March 7, 2022 Bienvenue au nouvel Impact par Megan Clement (pour me suivre sur Twitter, c’est ici) Aujourd’hui, nous relançons Impact. Votre dépêche bimensuelle deviendra une newsletter hebdomadaire sur le genre et la politique – et arrivera directement dans votre boîte de réception, chaque lundi matin. Je suis émue par la pertinence d’intensifier notre couverture des droits des femmes et de l’organisation féministe à un moment aussi crucial de la politique mondiale. Nous pensons souvent que les événements historiques mondiaux comme l’invasion de l’Ukraine par la Russie se déroulent au-delà des questions d’identité, mais ne vous y trompez pas, ces actions ont une dimension genrée et, comme le conflit au Tigré l’a récemment montré, la guerre aura toujours un impact spécifique sur les femmes. L’Ukraine se fait actuellement détruire au gré d’un archétype exagéré d’une figure d’homme fort qui serait comique s’il n’était pas si dangereux. Les hommes âgés de 18 à 60 ans ont reçu l’ordre de rester et de se battre. Pourtant, de nombreux soldats ukrainiens sont des femmes, et ce depuis le début de cette crise. En 2014, là où se trouvent les origines de cette guerre, l’extrême droite a attaqué les féministes sur le Maidan, tandis qu’un groupe issu des manifestations du Maidan, la Première brigade féminine, était lui-même associé à l’extrême droite. Avant l’invasion, le gouvernement américain a averti les Nations unies que la Russie avait placé des membres de la communauté ukrainienne LGBTQ+, ainsi que des dissidents, des journalistes et des minorités ethniques, sur une liste de citoyens à tuer ou à envoyer dans des camps de détention en cas de guerre. Le leader tchétchène notoire et fantassin de Poutine, Ramzan Kadyrov, qui a supervisé d’horribles « purges » anti-gay en Tchétchénie, affirme avoir déployé ses combattants en Ukraine. Dans le même temps, des Ukrainiens transgenres témoignent qu’ils ne peuvent pas fuir la guerre parce que leurs documents d’identité ne correspondent pas à leur genre. Il y a d’autres considérations. Avant l’invasion, l’Ukraine était la destination la moins chère pour les personnes fuyant l’interdiction quasi totale de l’avortement en Pologne, qui aurait tué trois femmes depuis le renforcement des règles en janvier 2021. Elle est également devenue une plaque tournante pour l’industrie commerciale des mères porteuses. Lorsque la géopolitique change, les politiques de reproduction changent souvent avec elle. Je suis journaliste depuis longtemps, et la plus grande difficulté de mon travail est souvent de convaincre les gens que les reportages sur les femmes et la politique valent la peine d’être publiés. Trop souvent, je propose un article sur, disons, le féminicide ou le droit à l’avortement à un rédacteur en chef (inévitablement un homme), pour qu’il me réponde : « Nous avons déjà quelque chose sur un sujet similaire ce mois-ci » (note : les femmes ne comptent qu’une fois par mois) ; ou « Nous nous concentrons sur le conflit dans le pays X en ce moment, donc nous n’avons pas de place » ; ou « Nous ne couvrons que l’autoritarisme, le nationalisme et le populisme en ce moment ». Tous les journalistes du monde adorent se plaindre des rédacteurs en chef qui n’acceptent pas leurs propositions et je ne fais pas exception à la règle. Mais ce qu’il me reste en tête, c’est le sous-entendu de ces refus : que les femmes assassinées, ou les personnes qui sont forcées d’accoucher contre leur gré par leur gouvernement, ne sont pas aussi importantes que les nombreux autres sujets implicitement codés masculins que les « rédactions sérieuses » souhaitent couvrir. Mais la réalité est que ces sujets sont toujours liés. Combien de fois devrons-nous voir un terroriste perpétrer une attaque meurtrière contre des innocents et découvrir seulement après coup qu’il a un passé d’abus misogyne sans se rendre compte que les racines de la violence politique commencent souvent par une violence domestique ? Combien de fois faut-il voir un autocrate décriminaliser la violence domestique, interdire la « propagande gay » et refuser l’éducation sexuelle avant d’envahir un pays voisin ? Combien de fois devrons-nous voir les femmes musulmanes devenir des pions pour marquer des points politiques – ce qui se passe en ce moment même où je suis à Paris et également à 7 500 kilomètres de là, au Karnataka – avant de comprendre que notre droit à l’autonomie est aussi fondamental pour la réalité politique actuelle que n’importe quel sondage d’opinion ou vote parlementaire ? Chez Impact, nous comprenons que les racines de l’autoritarisme remontent invariablement aux attaques contre les droits humains des femmes et des minorités ; que les nations – et par extension le nationalisme – se construisent sur des heures incalculables de travail de soins non rémunéré, injustement effectuées par les femmes et non reconnues par les décideurs. Nous comprenons que le populisme, bien que souvent mal défini, est trop souvent basé sur un appel à une époque où les hommes étaient des hommes, avant que les femmes et les minorités n’aillent trop loin en revendiquant leur droit de décider du nombre d’enfants à avoir ou de l’espace à occuper en public. Nous comprenons que le « grand remplacement », la théorie du complot du suprématisme blanc qui motive les terroristes mais qui, également, fait désormais partie du courant politique dominant en Europe et aux États-Unis, a pour noyau la crainte raciste et misogyne que les femmes non blanches exerceront leur droit au choix en matière de procréation. Les victoires féministes, comme la dépénalisation de l’avortement en Colombie le mois dernier, sont nombreuses et nous essaierons de les célébrer toutes — et nous vous proposerons un entretien avec l’une des architectes de cette victoire dans le courant du mois. Mais plus que les célébrer, nos victoires doivent être défendues face à un retour de bâton mondial contre les droits des femmes et des personnes LGBTQ+. Les élections sud-coréennes, qui se tiendront dans deux jours, ont été dominées par des messages explicitement antiféministes, tandis que les groupes de défense des droits des hommes s’efforcent d’annuler les progrès de l’un des mouvements MeToo les plus réussis d’Asie. Dans le même temps, au Texas, les parents d’enfants transgenres sont menacés de faire l’objet d’une enquête pour maltraitance pour avoir soutenu leurs enfants, sur ordre du gouverneur Greg Abbott. Il y a tellement de travail à faire. C’est pourquoi, à partir d’aujourd’hui, Impact apparaîtra chaque semaine dans votre boîte de réception. Vous recevrez toujours notre bulletin d’actualités féministe et notre enquête de fond chaque mois, mais vous aurez également droit à une note de la rédaction, comme celle-ci, de ma part, ainsi qu’à des entretiens détaillés avec des penseuses, des organisatrices et des activistes féministes du monde entier et à des extraits d’autres publications. IMPACT est un espace où tout le monde est bienvenu. Notre féminisme est global, il est intersectionnel, il est antiraciste, anti-validiste et, il est particulièrement important de le dire dans le contexte actuel, il ne se contente pas d’inclure les personnes transgenres mais leur est reconnaissant de nous aider à nous libérer collectivement des normes de genre nuisibles. Demain, c’est la Journée internationale des droits des femmes. Pour être honnête, je ne me soucie plus beaucoup de cet événement – de nos jours, il est aussi susceptible d’être utilisé pour me vendre du savon que pour me vendre une révolution. Je ne peux m’empêcher de penser à quel point l’écrivain féministe chinoise Ding Ling aurait été épuisée de nous entendre encore en parler. En 1942, elle écrivait, avec un roulement d’yeux perceptible, dans Réflexions sur le 8 mars :
Mais elle a également profité de l’occasion pour recommander quatre choses auxquelles nous devrions faire attention dans la vie de tous les jours lorsque nous luttons pour l’égalité : « Ne vous laissez pas tomber malade » ; « Veillez à être heureuse » ; « Utilisez votre cerveau, et prenez-en l’habitude » ; et enfin Donc, à nous de rester en bonne santé et heureux, d’utiliser nos cerveaux et de persévérer jusqu’à la fin. Nos forces sont bel et bien rassemblées. Bonne lecture, Megan PS. : Vous avez des questions sur Impact ? Vous voulez écrire pour nous ? Contactez-nous : [email protected] (mais n’essayez pas de me vendre les trucs pour la Journée internationale de la femme, s’il vous plaît). PPS : Pensez à recommander Impact à vos amis. Cet édition d’Impact a été préparé par Megan Clement et Steph Williamson. Notre financement vient du New Venture Fund. Impact est produite par Gloria Media – Abonnez-vous à nos newsletters : Les Glorieuses / Économie / Les Petites Glo Soutenez un média féministe indépendant en rejoignant Le Club. |