22 décembre 2020 Les Petites Glo c’est la newsletter où on apprend à changer le monde avec Chloé Thibaud. Changer le monde, oui. Même quand on n’a ni pouvoir ni argent. Si on vous a transféré cet email, vous pouvez vous inscrire – gratuitement – ici. C’était il y a trois ans à peine. Nami*, alors âgée de 18 ans, était au gala organisé par le Bureau des élèves dont elle faisait partie. Elle était en première année de droit et ne connaissait pas très bien celles et ceux qui l’entouraient. Une fois la fête terminée, elle se souvient avoir aidé à ranger la salle… puis plus rien. Elle avait bu et, pour la première fois de sa vie, elle a connu le blackout. “Ça fait super peur, m’a-t-elle confié. Je me suis réveillée nue, dans mon appart. Grâce à plusieurs personnes, j’ai réussi à reconstituer ma soirée : je suis allée chez une personne présente à ce gala, puis en boîte de nuit, et un garçon que je connaissais un peu m’a ramenée chez moi avec sa voiture, il n’avait pas bu.“ Elle décide de l’appeler Sam lorsqu’elle me raconte son histoire. À son réveil, elle découvre un emballage de préservatif au pied de son lit. “J’ai contacté Sam, sentant bien que quelque chose s’était passé. Il m’a dit m’avoir juste touché les seins et embrassée. Il a ajouté que j’étais tellement dans un état pitoyable qu’il n’avait bien sûr pas voulu que ça aille plus loin et m’avait donc couchée.“ Quelques jours après les faits, Nami est allée au planning familial. Là-bas, le mot “viol“ est employé. “J’en suis ressortie dépitée, déconfite, et beaucoup de larmes ont suivi.“ Soutenue par son entourage et par une cellule d’écoute récemment créée dans son établissement, la jeune femme a porté plainte contre son agresseur durant l’été 2019. “Je suis soulagée de l’avoir fait, mon but était surtout de me libérer de ce poids et qu’il y ait une trace de ce qu’il a fait, surtout que je ne suis pas sa seule victime. Je n’ai pas de nouvelles de l’avancée de la procédure mais ça m’a permis de me délester un peu de la charge que je ressentais.“ En France, une étudiante sur 10 a été victime d’agression sexuelle et une sur 20 a été victime de viol, selon le rapport « Paroles étudiantes sur les violences sexuelles et sexistes« **. À deux jours du réveillon, après une année ô combien difficile, j’ai conscience que ces chiffres ne vous aideront pas à vous mettre en mode guirlandes et paillettes. Mais je tiens à vous les donner car mon souhait le plus cher est de vous savoir tou·te·s entouré·e·s et entendu·e·s en cas de besoin. En effet, seuls 11% des personnes qui ont répondu à l’enquête que je viens de citer ont informé leur établissement des faits de violences qu’elles ont subis ou constatés. Vous imaginez ? Cela signifie que toutes les autres restent silencieuses. Parmi les raisons invoquées, celles qui ne parlent pas pensent d’une part que ça ne sert à rien, d’autre part qu’elles ne seront pas prises au sérieux. Si tel est votre cas, ou celui d’une amie, je ne veux pas que vous gardiez cette idée en tête. C’est pourquoi j’ai longuement discuté avec Marine Dupriez, une ancienne étudiante en école de commerce qui a fondé Safe Campus, un dispositif très complet qui aide les établissements à prévenir les violences sexuelles et sexistes, forme les encadrants à ces problématiques précises et sensibilise les étudiant·e·s en leur donnant des outils pour savoir comment réagir lorsqu’ils.elles sont victimes ou témoins de harcèlement ou d’agression. “J’ai créé Safe Campus car malgré le mouvement #MeToo et tout ce qui s’est passé de positif ces dernières années dans la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, j’avais l’impression que ça n’avait pas du tout atteint les milieux de l’enseignement supérieur, m’a-t-elle expliqué. Or, ce sont des milieux extrêmement à risques : d’abord parce qu’ils sont très marqués par le patriarcat, et ensuite parce que des mécanismes forts d’appartenance au groupe s’y développent, notamment dans le contexte associatif.“ Lorsqu’elle était encore à l’école, Marine se rappelle que les soirées étaient annoncées à travers des affiches abjectes : “Elles étaient placardées Les violences sexuelles et sexistes n’ont pas seulement lieu entre étudiants et étudiantes. “En fac, on reçoit des témoignages qui mettent en lumière des violences dans le cadre d’un rapport hiérarchique, me précise Marine, par exemple entre des doctorantes et leurs directeurs de thèse, c’est fréquent…“ Cette problématique, Camille la connaît bien. Avec ses camarades de promo Agathe et Simon, elle a créé la page Instagram Balance ton stage et le « Petit Manuel du sexisme en entreprise“. “On a lancé la page cet été et elle a pris une ampleur à laquelle on ne s’attendait pas du tout, reconnaît l’étudiante de 22 ans. En entreprise, le stagiaire est une cible facile, vulnérable. Souvent, il.elle ne va pas oser parler de ce qu’il.elle subit par peur de ne pas retrouver de stage s’il.elle quitte celui où ça se passe mal, de ne pas valider son diplôme, bref, de mettre sa future carrière en danger. On a reçu des centaines de témoignages et on s’est rendu compte qu’on répondait à un vrai besoin de parler.“ Parmi ces témoignages, il y a celui d’une étudiante en stage de finance : « Durant mon alternance, un collègue qui avait 20 ans de plus que moi me harcelait par message. Il me demandait quotidiennement d’aller lui faire une pipe dans les toilettes. Il me disait que ça le faisait kiffer de se faire sucer par des stagiaires. » Un exemple parmi tant d’autres. “Balance ton stage“ est devenu une association il y a tout juste un mois. Camille, Agathe et Simon envisagent de devenir micro-entrepreneurs pour réaliser des missions de conseils au sein des entreprises. “Actuellement, on fait tout ce travail bénévolement et ça représente près de 30 heures par semaine, détaille Camille. On est très très motivés parce qu’on voit que ça bouge ! Par exemple, notre école a mis en place un dispositif de lutte contre les violences sexuelles et sexistes, notamment avec une plateforme de signalement en ligne. Les grandes entreprises – qui reçoivent entre 300 et 500 stagiaires/alternants par an – nous contactent aussi pour qu’on intervienne, qu’on rédige des kits de bonnes En préparant cette newsletter, j’ai beaucoup repensé à mon expérience personnelle. Je n’ai jamais été victime de violences sexuelles, mais j’ai souvent laissé passer des remarques sexistes. Par exemple, quand je débutais en tant que journaliste-reporter à la télévision, je n’ai rien dit au maire de ce village qui s’adressait à mon collègue caméraman plus âgé alors que c’était moi qui lui posais les questions lors de notre interview. Je n’ai rien dit quand il lui a demandé : “Je regarde la caméra ou votre petite collègue ? Parce qu’elle est quand même bien plus agréable à regarder.“ Comme si je n’étais pas là. Cinq ans plus tard, je ne laisse plus ce genre de choses passer. Les Petites Glo, n’attendez pas. Qu’importe votre âge, en 2021, plus que jamais, osez parler. Ne vous sentez jamais coupables de le faire et souvenez-vous toujours que vous n’êtes pas seules. Nami me l’a bien dit : « La honte et la culpabilité doivent changer de côté. »
*Les prénoms ont été modifiés à la demande de ma témoin afin de préserver son anonymat. ** Rapport « Paroles étudiantes sur les violences sexuelles et sexistes » de l’Observatoire Étudiant des Violences Sexuelles et Sexistes dans l’Enseignement Supérieur, datant du 12 octobre 2020. Les box et pochettes de Noël Les Glorieuses sont disponibles <3 Rendez-vous dans notre boutique pour les découvrir !Les recommandations de ChloéSelon les 13-25 ans, la cause la plus marquante de 2020 est le mouvement mondial Black Lives Matter. C’est ce que révèle une étude de la plateforme sociale Yubo, réalisée auprès de plus de 17.000 jeunes mi-décembre. “La Gen Z est particulièrement impliquée et unie, a déclaré Sacha Lazimi, PDG et co-fondateur de Yubo. Elle est très active et en attente de grands changements sociétaux. Elle est également très centrée sur des valeurs cruciales comme la famille et les amis. C’est très enthousiasmant.” Je confirme : vous êtes au top. “J’ai commencé à choisir des rôles moins sexy parce que la façon dont on pouvait En Suisse, une boutique dédiée aux protections menstruelles vient d’ouvrir à Renens. Euh… Comment dire qu’on veut la même chose chez nous ? Dans une précédente newsletter (“Les jeunes vont mal, personne n’en parle“), j’évoquais l’impact de la crise du Covid-19 sur la santé mentale des moins de 25 ans et j’expliquais que, par manque de moyens ou parce qu’ils n’osent pas en Cette semaine, j’ai découvert Le Cul nu, une page Instagram d’éducation sexuelle pour tous les genres très réussie. Go la follow ! Enfin, n’oubliez pas avant jeudi soir de jeter un œil au “guide anti-sexisme pour contrer les boomers et autres beaufs à Noël“ de TerraFemina. |