Bienvenue dans la newsletter Impact, votre dépêche hebdomadaire de journalisme féministe. Cette semaine, je partage les idées de militantes féministes sur l’importance d’une paix réelle entre les palestinien·ne·s et les israélien·ne·s qui respecte les droits des femmes et des filles. Je le fais en espérant que ces points de vue seront utiles à celles et ceux d’entre nous qui se sentent dépassé·e·s et sidéré·e·s par l’horreur et la souffrance de cette guerre. Pourquoi la paix est un enjeu féministe par Megan Clement Nous arrivons à bout de mots pour décrire l’horreur de la situation à Gaza: “une véritable catastrophe” ; “le pire du pire” ; “un cimetière pour enfants”. Et ce ne sont que les mots qui viennent des agences des Nations Unies. Plus de 15 500 personnes, dont plus de 6 500 enfants, ont été tuées dans les attaques israéliennes sur Gaza, selon le ministère de la santé de Gaza, administré par le Hamas. En Israël, plus de 1 200 personnes ont été tuées et 240 otages pris·e·s lors de l’attaque du Hamas le 7 octobre, d’après les autorités israéliennes. Le Hamas a été désigné comme organisation terroriste par plusieurs pays, dont les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada et l’Union européenne. Au cours d’un cessez-le-feu temporaire d’une semaine qui s’est terminé le 1er décembre, le Hamas a libéré 105 otages en échange de 240 prisonnier·ère·s palestinien·e·s détenu·e·s en Israël. Les témoins et les équipes de secours présents lors de l’attaque du 7 octobre ont partagé des histoires atroces de violences sexuelles contre des femmes et des filles par le Hamas. L’ONU a demandé une enquête sur ces crimes. À Gaza et en Cisjordanie, 1,2 million de femmes et de filles ont été identifiées comme ayant besoin d’une protection contre les violence sexiste avant la dernière campagne de bombardements d’Israël – ONU Femmes a averti que ce nombre n’a fait qu’augmenter depuis. L’UNFPA, l’agence des Nations Unies responsable de la santé reproductive et maternelle, estime que 180 femmes accouchent tous les jours alors que les services hospitaliers se sont pratiquement effondrés. Face à cette misère, que nous dit le féminisme ? Il pourra sembler inutile à certain·e·s de parler de féminisme face à tant de carnage et tant de traumatismes. Mais je pense que, pour être pertinent aujourd’hui, le féminisme ne doit faire l’impasse sur les meurtres indiscriminés de milliers de personnes. Le féminisme doit apporter une réponse aux massacres de civil·e·s, aux prises d’otages, aux viols comme armes de guerre, aux sanctions collectives, aux fosses communes, à une situation que les groupes de défense des droits humains qualifient d’”apartheid”*, à l’emprisonnement des enfants et au refus des soins de santé les plus basiques à toute une population, contrainte de vivre sans accès garanti à l’électricité, à l’eau et au carburant. Le féminisme doit pouvoir s’élever contre l’antisémitisme, contre l’islamophobie et contre les crimes haineux qui ont éclaté dans le monde depuis la dernière escalade d’un conflit qui a commencé bien avant le 7 octobre 2023. Le féminisme se bat pour cet axiome : chaque vie se vaut. Il revendique le droit à des vies libres et égales, dans le respect de notre autonomie et de notre dignité. D’après ces principes, une vie ne vaut pas plus qu’une autre ; peu importe le genre, l’origine ethnique, la religion, la sexualité, le handicap ou toute autre caractéristique. Et il y a des activistes qui utilisent les principes du féminisme et le langage des droits des femmes pour plaider en faveur de la fin du conflit. J’ai parlé à certaines d’entre elles de leur vision pour une solution à cette guerre. Au moment de ces interviews, une pause humanitaire était en cours. Les combats ont repris au matin du 1er décembre. “Un cessez-le-feu est tout à fait conforme aux principes, aux valeurs et aux modes de gouvernance féministes”, a déclaré Lina AbiRafeh, militante féministe et ancienne travailleuse humanitaire spécialisée dans les conséquences genrées de la guerre et des catastrophes. “Les guerres sont sexistes et les femmes souffrent avant, pendant et après de manière très spécifique.” La Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté se bat pour la paix et la sécurité sur la base de principes féministes en s’attaquant aux “causes profondes des conflits” – dont l’escalade de la militarisation et ses effets sur les femmes. “La destruction des infrastructures civiles a un impact disproportionné sur les femmes ; elle détruit les services de santé, d’éducation et sociaux dont elles dépendent, ainsi que les espaces et secteurs à partir desquels elles dirigent et participent à la vie publique”, a déclaré Salma Kahale, directrice des programmes au Moyen-Orient et en Afrique du Nord pour la ligue, à la newsletter Impact. “L’occupation et la militarisation qui l’accompagne créent une économie politique qui encourage et soutient la guerre et la violence, augmentent la création de masculinités militarisées et réduisent la participation des femmes dans les affaires publiques et politiques”, Salma Kahale a ajouté dans un email qu’elle m’a adressé. Lina AbiRafeh considère que les droits des femmes sont une partie de la solution à cette militarisation croissante : “Nous éviterons le stéréotype selon lequel les femmes sont intrinsèquement plus pacifiques, mais il est vrai que les femmes ont travaillé au-delà des clivages pour favoriser la paix et créer un semblant de coexistence.” L’un de ces groupes est Women Wage Peace [Les femmes font la paix], une organisation citoyenne et pacifiste qui réunit des femmes israéliennes. La cofondatrice du groupe, Vivian Silver, a été tuée lors de l’attaque du 7 octobre. Le 4 octobre, Women Wage Peace et l’organisation palestinienne Women of the Sun [Les femmes du soleil] s’étaient réunies pour promouvoir leur “Appel des mères” à mettre fin au conflit. Malgré la violence qui s’est déchaînée depuis, les deux collectifs continuent de travailler ensemble, comme l’a raconté Yael Braudo-Bahat, codirectrice de Women Wage Peace, à la newsletter Impact. “Notre partenariat est devenu encore plus crucial et notre mission est devenue encore plus urgente, parce que si le conflit n’est pas résolu, alors la prochaine attaque sera bien plus dure et bien plus violente”, a-t-elle déclaré. Reem Hajajreh, la directrice de Women of the Sun, fait écho à cet engagement. “C’est une collaboration historique entre femmes qui vise à encourager les deux parties à soutenir une résolution pacifique du conflit et à ramener les représentant·e·s des deux parties à la table des négociations pour signer un accord qui garantirait liberté, paix et sécurité aux femmes et aux hommes des deux côtés, à nos enfants et aux générations futures,” a déclaré l’activiste à la newsletter Impact. “Des efforts ont été faits, mais nous estimons que les voix et les histoires des femmes ne sont pas assez mises en avant dans cette guerre”, a ajouté Reem Hajajreh dans un email qu’elle m’a adressé. L’Appel des Mères plaide pour une résolution du conflit conformément à la résolution 1325 de l’ONU, qui stipule que les femmes doivent être impliquées dans les processus de paix partout dans le monde. “Les femmes sont partout dans cette guerre, sauf aux tables où sont prises les décisions”, a déclaré Yael Braudo-Bahat. “Quand les femmes sont impliquées activement dans un processus de paix, un accord est conclu plus rapidement et il est beaucoup plus résistant et durable.” Salma Kahale a souligné la nécessité pour les féministes du monde entier de continuer à appeler à la fin du conflit. “En tant que féministes, nous devons continuer à parler et à agir pour mettre fin à cette guerre et au militarisme, à l’impunité et à la complicité de nombreux États membres [de l’ONU] qui ont systématiquement permis à cette injustice et à cette violence de continuer”, a-t-elle affirmé. Pour l’instant, au milieu de ce conflit, de nombreuses féministes demandent simplement à être entendues. Women Wage Peace fait campagne pour que les violences sexuelles commises contre les victimes de l’attaque du Hamas du 7 octobre soient reconnues par les groupes internationaux de défense des droits des femmes. À Gaza, les femmes qui luttent pour rester en vie au milieu des décombres demandent à ne pas être oubliées. Dans un article pour l’Institut d’études palestiniennes, l’anthropologue Sarah Ihmoud a partagé un message destiné aux féministes du monde entier de la part d’une jeune femme à Gaza, Mona Ameen. « Dites aux femmes et aux féministes qu’un nombre impensable de mères ont perdu leurs enfants et qu’un nombre impensable d’enfants finiront leur vie sans leur mère », a-t-elle déclaré. “Dites au reste du monde que je suis là – une parmi tant d’autres… Ce conflit n’épargne personne, peu importe le genre, mais il est clair que les femmes souffrent de manière spécifique, et pourtant, elles sont sous-représentées dans les prises de décision autour de cette guerre. C’est pourquoi le féminisme doit être un élément essentiel du processus qui mènera à une paix éventuelle, a déclaré Lina AbiRafeh. “J’aimerais voir des principes féministes informer non seulement les appels au cessez-le-feu, mais aussi les demandes sur ce qui vient après : comment nous allons distribuer l’aide humanitaire et comment nous allons construire une paix durable et profonde qui respecte les droits, la dignité, et la liberté de chacun·e.” *Human Rights Watch et Amnesty International, deux sources que nous utilisons souvent dans la newsletter Impact, affirment que les lois, À propos de nousImpact est une newsletter hebdomadaire dédiée aux droits des femmes et des minorités de genre dans le monde entier. La newsletter est également disponible en anglais. Vous aimez la newsletter Impact ? Pensez à faire un don. Votre soutien nous permettra de financer cette newsletter et de lancer des nouveaux projets.
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