« Dans le mariage, il faut un peu de liberté, un peu d’indépendance pour vivre ensemble, chaque jour de la vie, dans la même maison. » Virignia Woolf
‘Je m’engage pour la joie’ : une conversation avec l’autrice recommandée par Barack Obama, Lauren Groff.
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Cette semaine, je vous propose un entretien avec l’écrivaine américaine Lauren Groff. Née en 1978, elle est notamment l’autrice du roman, Les Furies (L’Olivier, 2017),qui a connu un extraordinaire accueil critique et public. Elle a également publié Les Monstres de Templeton (Plon, 2010), Arcadia (Plon, 2011) et plus récemment Matrix (L’Olivier, 2023). Cette conversation a eu lieu dans le hall d’un hôtel à Vincennes dans le cadre du Festival America vendredi dernier – j’en profite pour remercier toute l’équipe du festival, et en particulier Louis, pour leur gentillesse et leur aide précieuse. Cette conversation s’est déroulée en anglais (le transcript original est en bas de cette newsletter), elle a été très légèrement éditée puis je l’ai traduite.
Durant cette conversation, on a parlé de BEAUCOUP de livres – le dernier livre de Lauren Groff traduit en français, Matrix (Éditions de L’Olivier), mais également Les Furies. On a parlé de Guerre et Paix de Tolstoï, de Middlemarch de Georges Eliot, Mr. Bridge and Mrs. Bridge, de Evan S. Connell, Vers le phare de Virginia Woolf, ou encore de La Mer, la mer d’Iris Murdoch.. Mais aussi d’Anaïs Nin, de Christine de Pizan (La Cité des dames).
Si la conversation vous plaît, vous pouvez m’envoyer la phrase préférée de cette conversation pour tenter de gagner un des deux exemplaires de Matrix.
« Je voulais créer une boîte de Pétri pour voir ce qui se passe quand les femmes sont au pouvoir. »
Rebecca Amsellem Votre dernier livre traduit en français, Matrix, porte sur Marie de France, la première poétesse à écrire en français. Lors d’une conversation avec Margaret Atwood, vous avez mentionné que même si le roman se déroule au xiie siècle, il parle bien d’aujourd’hui. En quoi est-ce le cas ?
Lauren Groff J’ai réalisé que la fiction historique pouvait être un outil pour parler de l’urgence de notre époque. On m’a appris que la fiction historique était un peu suspecte – cela vient d’Henry James, qui détestait le genre. Je soupçonnais donc la fiction historique de faire du tourisme dans le temps. Elle ne faisait pas ce que la fiction doit faire, c’est-à-dire être un miroir des problèmes du présent. Puis j’ai réalisé que mes œuvres de fiction préférées étaient toutes des fictions historiques. Guerre et Paix est une fiction historique. Middlemarch est une fiction historique. La grande majorité des livres avec qui j’ai grandi en écrivant sont des fictions historiques. Tout est historique d’une manière ou d’une autre. Même la science-fiction parle de l’époque à laquelle elle est écrite. J’ai ensuite été très enthousiaste à propos de Marie de France car nous ne savons rien d’elle. Nous savons qu’elle s’appelle Marie, qu’elle vient de France et qu’elle a écrit en Angleterre. Mais tout le reste n’est qu’une projection sur laquelle les historien·ne·s peuvent faire des suppositions, sans vraiment savoir quoi que ce soit. J’ai vu cette figure extraordinaire sortir de l’univers des fables. Elle
était vaste comme Hildegard von Bingen était vaste et capable de contenir des multitudes. Elle était capable de prendre de gigantesques abstractions et de les transformer en quelque chose de bien réel pour les femmes, ce qui est incroyable surtout à l’époque médiévale, où les structures étaient si strictes sur la vie des femmes. Soit on faisait partie de la royauté, soit des roturiers, puis on se mariait et on mourait en couches ou on se prostituait. C’était les trois voies. À celles-ci s’ajoute une quatrième, s’ajoute la voie religieuse. J’étais très enthousiaste à l’idée de parler d’un monde alternatif où il n’y avait pas d’hommes. Mes traducteurs et traductrices du monde entier m’ont détestée pour cela, car il n’y avait pas d’hommes visibles. Il y a des ombres d’hommes dans ce livre. Même les animaux étaient des femelles ou quelque chose entre les deux, aucun animal mâle dans le livre, ce qui est vraiment difficile à traduire en français. C’est devenu ce microcosme du monde que je vivais sous la présidence de Trump, où je voulais créer une boîte de Pétri pour voir ce qui se passe lorsque les femmes sont au pouvoir si nous avons intériorisé les mêmes règles et structures qui nous enferment. Même si c’est une personne extraordinaire, Marie de France a aussi reproduit les préjudices qui lui ont été causés par le patriarcat.
Rebecca Amsellem Ce que vous avez dit m’a fait penser à deux choses. La première est cette citation d’Anaïs Nin : « Si je n’avais pas créé mon propre monde, je serais probablement morte dans celui des autres » et je crois que c’est ce que Marie de France a dû ressentir. L’autre pensée est celle d’une autre femme qui a vécu à la même époque, Christine de Pizan. Je pense qu’elle est devenue veuve à 23 ans – cela signifiait qu’elle avait la liberté de faire ce qu’elle voulait.
Lauren Groff Elle a écrit La Cité des femmes, c’est spectaculaire.
« Peut-être qu’être une connasse est une bonne chose. »
Rebecca Amsellem Dans le même roman, vous écrivez cette phrase merveilleuse qui, j’en suis sûre, fait écho à BEAUCOUP de femmes : « Les femmes agissent contre toutes les lois de l’obéissance quand elles se rendent inaccessibles. » C’est épuisant de se rendre disponible pour tout le monde à tout moment, et ce n’est pas perçu comme particulièrement « féminin » de ne pas l’être. Comment se rendre moins disponible, mais comment le faire en sachant que cela aura des conséquences et qu’on nous traitera de tous les noms. Sans être considérée comme une connasse [la traduction de bitch en français a été compliquée, c’est moins fort que « connasse » – NDRL], si je puis me permettre ?
Lauren Groff Je suppose qu’il ne faut pas se soucier d’être considérée comme une connasse. Lorsque vous êtes une femme et que vous vous présentez comme telle dans le monde, votre corps devient un bien commun. Si vous avez déjà été enceinte dans le monde, vous savez que des étrangers viennent vous toucher, parce que le bébé est considéré comme celui de tout le monde. Le fait est que nous ne saurons jamais qui nous sommes si nous sommes continuellement vues comme disponibles. Il existe de nombreuses méthodes pour y parvenir. Nous désactivons la disponibilité via la féminité. La féminité est en partie une performance. Certaines personnes refusent la féminité en tant que performance. D’autres sont des connasses. Peut-être qu’être une connasse est une bonne chose. On ne voit jamais un homme s’inquiéter d’être une connasse.
Rebecca Amsellem J’adore. Je ne sais pas comment je vais traduire cela. Un de vos précédents romans, Les Furies (Éditions de l’Olivier),
est un livre sur le mariage. Il fait partie de ma « liste » – c’est-à-dire qu’à chaque fois qu’on me demande une liste de livres qu’il faut lire dans sa vie si l’on veut éprouver de la joie en lisant, je le cite. Ce livre a été un véritable best-seller, et je suis sûre que vous avez reçu des millions de messages sur l’impact de sa lecture. Vous souvenez-vous d’un message qui vous a particulièrement touché ?
Lauren Groff Pour Matrix, quelqu’un m’a dit que sa mère avait réalisé qu’elle était lesbienne après avoir lu le livre. Mais pour Les Furies, je ne me souviens de rien en particulier, si ce n’est que le président Obama l’a aimé, l’a dit et ça a changé ma vie. C’était quelque chose d’assez extraordinaire.
Rebecca Amsellem C’est d’ailleurs comme cela que j’ai découvert le livre.
Lauren Groff Vous voyez ? Je lui en suis tellement reconnaissante. C’est tellement bizarre pour moi d’être si reconnaissante à un homme d’avoir attiré l’attention des gens sur mon travail.
« Je pense que l’on peut aimer quelqu’un pour son âme sans tout connaître de lui. »
Rebecca Amsellem J’aime la façon dont vous avez utilisé le mariage comme une institution pleine de mensonges et de vérités à la fois, l’ambivalence de tout partager avec une personne, tout en ne la connaissant peut-être pas du tout. Il y a cette citation que j’aime particulièrement : « Le mariage est un tissu de mensonges. Gentils, pour la plupart. D’omissions. Si tu devais exprimer ce que tu penses au quotidien de ton conjoint, tu réduirais tout en
miettes. Elle n’a jamais menti. Elle s’est contentée de ne pas en parler. » La dualité entre vérité et mensonge // réalité et fiction est une sorte d’obsession pour moi – en particulier avec ce qui se passe dans la sphère politique, je me demandais si vous aviez commencé avec l’idée d’écrire sur le mariage ou sur cette dualité qui est omniprésente dans notre société. Je suppose que ma question est la suivante, parce qu’elle est au cœur de l’histoire, voulez-vous d’abord parler de la réalité entre les mensonges et la vérité, ou entre la fiction et la réalité puis le mariage est venu, ou l’inverse ?
Lauren Groff Je me suis inspirée de deux livres écrits au milieu du xxe siècle, Mr. Bridge et Mrs. Bridge d’Evan S. Connell. Il s’agit d’une œuvre incroyable, car vous avez une vision stéréophonique de ce mariage. Mrs. Bridge est un bien meilleur livre que Mr. Bridge, il est fondé sur les propres parents d’Evan S. Connell, extraordinaires. Ce que je voulais faire au départ, c’était raconter deux histoires distinctes qui
seraient radicalement différentes si elles étaient lues de différentes manières.
Je suis obsédée par la communauté et l’utopie. Ce sont des choses auxquelles je reviens sans cesse. Un mariage est une utopie. C’est un petit projet utopique entre deux personnes, et vous vous réveillez chaque jour dans ce projet imparfait. Il est toujours imparfait, et vous vous y engagez comme on s’engage dans un projet utopique. Parfois, cela ne fonctionne pas, comme la plupart des utopies. Je me suis intéressée à la plus petite communauté possible que l’on puisse créer, le mariage. Je voulais savoir s’il pouvait y avoir une relation amoureuse qui ne dise pas tout, qui comporte beaucoup d’espace blanc, de secret et d’intimité. Je pense que l’on peut aimer quelqu’un pour son âme sans tout savoir sur lui. Et je voulais résister aux récits de mariage que j’ai lus auparavant, qui reposent entièrement sur l’adultère. Il y a des tentations dans le livre, mais personne n’est jamais vraiment infidèle. C’est avec tout cela que je voulais jouer. En fait, je ne faisais que m’amuser. Lorsque j’ai écrit ce livre, j’étais en train d’écrire mon précédent livre, Arcadia, et j’ai accroché au mur deux énormes feuilles de papier et j’ai écrit une scène du point de vue de la femme, puis j’ai traversé la pièce et j’ai écrit la même scène du point de vue de l’homme.
« Je m’engage pour la joie. »
Rebecca Amsellem Vous venez de mentionner que la joie fait partie de votre processus créatif. Dans une interview accordée au New York Times, vous avez déclaré : « J’écris pour – qui sait ? L’exploration et la joie, autour de questions, d’une thèse centrale ou d’une image. » Avec cette phrase, vous mentionnez sans hésiter la joie comme un élément nécessaire du processus d’écriture. J’adore cela, d’autant plus que nous vivons avec le fantasme des écrivains qui vivent des expériences de mort imminente lorsqu’ils commencent ou terminent un roman.
Lauren Groff Je m’engage pour la joie. Si un livre naît de la souffrance, le lecteur ressent la souffrance. Il y a beaucoup de fausses idées sur ce qu’est l’art. Beaucoup de lecteurs affirment qu’ils n’aiment pas écrire, mais qu’ils aiment avoir écrit. Cela me rend profondément triste, car cela signifie qu’ils n’apprécient pas le véritable acte artistique, qui consiste à lutter, à échouer, à réessayer, à trouver l’énergie, à découvrir la voie à suivre. C’est tout cela le véritable art, le produit n’est pas le véritable art. Il devient de plus en plus urgent de comprendre que c’est l’acte de création qui est l’art et non le projet fini parce que l’IA. Il y a tellement de gens qui mettent sur le marché des livres qui viennent d’être créés par des ordinateurs en disant qu’ils sont des écrivains, mais ce ne sont pas des écrivains. C’est l’acte d’échouer, d’échouer, d’échouer, et finalement d’arriver à quelque chose de vrai, qui fait du bien et qui résonne. C’est ce qui fait la beauté du métier d’écrivain. Souvent, lorsque je n’apprécie pas le processus, je sais que c’est le travail qui me dit que je n’y suis pas encore arrivée, et je dois me mettre dans une position où je suis ouverte. Parfois, cela demande beaucoup de travail personnel. Il ne s’agit pas seulement de travailler sur le livre lui-même. Parfois, cela signifie simplement que je dois m’amuser.
Rebecca Amsellem Vous venez d’évoquer l’échec comme joyeux. Dans la même interview, vous parlez des projets qui ont été abandonnés – une source de grande frustration pour beaucoup d’entre nous. Mais vous dites que le fait d’abandonner des projets – je me souviens que vous avez parlé d’avoir mis le feu à l’un de vos manuscrits – n’est pas ressenti comme un échec, parce que tout ce temps et tous ces efforts ne sont pas perdus.
Lauren Groff Tout est une question d’entraînement. Je ne mets aucune pression sur un manuscrit pour qu’il soit terminé, car il faut parfois des décennies pour que l’histoire trouve la façon dont elle doit être racontée. Je travaille sur quatre choses à la fois. Je vais là où il y a de l’énergie, là où il y a de la chaleur. D’autres personnes s’épanouissent vraiment dans des conditions misérables, alors laissez-les faire. Mais pour moi, je ne peux pas être une personne heureuse et une écrivaine si je ne trouve pas de joie dans mon travail.
Rebecca Amsellem Dans un article que vous avez écrit pour The Atlantic, vous avez mentionné un passage de Vers le phare de Virginia Woolf : « [M. Ramsay, trébuchant dans un passage un matin sombre, tendit les bras, mais Mme Ramsay étant morte assez soudainement la nuit précédente, ses bras, bien que tendus, restèrent vides] comme l’un de vos préférés. Le livre que vous décrivez est l’un de vos préférés car il « capture la nature fugace du bonheur et le transfère directement au lecteur. C’est une sorte de possession
littéraire, un fantôme ».
Lauren Groff Si nous le lisons rapidement, nous ne voyons pas tout à fait ce qui se passe. Dans ce passage précis, tout se passe entre parenthèses, à l’intérieur des parenthèses, qui sont en fait les bras de M. Ramsey tendus vers sa femme perdue. Cette reproduction de la forme et de la fonction est si profondément agréable pour le lecteur, esthétiquement, qui peut ne pas comprendre exactement pourquoi c’est si émouvant sur le moment. C’est de l’art au plus haut niveau. C’est de l’artisanat au plus haut niveau, qui ne peut naître que du plaisir, de cette compréhension esthétique de ce que fait l’auteur.
Rebecca Amsellem Vous avez mentionné dans une interview lire Middlemarch « une ou deux fois par an à cause de l’intelligence extraordinaire et calme de George Eliot » (je viens de commencer à le lire pour la première fois). Cela vous aide-t-il à mieux comprendre le fonctionnement de notre société actuelle ? Est-ce pour cela qu’il vous apaise ? Pourquoi une ou deux fois par an, c’est énorme (même en lisant 300 livres par an) ?
Lauren Groff J’ai perdu très tôt la compréhension religieuse de Dieu. J’étais une enfant fervente, puis j’ai commencé à m’opposer au concept de Dieu en tant qu’homme anthropomorphique dans le ciel. Il me manquait une conscience plus vaste qui m’engloutisse. George Elliot est si spectaculaire parce qu’elle éclaire les choses de sa grande sagesse. On a l’impression qu’il y a quelque chose de plus grand que soi. J’y reviens parce que j’ai envie de cette conscience plus vaste, de cet amour qu’elle porte à la fois au lecteur et au personnage, c’est vraiment rare à trouver dans les livres de nos jours. J’aspire à cette grande générosité. Cela arrive peut-être cinq fois par an, on trouve cette profondeur de compassion, mais ce n’est pas fréquent. C’est pourquoi je reviens à Middlemarch, parce que je sais que je vais être tenue en haleine.
Rebecca Amsellem Ce que vous décrivez m’a fait penser à un autre livre que j’ai lu cet été, La Mer, la mer d’Iris Murdoch.
Lauren Groff J’aime tellement Iris Murdoch. C’est son meilleur livre, je crois.
Rebecca Amsellem En tant qu’écrivaine, vous essayez de construire un monde entièrement nouveau, en l’imaginant. Un monde dans lequel les hommes et les femmes sont vraiment égaux. A quoi ressemble ce nouveau monde ? Y a-t-il des religions ? Quelles sont les valeurs fondamentales de cette nouvelle société ? Comment définir les institutions ?
Lauren Groff C’est une question géniale, il faudrait que j’y réfléchisse pendant des jours avant de trouver quelque chose. Oh, attendez, je sais. Une toute petite chose serait qu’une infirmière ou infirmier se présente à la maison où il y a un nouveau-né tous les jours pendant la première année. Chaque jour, il ou elle frappe à la porte, entre, aide les parents, prépare un bon déjeuner et s’occupe du bébé. Il s’agit donc d’un service de garde d’enfants financé par l’État pour tout le monde. C’est ce qui me ferait dire que nous sommes vraiment dans l’utopie.
Liste de choses que je recommande
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‘I wanted to create a petri dish of seeing what happens when women are in power’ Rebecca Amsellem Your most recent book translated in French is Matrix. A book about Marie de France, the first poetess to write in French. IN a conversation with Margaret Atwood you mentioned that even if the novel sees place the XIIth century – it still talks about today. How is that ? Lauren Groff I realized that historical fiction can be a tool to talk about the urgency of the day. I was taught that historical fiction is a little bit suspect – this comes directly from Henry James, who hated it. I had the suspicion in historical fiction that it was tourism in time. It wasn’t doing what it is necessary for fiction to do, which is to be a mirror for the problems of the now. But then I realized my favorite works of fiction are historical fiction. War and Peace is historical fiction. Middlemarch is historical fiction. The vast majority of the books that I grew up in writing are historical fiction. It’s all historical in some way. Even future fiction is talking about the time in which it’s being written. I then got very excited about Marie de France because we don’t know anything about her. We know her name is Marie, and she comes from France and she wrote
in England. But everything else is a projection that historians can make suppositions about, but not really know anything. I saw this extraordinary figure march out of the lay in the fables. She was vast the way that Hildegard von Bingen was vast and able to contain multitudes. She was able to take huge abstractions and turn them into material good for women, which is genius especially in medieval time, where structures were so tight on the lives of women. It was really hard to break out of the mold of either being royalty, which is luck, or commoner, and you get married and die in childbirth, or you become a prostitute. Those are the three avenues, and then there’s the religious avenue. I was so excited to talk about an alternate world that had no men whatsoever in it. My translators all over the world hated me for this because there were no actual visible men. There’s an undulating
shadow of men in this book. Even the animals were female or somewhere in between, no male animals in the book, which is really hard to translate in French. It became this microcosm of the world that I was experiencing under the Trump presidency, where I wanted to create a petri dish of seeing what happens when women are in power if we have internalized the same strictures and structures that are enclosed us. Even though she’s an amazing person, she also replicated the harms that were done to her through patriarchy. Rebecca Amsellem What you said made me think about two things. The first is this quote from Anais Nin « If I hadn’t created my own world, I probably would have died in someone else’s » and I believe this is what Marie de France must have felt and the other think is another women who lived around the same time, Christine de Pizan. I think she became a widow at 23 – It meant that she had the freedom to do whatever she wanted. Lauren Groff I know. And she wrote The City of Women, it’s spectacular.
‘Maybe being a bitch is a good thing’ Rebecca Amsellem In the same novel, you have this wonderful sentence that I am sure rings a bell to A LOT of women “Women act counter to all the laws of submission when they remove themselves from availability.” It is exhausting to make yourself available to everyone at all time, it is not seen being as particularly « womanly ». How do you make yourself less available, but how do we do that knowing that doing so we will face consequences and being treated with names. Without being seen as a bitch, if I may? Lauren Groff I guess you have to not care about being seen as a bitch. Here’s the deal. When you’re a woman and you present as female in the world, your body becomes a common possession. If you’ve ever been pregnant in the world, strangers will come up and touch you, because it is somehow seen as everyone’s baby. The thing is, we will never be if we are seen as available. There are lots of methods to go about doing this. We’re turning off the availability. Part of it is femininity is a performance. Some people turn off femininity as the performance. Other people are bitches. Maybe being a bitch is a good thing. You never see a man worried about being a bitch. Rebecca Amsellem I love it. I don’t know how I’m going to translate this. A previous novel of yours, Fates and Furies, is a book about marriage. Full discloser, it belongs to my « list » – whenever people asks me for a list of books one should read in their lifetime if they want to experience joy when reading. It was an absolute bestseller, I am sure you received zillions of messages about the impact of reading it. Do you remember one that stroke you / moved you ? Lauren Groff For Matrix, someone told me that their mom realized she was a lesbian after reading the book, that was amazing to me. But for Fates and Furies, I don’t recall anything in particular, except when then President Obama liked it, that changed my life. That was something that was pretty extraordinary. Rebecca Amsellem This is how I discovered the book. Lauren Groff See? I’m so grateful. It’s so weird for me to be so grateful to a man for bringing me to people’s attention.
‘I think that you can love someone for their soul without knowing everything about them’. Rebecca Amsellem I especially love how you used marriage as an institution full of lies and truth at the same time, the ambivalence of sharing everything with a person, yet perhaps not knowing this person at all. There is this quote, « Marriage is made of lies. Kind ones, mostly. Omissions. If you give voice to the things you think every day about your spouse, you’d crush them to paste. She never lied. Just never said.”As the duality between truth and lies // reality and fiction is kind of a obsession of mine – especially with what is happening in the political sphere, I was wondering if you started with the idea of writing about marriage or about this duality that lives everywhere in our society. I guess my question is, because it’s such at the core of the story. I was wondering if you first wanted to talk about the reality between lies and truth or
fiction versus reality. Was that the main topic? Then the marriage was the institution – ou could have taken another institution like democracy for example. Or was that the other way around? Lauren Groff My original inspiration was two books written in the mid 20th century called Mr. Bridge and Mrs. Bridge by Evan S. Connell. It’s an incredible work because you have a stereophonic vision of this marriage. Mrs. Bridge is a far better book than Mr. Bridge, it’s based on Evan S. Connell’s own parents, they’re extraordinary. But what I wanted to do in the beginning was tell two separate stories that would be radically different if read in different ways. I am obsessed with community and utopia. These are the things that I come back to over and over and over. A marriage is a utopia. It’s a small utopian project between two people, and you wake up every day in this flawed project. It’s always flawed, and you commit to it the way that one would commit to a utopian project. Sometimes it doesn’t work out, as most utopias do not work out. I was interested in the
smallest possible community that you could come up with and that is the smallest possible community. I wanted to talk about if there could be a loving relationship that doesn’t say everything, that actually has a lot of white space and a lot of secrecy and privacy. I think that you can love someone for their soul without knowing everything about them. I wanted to resist a lot of the marriage narratives that I’ve read before, which hinge entirely on adultery. There are temptations in the book, but nobody’s ever really unfaithful. These were all the things I wanted to play with. Really, I was just having fun. When I wrote the book, I was in the middle of writing my previous one, Arcadia, and I put up these two huge pieces of butcher paper on the wall, and I’d write a scene from the wife’s point of view and run across the room and write the same scene from the point of view.
‘I do commit to joy’ Rebecca Amsellem You just mentioned joy as being part of your creative process. In an interview with The NY Times, you said, “I’m writing toward — who knows? Letting it be exploration and joy, centered around either questions or a central thesis or an image.”With this sentence, you unapologetically mention joy as a necessary part of the writing process – I love it. Especially because we live with the false fantasy of writers living near death experiences when starting / finishing a novel. Lauren Groff I do commit to joy. If a book’s coming out of suffering, the reader feels suffering. There are a lot of incredible misperceptions about what art is. There’s this claim that a lot of readers make that they don’t enjoy writing, but they do enjoy having written. That makes me profoundly sad because it means that they don’t enjoy the real act of art, which is the wrestling, which is the failure, which is the retrying, which is finding the energy, discovering the way in. All of that is the real art, the product is not the real art. It’s becoming more and more urgent to understand that it’s the act of creation that is the art and not the finished project because AI. There’s so many people putting these books that have just been made by computers into the world saying that they’re writers, but they’re not writers. It’s the act of failure, failure, failure, and
finally coming into something that’s true and feels good and resonant. That is the beauty of being a writer. Often when I’m not enjoying the process, I know that it’s the work telling me that I’m not there yet, and I have to put myself into position where I’m open and ready to receive the work. Sometimes that takes a lot of personal work. Not just working on the book itself. Sometimes it just means that I have to have fun. Rebecca Amsellem You just mentioned the act of failure as being joyful. In the same interview you talk about projects that were left behind – a source of great frustration for many of us. But you say that giving up on projects — I remember you talked about setting fire to one of your manuscripts – doesn’t feel like failure, because none of that time or effort is wasted. Lauren Groff It’s all practice. I don’t put any pressure on a manuscript to be finished ever because sometimes it takes decades until the story finds the way it needs to be told. I work on four things at once. I go where the energy is, where the heat is. Other people really thrive under miserable conditions, so let them do that. But for me, I can’t be a happy person and a writer if I’m not finding joy in the work. Rebecca Amsellem In an article you wrote for The Atlantic, you mentioned a passage, of Virginia Woolf’s To the Lighthouse « [Mr. Ramsay, stumbling along a passage one dark morning, stretched his arms out, but Mrs. Ramsay having died rather suddenly the night before, his arms, though stretched out, remained empty.] » as being one of your favorite. This book you describe captures the « the fleeting nature of happiness and transfer it directly to the reader. It’s a sort of literary possession, a ghosting. » Lauren Groff If we read quickly, we don’t quite see what’s happening. In that precise passage, everything is done in brackets, within the brackets, which actually are Mr. Ramsey’s arms stretched out for his lost wife. That replication of form and function is so profoundly pleasing, esthetically, to the reader who may not pick up exactly why it’s so moving at the moment. That’s art at the highest level. That’s craft at the highest level, that can only come out of pleasure, of this esthetic understanding of what the writer is doing. Rebecca Amsellem You mentioned in an interview reading Middlemarch « once or twice a year because of George Eliot’s extraordinary calm intelligence » (I have just started to read it for the first time a week ago). Does it help you understand how our current society works a bit better ? Is it why it calms you ? Why one or twice a year, its enormous (even when reading 300 books a year) ? Lauren Groff It’s because I lost a religious understanding of God early. I mean, I was a fervent child, and then I started to bulk against the concept of God as an anthropomorphic man in the sky. I missed having a larger consciousness swallowing me. George Elliot is so spectacular because she illuminates things with her great wisdom. It does feel as though there’s something bigger than you. I go back to it because I’m craving this larger consciousness, this love that she bears for both reader and character, it’s really rare to find in books these days? I’m yearning for that capacious generosity. It happens maybe five books a year, you find that depth of compassion, but it’s not frequent. That’s why I go back to Middlemarch, because I know that I’m going to be held. Rebecca Amsellem What you describe made me think of another book I read this summer, The Sea, The Sea by Iris Murdoch. Lauren Groff I love Iris Murdoch so much. That’s her best book, I think. Rebecca Amsellem You are, as a writer, trying to build a whole new world, by imagining it. A world in which men and women are truly equals. What does this new world look like ? Are there any religions ? What are the core values of this new society ? How can the institutions be defined ? Lauren Groff This is an amazing question. I would have to think about this for days before I came up with the first thing. Oh, wait, I know. One tiny thing would be a nurse showing up to the house where there’s a newborn every single day for the first year. Every day, she knocks on the door and comes in and helps the parents and cooks a beautiful lunch and takes care of the baby. And so it’s state-funded childcare for everyone. This would be the thing that would tell me that we’re actually in the utopia.
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