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Pourquoi les hommes sont-ils l’immense majorité des auteurs de violences ? Entretien avec Lucile Peytavin, autrice de l’essai Le coût de la virilité.
par Rebecca Amsellem (pour me suivre sur Twitter c’est ici et sur Instagram, c’est là)
Aujourd’hui j’échange avec Lucile Peytavin. Lucile est historienne, spécialiste du travail des femmes dans l’artisanat et le commerce. Elle fait partie du Laboratoire de l’égalité depuis 2016 qui travaille sur les questions économiques et sociales liées à l’égalité entre les femmes et les hommes. Elle publie cette année ton premier essai, Le Coût de la virilité.
Cet entretien, comme chaque entretien du Club des Glorieuses, s’interroge sur la société féministe utopique que nous tentons de construire.
C’est un peu long, mais ça vaut le coup.
Rebecca Amsellem — Commençons par nous projeter. La révolution féministe est faite. Les colleuses sont ministre de l’espace public, les agresseurs sont dénoncés – et amnistiés – pour reprendre l’idée de Caroline De Haas. L’entre-deux révolutionnaire est terminé, nous vivons dans une société féministe, antiraciste, inclusive, postcapitaliste. Le rêve quoi. Pour toi, à quoi ressemble cette société ? Quel élément – macro ou micro – te permet de te rassurer que tu n’es pas dans un rêve mais dans la réalité ? Lucile Peytavin — C’est la société pour laquelle je me bats depuis très longtemps. J’ai l’impression qu’on m’a toujours mise à ma place de fille dans la société, depuis toute petite. Que ce soit en famille, soit à l’école, etc. Dans la société que tu décris, les hommes auraient pris conscience des mécanismes qui créent les inégalités et qu’ils auraient fait le travail de déconstruction de la masculinité et de la virilité. Aujourd’hui, en 2021, on voit les résistances qu’il y a autour de cette question. J’ai dû mettre dans mon livre que non, je ne visais pas les hommes mais l’éducation virile qu’on leur transmettait, et cela dès le deuxième paragraphe pour que, finalement, ils ne se
sentent pas exclus, qu’ils puissent lire le livre. Je serais heureuse, vraiment, de vivre dans une société où les hommes auraient fait ce travail.
Rebecca Amsellem — Effectivement, dès le deuxième paragraphe du prologue, tu fais « Not All Men » Et c’est pas commun, dans les essais féministes, d’avoir un paragraphe où tu dédouanes les hommes en disant que ce n’est pas de leur faute. Tu dis que le problème de masculinité toxique n’est pas inhérent à la nature même des hommes. Et un autre élément par rapport à ce que tu viens de dire me fait penser à cette citation de Virginia Woolf qui disait, dans un de ces journaux, que
ce serait tout aussi intéressant d’étudier l’histoire du féminisme que l’histoire de la résistance contre les avancées féministes. Ce sont des études qu’on ne voit pas forcément aujourd’hui, alors que ce sont des mécanismes systémiques qui font qu’on invisibilise la voix des féministes, on ralentit leurs avancées et on essaye surtout de gommer les quelques petits pas qu’on arrive à faire de temps en temps. Ce n’est pas dans nos têtes parce que ça fait référence à cette fameuse explication qui dit que si jamais les femmes ne gagnent pas autant que les hommes, c’est que c’est parce qu’elles demandent pas. C’est parce qu’elles demandent pas d’augmentation. Elles demandent pas de promotion. Sous-entendu, si jamais elles
ne gagnent pas autant, finalement, c’est de leur faute à elles. Et je pense que d’un point de vue macro, cette réflexion existe aussi si jamais les femmes ne sont pas les égales des hommes d’un point de vue économique ou d’un point de vue social ou juridique, finalement, ce serait de leur faute. C’est parce que juste, elles ne l’auraient pas demandé.
La première utopie, rappelons-le a été écrite par une femme, Christine de Pisan, La Cité des dames (et non Thomas More). Aujourd’hui, la notion pose deux éléments : le patriarcat n’est pas un état naturel et une critique systémiques des structures patriarcales est possible. Par ailleurs, l’utopie féministe implique que la vision même d’une société meilleure peut être faite à travers les yeux d’une femme. Et la modification de ce point de vue est en soi révolutionnaire. La notion « d’impulsion utopique » était d’ailleurs très en vogue
au sein du féminisme dans les années 70 pour créer une espérance joyeuse, une « conscience anticipante » des changements sociaux. « L’état le plus utopique, particulièrement pour les femmes, insiste Wittig, ce n’est pas un état de repos, mais la possibilité de l’action. » Ce n’est pas un état de repos, mais la possibilité de l’action. C’est pour ça que je remets tous les mois la notion d’utopie dans la balance pour se redonner un peu d’énergie et un peu de joie dans ce qu’on fait. Quel changement imagines-tu aujourd’hui pour arriver à cette utopie ?
Lucile Peytavin — Quand tu
parles de société meilleure faite à travers les yeux d’une femme ou des femmes, cela va sans dire que la façon dont on éduque les femmes aujourd’hui correspond davantage aux valeurs que je veux transmettre. Plus pacifique, plus altruiste, qui ont des comportements beaucoup plus en adéquation avec la société de droit dans laquelle on vit. Elles respectent davantage les règles et ça, on le voit dans les statistiques, comparé aux hommes. Dans la Déclaration des droits de l’homme, on lit que la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Cet article a été écrit par des hommes, pour des hommes surtout, je pense, et pourtant, on voit qu’ils ne respectent pas les règles qu’ils ont écrites ou, en tout cas, beaucoup moins que les femmes. Pour
arriver à cette utopie, il y a une chose que l’on doit faire aujourd’hui c’est de valoriser tout ce qui est dit féminin. On est dans une société où tout ce qui est dit féminin est méprisable et dévalorisé. Cela a été théorisé surtout dans la Grèce antique et d’ailleurs on éduque les petits garçons, surtout par l’évitement de tout ce qui est féminin. Un homme ne doit surtout pas être une femme. Et avec les conséquences que l’on connaît donc sur les violences faites aux femmes, sur l’homophobie, etc. Pour arriver à une utopie, un monde beaucoup plus égalitaire, sans la domination des hommes, il faut valoriser tout ce qui est dit et féminin. Et on voit aujourd’hui encore que c’est la force, l’agressivité,
l’esprit de compétition qui sont des valeurs fortement liées aux hommes qui sont valorisés dans la société. Par exemple, l’empathie, qui a quand même des conséquences beaucoup plus positives sur la société, est considérée comme féminine et donc n’est pas valorisée. On me pose parfois la question « si on est dans cette société-là, est ce que vous n’avez pas peur qu’on soit dans une société molle, une société finalement fragilisée, sur le déclin, même dégénérée ? » Ce sont des pensées qui sont révélatrices du mépris qu’on a pour les femmes et tout ce qui est dit féminin. Et je pense que du coup, il est important aussi, dans un même mouvement que les filles, que les
femmes cessent de devoir se comporter comme les hommes pour faire leur place dans ce monde qui a été créé par les hommes. L’objectif est un monde où l’empathie, l’altruisme, le pacifisme doivent être des valeurs qui construisent davantage notre société, puisqu’on voit que les retombées positives sont tout à fait colossales. Valoriser le féminin revient à humaniser la société.
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Rebecca Amsellem — J’ai récemment lu sur un réseau social, je ne sais plus lequel, qu’on avait posé à Jeanne Moreau la question suivante en interview : « Quel est le point commun entre tous les hommes que vous avez aimés ? » « Moi ! » avait-elle répondu. Cela m’a fait penser à un passage de ton livre où tu balaies d’un revers de main la supposition qu’il ne s’agirait pas de « tous » les hommes mais ceux issus de milieux sociaux défavorisés. Ta question est la suivante – Quel est le point commun entre ces délits : « forcer son conjoint à avoir un rapport sexuel, agresser sexuellement une camarade lors d’un week-end
d’intégration en école d’ingénieur sous l’emprise de l’alcool, vendre de la drogue en bas d’un immeuble, commettre des escroqueries financières, prendre le volant au retour d’une soirée alors qu’on est alcoolisé, commettre un viol en réunion… » : « les auteurs de ces délits sont, dans l’immense majorité, des hommes ». Comment expliques-tu qu’aujourd’hui les hommes représentent plus de 90 % des personnes condamnées par la justice et plus de 96 % des personnes en prison ?
Lucile Peytavin — D’après les statistiques officielles, les hommes représentent l’immense majorité des auteurs de violences, de délinquance, de
criminalité et de comportements à risque et ce quel que soit leur âge, leur niveau d’éducation, leur origine sociale, etc. On invoque souvent l’origine sociale ou la situation économique. Les femmes subissent la pauvreté, le déclassement tout autant que les hommes. 85 % des familles monoparentales ont à leur tête une femme. Je ne vais pas revenir sur l’écart salarial, sur les contrats précaires, sur les métiers moins valorisés, etc. Pourtant, elles ne commettent rien ou peu, comparé aux hommes. Comment on explique cela ? Les hommes ne sont pas violents par nature. Il y a des hommes qui sont pacifiques et qui le resteront toute leur vie. La science a largement démontré que, chez eux il n’y a rien de biologique, de physiologique qui les pousserait à se comporter ainsi. On
avance souvent l’argument de la testostérone. Les dernières études montrent que des niveaux de testostérone élevés chez un même individu sont aussi bien associés à des comportements altruistes qu’à des comportements agressifs. D’autres études montrent que c’est bien plus en en adoptant des comportements agressifs que ce taux de testostérone augmente. Il n’y a également rien dans le cerveau des hommes qui les pousserait à ces comportements asociaux. Et puis, il y a également la paléo-histoire qui a montré que ces rapports de domination entre les hommes et les femmes n’ont pas toujours été ainsi. Ce temps était beaucoup égalitaire. La bascule a eu lieu au néolithique, donc vers – 12 000 avec l’avènement de
l’agriculture et la sédentarisation des populations. Là, les inégalités à la fois sociales et entre les hommes et les femmes se sont creusées. La virilité a pris corps dans les armes en métal utilisées à ce moment-là par les hommes. On voit sur les squelettes de femmes qu’elles subissent alors des violences beaucoup plus systématiques, des privations, etc. Les traces archéologiques nous renseignent aujourd’hui et nous permettent de déconstruire un peu les images figées qu’on avait sur ces périodes. En somme, la domination masculine est le fruit d’une construction sociale. Si c’est une construction, on peut la déconstruire.
En revanche, les sciences de l’éducation ont montré qu’il y a une
véritable acculturation, une véritable assimilation à la violence par les garçons au travers des valeurs viriles qu’on leur transmet dans leur éducation. On voit que les parents ne se comportent pas de la même façon avec leurs enfants quand ils ont un bébé garçon et un bébé fille. Il y a aussi toute la culture, les livres, les films dans lesquels l’immense majorité des héros sont des garçons, des hommes qui s’adonnent à une violence qui est souvent légitime pour sauver le monde. Donc, les garçons se construisent avec ces modèles et on voit qu’ils développent une appétence, une identification à ces personnages très rapidement. Enfin, il y a l’adolescence, un véritable moment de cristallisation dans la construction de cette identité
masculine. L’identité masculine se construit dans les yeux des pères, c’est-à-dire les hommes dans les yeux des autres hommes. À l’adolescence, les garçons vont montrer qu’ils sont de vrais hommes, notamment par tout un vocabulaire qui va rejeter les filles, les efféminés, les intellos, etc. Il faut également se donner des coups pour montrer qu’ils résistent à la douleur, qu’ils sont forts. Il faut être bien clair avec l’idée qu’il y a un lien direct entre les valeurs viriles et la violence.
Question d’une membre du Club des Glorieuses — La masculinité peut-elle ne pas être toxique ?
Rebecca Amsellem — De la même manière que nous, les féministes, on se bat pour qu’il y ait un nombre de féminités équivalent au nombre de femmes, cela devrait être la même chose pour les hommes et la notion de masculinité. La notion de masculinité est à définir. Chaque homme peut définir sa masculinité et je pense qu’il en existe autant qu’il existe d’hommes sur terre. Il existe une forme de masculinité toxique qui se traduit par la violence. Mais les hommes aussi ont à se réinventer. Qu’est-ce que ça veut dire qu’être un homme ? Et que signifie la masculinité ? Je reçois des messages d’hommes qui me demandent comment participer au mouvement féministe. Je réponds qu’on n’a pas besoin
d’eux mais ce qu’ils peuvent faire de leur côté, c’est repenser la notion de masculinité.
Lucile Peytavin — Margaret Mead a étudié des sociétés de Malaisie dans lesquelles, pour certaines, ce sont les hommes qui avaient des tempéraments beaucoup plus doux, pacifiques que les femmes et, à l’inverse, des sociétés dans lesquelles hommes et femmes avaient à peu près le même tempérament, etc. On sait depuis des décennies qu’il existe des masculinités. La question est comment on la construit, avec quels modèles et avec quelles valeurs ?
Rebecca Amsellem — La question de l’asociabilité des hommes est si bien ancrée qu’elle est consacrée par cette expression « Boys will be boys ». « Les garçons seront toujours des garçons » est utilisée pour justifier la culture du viol et le sexisme. Comment définir aujourd’hui cette masculinité toxique ? Est-ce justifié uniquement par un « conditionnement culturel » ?
Lucile Peytavin — Au-delà de l’éducation, les hommes se mettent davantage en danger que les femmes. Ils ont des rapports beaucoup plus pathologiques avec le tabac, la
drogue, l’alcool. Si bien que les hommes ont trois fois plus de risques que les femmes de mourir avant 65 ans, c’est-à-dire de façon prématurée d’un comportement à risque. Les hommes se suicident trois à quatre fois plus que les femmes. On peut s’interroger sur le fait des conséquences de ne pas effectivement exprimer ses sentiments. Des études montrent que plus les hommes ont une image rigide de leur masculinité, moins ils font appel à des soins de santé préventifs, etc. Et puis il y a tous les hommes qui commettent des faits de délinquance et de criminalité. Pour eux aussi, ce sont des vies brisées.
Rebecca Amsellem — La question à 1 million
– Combien coûte à la société la masculinité toxique ? Quel est, pour reprendre tes termes, le coût de la virilité ?
Lucile Peytavin — Ça va être une réponse à plusieurs milliards d’euros. J’estime à près de 100 milliards d’euros – 95,2 – par an le coût de la virilité. Ce que j’ai appelé le coût de la virilité, ce sont les sommes qui sont dépensées par l’État et par la société pour faire face aux comportements asociaux des hommes. Je peux citer quelques chiffres en plus. Les hommes représentent 83 % des mis en cause par la justice. 90 % des personnes condamnées par la justice. La population carcérale est
à 96 % masculine. Lorsqu’on regarde par types d’infractions, on s’aperçoit que les hommes sont surreprésentés dans tous les types d’infractions, et notamment les plus graves. Ils représentent 86 % des auteurs d’homicides, 99 % des auteurs de viols, 84 % des auteurs d’accidents mortels de la route, 85 des auteurs de vols avec violence, etc. Il s’agit à la fois d’un coût direct pour l’État en termes de frais de justice, de forces de l’ordre, de services de santé et un coût indirect qui est, lui, supporté par la société et qui correspond aux souffrances physiques et psychologiques des victimes. Pour arriver à ce chiffre, je me suis basée, d’une part, sur les taux de responsabilité des hommes et des femmes avec les chiffres
officiels ; d’autre part, j’ai pris les budgets qui sont consacrés à la justice, 9 milliards d’euros par an, aux forces de l’ordre 13 milliards d’euros par an. Le coût de la virilité c’est un surcoût qui correspond à ce que la France économiserait si les hommes se comportaient comme les femmes. Et donc, j’arrive à près de 95,2 milliards d’euros par an. C’est une somme qui est colossale, mais c’est une somme qui est sous-estimée pour plusieurs raisons. Tout d’abord, parce qu’il y a un grand nombre d’infractions pour lesquelles je n’ai pas eu accès aux données ventilées par sexe. Et puis, par ailleurs, il y a un grand nombre d’infractions qui ne font pas l’objet d’une poursuite pénale. Je pense par
exemple à l’immense majorité des violences faites aux femmes, des dégradations dans la rue, des agressions verbales, etc. Donc voilà, c’est colossal, alors que c’est une estimation qui est basse.
Rebecca Amsellem — Ton approche est complètement novatrice. Ce que disent les militantes féministes en substance, c’est qu’il faudrait donc 1 milliard d’euros pour faire économiser à la France 95 milliards d’euros tous les ans et arriver à une société sans violence. Pourquoi, ne serait-ce que d’un point de vue économique, cela ne se fait-il pas ?
Lucile Peytavin — Les violences
faites aux femmes sont une partie de la masculinité toxique. La masculinité toxique, c’est aussi des vols, des homicides, des agressions verbales et des violences aussi moins directes qui ne font pas toujours appel à la violence physique, comme la délinquance routière. Il y a aussi les violences psychologiques. En 2019, la justice pénale a traité plus de 4 millions d’affaires, la justice civile a rendu plus de 2 millions de décisions, la justice des mineurs a ouvert près de 200 000 dossiers. On s’aperçoit que les ministères de la Justice et de l’Intérieur fonctionnent presque exclusivement pour les hommes. C’est quand même assez dingue. Il faut vraiment agir à la racine, c’est-à-dire sur les schémas de pensée, sur l’éducation qu’on
donne aux garçons.
Rebecca Amsellem — Dans cette utopie, il n’y aura pas de prison. Tout l’argent sera consacré à la prévention et à l’accompagnement des personnes qui commettent crimes et délits. Caroline De Haas, invitée du dernier Club, disait notamment que « La première chose serait de penser à comment les gens ne commettent pas de violences. En matière de violences sexistes et sexuelles, on parle quasi exclusivement de comment on traite l’après et on ne réfléchit pas à comment on faisait avant. Par ailleurs, on peut arrêter d’être violent. On peut changer ces comportements ».
Tu soulignes au début de ton prologue une statistique
hallucinante : 96,3 % de la population carcérale sont des hommes. C’est le point de départ d’une réflexion plus large – le coût de la violence masculine. Les alternatives à la prison c’est quoi ? Pour Caroline De Haas, « Il y en a plein. Traiter la pathologie dans un premier temps, les bracelets électroniques. Surtout, on peut s’organiser pour accompagner les personnes pour qu’elles changent de comportement. Personne n’est violent à vie et donc on pourrait mettre des moyens pour les aider à changer ».
Lucile Peytavin — Je pense que la solution, on l’a sous les yeux. Je vais revenir à la racine et à l’éducation. La moitié de la population a des comportements beaucoup
plus altruistes. Elles ne représentent que 17 % des personnes mises en cause par la justice. Elles s’adonnent très peu à la délinquance et à la criminalité. Et cela, tout au long de leur vie, puisqu’on voit par exemple qu’au collège, les garçons représentent déjà 80 % des élèves qui ont reçu une punition scolaire et 90 % des élèves qui ont été sanctionnés pour violences sur autrui. C’est une éducation qui permet une meilleure compréhension de ces émotions, une meilleure maîtrise de soi-même. On a souvent tendance à dire que les femmes sont hystériques. Quand on voit les chiffres de la violence : non, les femmes ne sont pas hystériques et se comportent beaucoup mieux que les hommes. Cette éducation permet une
meilleure constitution d’un capital humain qui va favoriser la cohésion sociale.
Rebecca Amsellem — Tu fais un parallèle en conclusion avec l’écologie. La virilité a également des conséquences néfastes sur l’écologie. À ce titre, les éléments de langage semblent se tourner vers une responsabilité collective du développement durable et donc, par conséquent, de la responsabilité individuelle de chacun. Or, il me semble que les grandes dépenses énergiques sont principalement causées par les grandes corporations qui appartiennent… principalement à des hommes. Le réchauffement climatique est-il une autre conséquence négative de la
masculinité/virilité toxique ?
Lucile Peytavin — Il y a des études qui montrent très clairement qu’il y a un lien entre les valeurs viriles et le non-respect de l’environnement. Par exemple, conduire une petite voiture électrique n’est pas considéré comme viril. Utiliser un sac recyclable pour faire ses courses n’est pas considéré comme viril. Manger moins de viande n’est pas considéré comme viril, alors qu’aujourd’hui on sait que c’est une des industries les plus polluantes au monde. Par ailleurs, on apprend davantage aux filles à être généreuses et aux garçons à vouloir acquérir un bien socialement valorisé. Une éducation plus altruiste favorise l’empathie et
le respect du vivant.
Rebecca Amsellem — Replongeons-nous dans notre utopie. « Les utopies féministes, écrit Aurore Turbiau, dans Une utopie féministe est-elle possible ?, ont la particularité de s’ancrer dans un vrai désir de révolution. Dans le cas de l’œuvre de Monique Wittig, contrairement à ce qui se passe dans d’autres textes féministes de nature utopique, cette caractéristique est portée à son comble et la place radicalement à l’opposé d’une utopie traditionnelle : l’anti-utopie de Wittig n’est pas une rêverie qui trouverait sa fin en elle-même, mais un mouvement qui part de l’utopie – la
société des femmes organisée autour des féminaires et de la glorification de leurs corps de femmes – pour se déplacer vers l’histoire – la prise d’armes, la guerre avec les hommes. » La violence semble d’ailleurs être le dénominateur commun de toutes les révolutions. Des pacifistes notoires comme Vandana Shiva le justifient. Comment ne pas utiliser la violence quand le camp adverse l’utilise au quotidien pour asseoir son pouvoir ?
Lucile Peytavin — Elle peut être utilisée, utile dans certains cas, mais je crois qu’elle doit vraiment être la dernière arme à utiliser face à un ennemi qui en ferait usage. Une solution d’extrême recours. Par ailleurs, je pense que la
colère dont elle découle, et notamment dans les mouvements féministes, est une colère tout à fait légitime. Mais je pense que, véritablement, il n’est pas souhaitable d’utiliser la violence. Le féminisme a gagné des batailles considérables sans jamais s’y adonner. Benoîte Groult disait : « Le machisme tue tous les jours. Le féminisme, lui, n’a jamais tué personne. » C’est ce que j’aime aussi dans le féminisme : son respect de l’adversaire et les moyens qui sont utilisés. Le dialogue, l’humour, la sororité, etc. Nous ne devrions pas construire une société égalitaire par la violence, on doit continuer sur une voie pacifique, pacifiste.
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Sarah Durieux est directrice France de Change.org, plus grande plateforme mondiale de pétitions en ligne qui permet à toute personne de lancer une campagne sur un sujet qui lui tient à coeur. Spécialiste des mobilisations citoyennes, de l’organisation de communautés et des stratégies digitales, elle a également travaillé pour différentes ONG comme la Fondation Nicolas Hulot, le WWF ou SOS Villages d’Enfants. Depuis 9 ans, elle aide toutes les personnes qui veulent se lancer dans l’activisme à faire le premier pas et les accompagne pour qu’elles puissent
avoir le plus grand impact possible. En 2021, elle a publié « Changer le monde » un manuel d’activisme basé sur cette décennie passée à accompagner des militants débutants. Elvire Duvelle-Charles est journaliste, réalisatrice et activiste féministe. Depuis son entrée dans l’activisme en 2012 chez Femen elle a décliné ses modes d’action pour se faire entendre : happenings seins nus, parodie de clip de rap, affichage sauvage… Son dernier fait d’armes : Clit Révolution, un compte instagram suivi par plus de 100 000 personnes et une série documentaire diffusée sur France tv Slash dans laquelle elle part aux côtés de son acolyte Sarah Constantin aux quatre coins du monde à la rencontre d’activistes qui réconcilient sexualité joyeuse et empouvoirement. De cette série naîtra un livre : Le Manuel d’activisme Féministe de Clit Révolution, une boîte à outils inspirée des techniques
d’activisme féministe du monde entier. Chloé Thibaud est une journaliste féministe made in 1990s. Diplômée de l’école de journalisme du CELSA, Chloé Thibaud débute sa carrière chez France 3 en tant que rédactrice-reporter. Elle rejoint ensuite la rédaction de Magicmaman, magazine parental du Groupe Marie Claire, avant de travailler pour l’émission culturelle Entrée Libre diffusée sur France 5 puis Je t’aime etc., diffusée sur France 2. Spécialiste des sujets culture et société, elle écrit également pour les rubriques sexo et psycho de Doctissimo et prête sa plume à d’autres médias tels que Vice ou Causette.
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