Cette newsletter vous a été transférée ? Et vous aimez tellement que vous souhaitez vous inscrire ? C’est ici ! Mercredi 5 avril 2023 Le sens de la création et la fin du sacrifice par Rebecca Amsellem Comment se lient le sacrifice et la création, quelle est leur alliance secrète ? écrit la psychanalyste et philosophe Anne Dufourmantelle. Combien de femmes ont ressenti cette nécessité d’en passer par le sacrifice pour être autorisées un tant soit peu à créer ? Sacrifice de la vie de famille, du mariage, des enfants, du lien social, jusqu’au bannissement. Comme si le sacrifice était le meilleur garant d’une œuvre. » Dans son essai La Femme et le sacrifice. D’Antigone à la femme d’à côté (Éditions Denoël, 2007), Anne Dufourmantelle part d’un postulat : les femmes, de tout temps, de toutes cultures ont été sacrifiées. « Au nom d’à peu près tout. » La maternité, la famille, le foyer mais aussi la réputation des hommes, leur incapacité à se contrôler et même le refus de celles-ci à se satisfaire d’une société qui invisibilise leur existence de manière quasi immédiate. J’en passe évidemment. La « femme sacrificielle », pour reprendre la philosophe, c’est Jeanne d’Arc, c’est Antigone, c’est Cassandre. C’est la femme d’à côté aussi. C’est celle qui se sacrifie pour la carrière de son mari, pour l’éducation de son enfant et la vieillesse de ses parents. « La femme n’est pas sacrificielle parce qu’elle est une femme, mais parce que le destin de la féminité s’y engouffre d’une certaine façon sans retour, sans écho. » L’hypothèse d’Anne Dufourmantelle est que l’acte de se sacrifier, pour les femmes, est lié à l’invisibilisation de leurs traumatismes sur la scène collective. C’est-à-dire que tant que les injustices et leurs conséquences ne seront pas reconnues comme légitimes au niveau sociétal, tout sacrifice entrepris par une femme sera lié à celles-ci. Et c’est aussi valable pour la création. « Pourquoi donc tant de femmes ont-elles perçu l’œuvre comme antagoniste de la vie de famille, de la vie même, ou l’ont mal négociée, douloureusement, difficilement ? » s’interroge la philosophe. C’est vrai, je ne pense pas à un journal écrit par une femme écrivaine, artiste qui ne le mentionne pas. Créer, pour une femme, doit obligatoirement passer par un sacrifice. « Comme si l’on ne pouvait être à la fois dévouée à une œuvre et vouée à l’amour d’un enfant, comme si cela s’opposait en effet », répond Anne Dufourmantelle en prenant l’exemple de la maternité. Pourtant, la philosophe voit dans l’acte de créer un aspect transgressif, tant la maternité est censée être la seule voie de création admise et légitime. Et cette transgression ne s’arrête pas à la maternité. « Son œuvre, plus forte qu’elle, lui fait refuser de dire oui à l’enfant, à l’amant, à l’époux, à un maître intellectuel, à qui que ce soit, sans avoir vécu, sans avoir eu le droit d’exister par elle-même, d’explorer les chemins de sa création. Parce qu’on n’existe jamais pour “soi”, et l’artiste moins que tout autre, femme ou homme. » À cette première transgression s’ajoute une deuxième, moins évidente, celle de la solitude. Créer implique d’être seule, d’apprécier la solitude alors même qu’elle ne semble pas faire partie des attributs féminins de notre société. « Une femme créatrice vit dans sa chair la dualité entre l’indépendance nécessaire pour être artiste et la solitude existentielle à laquelle elle est adossée, l’épuisement d’être au service de ces voix qui l’habitent sans lui laisser de trêve et la nécessité d’aimer et d’être aimée. » Être une femme dans notre société actuelle implique de participer au jeu de l’amabilité : une femme se doit d’être bien apprêtée, être drôle mais réservée, être douce et bienveillante surtout. Vouloir être aimée et les injonctions auxquelles les femmes doivent se soustraire afin d’y parvenir contreviennent aux actes nécessaires pour créer. « Aujourd’hui on ne veut plus de sacrifice, dit Anne Dufourmantelle pour conclure son introduction. Ce n’est ni rentable ni défendable. » La philosophe voit dans l’acte de créer la délivrance d’un sacrifice collectif au bénéfice d’une libération individuelle. « Ce qui est en question dans toute création, c’est l’horizon d’attente, quelque chose qui joue le même rôle qu’un sacrifice, à savoir le retournement du trauma en délivrance, en signification, en chant. » Écrire, peindre, jouer, etc., sont les indices, dit en substance la philosophe, que le temps du sacrifice est révolu. Les actes de création des femmes ont pu se faire rares mais ils ont toujours été là, comme pour dire : le sacrifice des femmes ne sera pas toujours considéré comme « normal ». « Nous sommes l’exception », dit leur existence. « Mais nous sommes là pour devenir la règle. » Les choses que je recommande cette semaine « On réagit peut-être de façon excessive à des futilités pour tenter de se convaincre qu’elles ont de l’importance, parce que pour 90% des gens la vie ne sera jamais qu’un enchaînement de choses banales. On se retrouve alors à juger « profondément bouleversant » un mauvais film pour ne pas admettre qu’on a perdu son temps à regarder une oeuvre vraiment oubliable ».« Bien sûr que les poissons ont froid », le nouveau livre de Fanny Ruwet (Editions de l’Iconoclaste), est d’abord une enquête (et j’adore les enquêtes) pour retrouver Nour, un garçon avec qui la protagoniste principale échangeait sur MSN quand elle était ado. Mais c’est surtout un livre doux, “Cette loi signe mon arrêt de mort”. L’entretien de Kasha Jacqueline Nabagesera, une des fondatrices du mouvement ougandais de défense des droits LGBTQIA+, par Megan Clement pour la newsletter IMPACT a été massivement partagée sur les réseaux sociaux. On y apprend qu’une loi liberticide est en passe d’être votée dans un contexte où l’homosexualité est confondue avec pédocriminalité. « Je m’inspire des mouvements de défense des droits civiques qui ont été là où nous en sommes aujourd’hui, raconte Kasha Jacqueline Nabagesera pour expliquer comment elle reste optimiste sur la suite, cela me donne de l’espoir de savoir qu’un jour nous gagnerons ». Je ne l’ai pas encore vu (je vais essayer cette semaine) mais trois (3!) personnes de confiance m’ont en dit que des belles choses : Toute la beauté et le sang versé réalisé par Laura Poitras. C’est un documentaire sur la photographe Nan Goldin et son combat contre les opioïdes aux Etats-Unis. « Pourquoi former au récit ? » C’est une rencontre avec Alessandro Baricco, Charlotte Pudlowski, Pauline Baer de Pérignon et Fanny Sidney. A la maison de la poésie, jeudi 20 avril 2023 à 15h. Pour réserver, c’est ici. « La vie de Suzanne Valadon tient du roman. Née de père inconnu, d’une mère pauvre et alcoolique, elle grandit dans le Montmartre populaire et bohème de la fin du 19ème siècle, où elle devient modèle pour les artistes ». Dans cette émission « Autant en emporte l’histoire », on écoute la vie de la peintres Suzanne Valadon. Les chevaleresses, de la gloire à l’oubli, sur France Culture. CONCOURS en partenariat avec la Villette (non rémunéré). Vous pouvez gagner des places pour aller voir : Le retour de la boutique (et pour fêter ça on offre deux carnets cette semaine – il suffit de répondre à cet email pour participer !)
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