États-Unis ont fourni à eux seuls deux fois plus de financement pour la santé sexuelle et reproductive que n’importe quel autre acteur. L’écart est donc immense. Nous sommes dans un contexte économique difficile, avec peu de marges de manœuvre budgétaires au niveau mondial et des ressources limitées. Donc, il va falloir que plusieurs acteurs se mobilisent. Ce n’est pas juste un gouvernement qui doit intervenir. USAID, le Foreign, Commonwealth & Development Office du Royaume-Uni et l’Agence française de développement (AFD) sont des bailleurs bilatéraux, mais il existe aussi des financeurs multilatéraux, comme les banques de développement. Il y a aussi le secteur philanthropique, où certain·es donateur·ices ont historiquement beaucoup soutenu l’égalité des genres. Leur rôle n’est pas forcément de combler chaque dollar perdu, mais de fournir une assistance technique dans certaines situations, et un financement plus flexible. Cela demande vraiment un effort collectif. Aux États-Unis, nous voyons aussi une forte mobilisation pour tenter de faire reculer ces décisions et potentiellement rétablir une grande partie des financements. Une manifestation contre Donald Trump et Elon Musk à Colombus, dans l’Ohio. Megan Clement : Beaucoup de gens se sentent complètement dépassé·es par cette situation. Elles et ils voient ce qu’un homme très puissant dans un pays très puissant est en train de faire et se sentent impuissant·es. Que peuvent faire des personnes ordinaires pour soutenir les droits des femmes et des filles à travers le monde alors qu’ils sont autant menacés ? Kehinde Ajayi : Cette situation est un exemple de la puissance de la démocratie et de l’importance de voter avec soin, en prenant conscience des implications de ce vote. Tout le monde devrait prêter attention à l’impact des responsables politiques élu·es sur les politiques mises en place. Je pense qu’on sous-estime parfois cet enjeu et qu’on le prend pour acquis. Un deuxième point important est de reconnaître et de mettre en avant le fait que l’égalité de genre ne consiste pas simplement à soutenir un groupe de personnes plutôt qu’un autre, et qu’il ne s’agit pas d’un sujet secondaire à envisager seulement quand tous les autres problèmes sont résolus. C’est un sujet qui a des répercussions partout, tout le temps. Au milieu de crises violentes, face aux urgences climatiques, dans toutes les situations, il est crucial de protéger les personnes les plus vulnérables. Nous pouvons soutenir les institutions locales qui le font dans nos communautés, et à l’échelle mondiale, de nombreux acteurs s’engagent déjà sur ces enjeux. Il faut chercher des moyens d’investir dans la protection des populations les plus exposées. Enfin, le dernier point, c’est l’importance de continuer à se battre. Parfois, on se sent dépassé·es en lisant l’actualité et en essayant d’en comprendre les implications. C’est bouleversant de voir ce qui se passe en ce moment, mais sur le long terme, les personnes qui militent pour l’égalité des genres ont l’habitude des hauts et des bas. Historiquement, l’exemple de la règle du bâillon mondial illustre bien ces allers-retours, avec des avancées et des reculs dans la lutte pour l’égalité. Le plus important, selon moi, est donc de réfléchir à la meilleure manière de poursuivre ce travail. Cela implique parfois de revoir les financements ou de repenser nos stratégies d’action. Mais il ne faut pas se laisser décourager par ce qui se passe en ce moment. Il faut continuer à créer du lien avec les personnes qui font ce travail. Megan Clement : J’avais besoin d’entendre cela, et je pense que nos lecteur·ices aussi.
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