« C’est mon droit de résider dans mon propre esprit. C’est mon droit. » Carmen Maria Machado
par Rebecca Amsellem (pour me suivre sur Instagram, c’est là et sur Linkedin c’est ici)
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« Les femmes sont désormais au centre des économies mondiales », a commencé par dire Claudia Goldin devant un parterre d’intellectuel·le·s dimanche soir dernier. Pas seulement parce qu’elles n’ont jamais été aussi nombreuses à occuper un emploi rémunéré. Pas seulement parce qu’elles constituent la grande majorité des étudiant·e·s dans tous les pays de l’OCDE. Aussi, rappelle Claudia Goldin alors qu’elle recevait le prix Nobel d’économie pour sa contribution à la compréhension des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, parce qu’elles sont quasi seules à prendre en charge le travail non rémunéré et parce qu’elles déterminent – presque – seules le taux de natalité. Les femmes sont désormais au centre des économies mondiales et c’est notamment grâce à des innovations majeures. Claudia Goldin mentionne évidemment le passage d’une économie secondaire à une économie tertiaire aux États-Unis mais cette explication est loin d’être suffisante. C’est bien la pilule contraceptive qui a permis aux femmes d’entrer massivement sur le marché du travail : les femmes se marient plus tard, font davantage d’études et travaillent plus longtemps. En conséquence, elles ont des postes plus élevés et de meilleures rémunérations. Depuis 1980, on passe d’un écart de rémunération de 0,59 $ à, aujourd’hui, 0,83 $ pour un dollar. Et puis… on bloque. Pourquoi n’arrive-t-on pas à résorber ces derniers cents ? C’est la ségrégation professionnelle – les femmes sont plus nombreuses dans des métiers moins rémunérés comme les secteurs du soin et de l’éducation – oui, mais pas que. Il est important de comprendre, explique la prix Nobel, que la majorité des différences de revenus se situe plutôt à l’intérieur de chaque secteur. « Le dernier kilomètre, dit Claudia Goldin, le dernier chapitre, l’acte final de la saga de l’écart de rémunération entre les sexes, ne pourra être écrit que lorsque les couples partageront davantage et que le monde du travail rendra ce partage équitable moins coûteux. »
« Et c’est parti pour le dernier kilomètre », collage réalisé par mes soins.
Ce dernier kilomètre ne peut être atteint que si le marché du travail œuvre à moins valoriser économiquement la flexibilité sur la productivité ou l’intelligence. « Une partie de la solution, explique Goldin, consiste à réduire le coût de la flexibilité. Le moyen le plus simple consiste à créer des substituts efficaces entre les travailleurs, et cela a été fait dans diverses professions. » On peut utiliser la technologie et des équipes de remplaçant·e·s, comme dans le secteur de la santé, comme dans la banque et la tech. « Le côté positif des temps sombres que nous avons vécus pendant la pandémie est que nous avons appris à utiliser la technologie pour travailler à domicile, et nous avons également utilisé la technologie pour organiser des rendez-vous et des conférences à distance, séparées par des kilomètres et des océans. Ce dernier kilomètre, nous l’avons déjà entamé ce dimanche 9 décembre 2023. Et même deux mois plus tôt. Le lundi 9 octobre, quelques heures après avoir tenu une conférence de presse, Claudia Goldin s’est rendue compte que si c’était bien elle qui avait reçu un coup de fil de l’Académie, elle n’était pas seule à avoir reçu ce prix. Des centaines d’emails joyeux arrivaient par millier. « Merci », disait l’un d’entre eux, « de la part des mères, des grands-mères, des sœurs et des filles du monde entier, cela fait beaucoup de monde », car ce prix valide « ce que nous savons être vrai ». « C’est comme si c’était mon équipe qui avait gagné un match ! » lui a écrit un économiste espagnol. « On a gagné un prix Nobel », ai-je d’ailleurs commencé par écrire dans la newsletter qui a suivi l’annonce, en ajoutant un timide « enfin, presque ». Ce prix n’est pas seulement celui de Claudia Goldin, c’est le prix de tous les économistes. Alors que l’économiste recevait son prix Nobel ce dimanche, elle a souligné que ce dernier a rendu les gens fiers de leur travail et de qui ils sont et qu’il a encouragé ceux qui effectuent des recherches sur les femmes et sur le genre. Car ce dimanche 10 décembre, pour la première fois, des travaux portant sur les inégalités systémiques subies par les femmes sur le marché du travail sont récompensés par le prix Nobel. Bravo Claudia Goldin. Et bravo à toutes les économistes, toutes les activistes, toutes les associations, qui travaillent chaque jour pour mettre en lumière ces inégalités, car ce dimanche, vous avez reçu un prix Nobel. Grâce à vous, ce dernier kilomètre est bien entamé.
Des choses que je recommande
Le 9 décembre dernier, on fêtait le 126ème anniversaire de la création de La Fronde par Marguerite Durand, premier quotidien entièrement écrit par des femmes. A cette occasion, je vous invite à découvrir la vie Marguerite Durand, passionnante.
« L’augmentation des taux de suicide et d’homicide, et le manque d’accès aux services de santé comme l’avortement sécurisé, ont pour effet combiné d’annuler les gains en matière de santé et de sécurité qu’ont connus les femmes des générations précédentes, en particulier pour les femmes de couleur ».
Violences sexuelles : « Il est urgent de redéfinir pénalement le viol, dont la définition, en France, présuppose un consentement implicite ». Tribune.
C’est prouvé, les femmes savent très bien négocier leur salaire. En revanche, on leur accorde moins qu’aux hommes.
// Message de service // Si vous avez la responsabilité (la
charge ?) des cadeaux pour les fêtes de fin d’année dans votre entreprise, je ne peux que trop vous suggérer de nous envoyer un mail pour commander plein plein de carnets et de pochettes – on peut même s’occuper des envois !
*** Un message de notre partenaire, la fonds L’Oréal pour les femmes *** Pour cette nouvelle saison de « Se révéler », produit par le Fonds L’Oréal pour les Femmes et le studio de podcast Frictions, la journaliste Laura Taouchanov est allé à la rencontre d’héroïnes qui, chaque jour, rendent la vie des femmes un peu moins compliquée. Elpida Kokkota a créé Mexoxo qui accompagne les femmes dans leur parcours d’entrepreneuriat social. Mary-Justine Todd est la fondatrice Shamsaha qui fournit une assistance téléphonique et en personne 24h/24 et 7j/7 aux femmes victimes de violence domestique et sexuelle au Moyen-Orient. Joséphine Goube est à l’initiative de Sistech – une organisation qui accompagne concrètement les femmes réfugiées sur le marché du travail européen. Jimena Garcia Cabello – via son organisation Reinserta – aide les femmes en prison à développer leurs compétences et maintenir leurs liens familiaux. Sadaffe Abid a créé Circle, une association au Pakistan axée sur l’autonomisation des femmes par l’alphabétisation numérique. Noella Coursaris Musunka est la fondatrice de Malaika, une école en RDC des filles qui les accompagne pour devenir les leaders de demain. 530 filles bénéficient actuellement de ce programme.
Tous les épisodes abordent, en anglais, cette question cruciale – comment transforme-t-on une intuition, une conviction en un projet concret qui soutient chaque jour les femmes ?
Vous pouvez découvrir tous les épisodes ici : https://frictions.co/se-reveler/
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