Le « cruel optimisme » de Lauren Berlant ou la politique des sentiments par Rebecca Amsellem (pour me suivre sur Instagram, c’est là) « L’ascenseur social », « le rêve américain », ou encore « tomber amoureux·sous la pluie », ont un point commun : Lauren Berlant. Ces concepts illustrent la notion de « cruel optimisme ». Celle-ci décrit le sentiment que vous ressentez lorsque vous désirez quelque chose alors qu’il s’agit d’un obstacle à votre propre épanouissement. Lauren Berlant, philosophe américaine qui nous a quitté·e·s il y a quelques jours, a utilisé cette notion pour décrire et comprendre l’avènement d’une politique fondée sur l’émotion. Des politiques publiques sont mises en place pour créer l’illusion d’un futur radieux. Ce sentiment, écrit-elle, est la « réponse de votre corps au monde, ce sentiment que vous êtes toujours à la poursuite de quelque chose qui n’arrivera pas ». Si vos rêves sont grandioses et la réalité plus proche d’un jour où vous portez une jupe blanche et qu’un camion vient délicatement freiner pour mieux vous éclabousser, c’est politique. Le « cruel optimisme » est la conjugaison d’un rêve magistral, de la mise en place de stratégies concrètes pour y arriver et l’omission inconsciente (ou consciente) qu’il existe des systèmes, des institutions qui empêchent l’avènement de ce rêve. Le « cruel optimisme », pour Lauren Berlant, est une politique de génie. On fait croire que quelque chose est possible tout en sachant pertinemment que ce n’est pas le cas. La notion permet notamment de responsabiliser les personnes politiques et leurs propos. Au même titre que Sara Ahmed ou Ann Cvetkovich, Lauren Berlant pourrait être décrite comme une philosophe des émotions. Son travail s’attache à démontrer que ce que nous ressentons est loin d’être singulier et l’intime est fondamentalement politique. À propos du désir, elle dit « il n’y a rien de plus aliénant que de voir ses désirs remis en cause par quelqu’un qui a une théorie ». À propos de l’orientation sexuelle, elle écrit : « l’hétérosexualité n’existe pas ». À propos de l’humour, elle raconte : « Pendant ce temps, les privilégié.e.s exigent que les moins privilégié.e.s ne soient pas sans humour. Cela relie mon argument à celui de Sara Ahmed sur la rabat-joie féministe (feminist killjoy, le nom de son blog). Comme elle le dit, la personne qui nomme le problème devient le problème. Et si la personne qui nomme le problème est une sorte de sujet comme une féministe, une personne de couleur, un.e queer politisé.e, ou/et une personne trans, les privilégié.e.s la dévalorisent parce qu’elles ont l’habitude d’être déférées et non torturées par un refus de reconnaissance. Au sujet du « cruel optimisme », Lauren Berlant va plus loin et émet l’hypothèse de l’existence d’une théorie de l’affect. Cette théorie, comme le décrit cet article du New Yorker, « permet de comprendre les sensations et les résignations du présent, l’épuisement normalisé qui accompagne la vie dans la nouvelle économie ». Cette théorie permet de comprendre les enjeux politiques derrière l’état de la santé mentale des différentes générations. Celle qui espère une révolution qui n’arrivera peut-être pas, celle qui a peur et qui se bat pour conserver ses privilèges. Malgré ses théories autant réalistes qu’alarmistes, Lauren Berlant ne cesse d’espérer l’utopie féministe. « Et surtout, je me battrais pour la nécessité de préserver, sans honte, la question exigeante de la révolution elle-même, la question de l’utopie qui ne cesse de se frayer un chemin dans un champ d’aspirations ratées, comme un.e étudiant.e au fond de la salle qui, soudain, violemment, est fatigué.e d’être invisible. » Lauren Berlant est décédée le 28 juin des suites d’un cancer. Elle avait 63 ans. À son propos, l’universitaire Sara Ahmed a écrit : « Lauren m’a appris que la vie est faite pour apprendre, que la curiosité est douce, et chaque situation, aussi difficile soit-elle, est une occasion de réfléchir davantage. Lauren pouvait à la fois remplir une pièce et donner de la place aux gens et transformer un monde avec une tournure de phrase. Je serai toujours inspirée par toi et j’apprendrai toujours de toi. » La revue de presse Dans Le cerveau pense-t-il au masculin?, le psycholinguiste montre les effets néfastes d’une grammaire patriarcale. Avant de s’embrasser, cela vous dit de démanteler le capitalisme ? Sommes-nous condamnées à répéter les mêmes erreurs commises lors de la dernière crise économique qui affectait particulièrement les femmes ? (désolée pour cette longue longue, la traduction c’est un métier) « Est-ce que les personnages féminins peuvent être remplacés par une lampe ? » parlent littérature féministe dans cette vidéo. « Feindre jusqu’au succès » : pourquoi faut-il en finir avec cette injonction toxique ? Pourquoi n’y a-t-il jamais eu de femme Présidente de la République ? Le fils de John Le Carré raconte comment sa mère a été cruciale au succès de son père. A ce sujet, je vous conseille vivement le film The wife, avec Glenn Close. Huguette Bello fait basculer La Réunion à gauche. « A ceux qui pensent que c’est un acte de violence de déchirer les pancartes, je considère que des pancartes portant des messages de haine sont déjà un acte de violence et donc ma résistance à cette violence n’est rien de plus que l’auto-défense ». Pride de Paris : une militante trans interpellée après une altercation avec des féministes « TERF ». Economie par Les Glorieuses “La plupart des personnes en pleine ménopause n’osent pas en parler, car il y a beaucoup d’idées reçues autour de cette période de la vie” dit @deborahgarlick , directrice de @henpickednet : Menopause in the Workplace. Les Glorieuses est une newsletter produite par Gloria Media. |
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