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Place aux choses très sérieuses. La retraite. Vous l’avez compris, cette réforme des retraites est néfaste pour les femmes. C’est pour cela que nous faisons une entorse au mercredi : aujourd’hui, on marche. Il y a deux semaines, l’économiste Anaïs Henneguelle, maîtresse de conférences en économie à l’Université de Rennes 2, nous a montré pourquoi la réforme des retraites proposée va contribuer à l’appauvrissement des femmes. A l’occasion de l’appel à la grève, nous avons travaillé de nouveau avec elle pour comprendre pourquoi cette réforme des retraites aggrave un système déjà très inégalitaire et s’il existe une manière de le corriger. On peut suivre Anaïs Henneguelle sur Linkedin et on peut suivre Les Economistes Atterrés, organisation dont elle fait partie sur Twitter. A mercredi prochain, Rebecca
Les grandes perdantes de la réforme – comment crée-t-on un système de retraite réellement féministe ?
par Anaïs Henneguelle, maîtresse de conférences en économie à l’université Rennes 2 et membre des Économistes Atterrés
10,1% des femmes de plus de 75 ans sont sous le seuil de pauvreté en France aujourd’hui, contre 6,6% des hommes. La réforme des retraites proposée par le gouvernement ne s’attaque pas du tout à ces inégalités femmes / hommes ; au contraire même, les femmes en sont les grandes perdantes, comme l’a reconnu franchement le Ministre chargé des relations avec le Parlement Franck Riester. Pourquoi la réforme des retraites aggrave-t-elle un système déjà très inégalitaire ?
1. La réforme des retraites ne prend pas en compte les inégalités d’accès au marché du travail et les inégalités salariales. Les femmes travaillent moins longtemps et elles gagnent moins. Ces inégalités se cumulent une fois arrivé·e·s à la retraite : même lorsqu’elles partent à taux plein car elles ont travaillé suffisamment longtemps, les femmes ont des pensions de retraite inférieures aux hommes tout simplement car en moyenne leurs salaires sont inférieurs.
2. Elle n’intègre pas l’attitude des femmes vis-à-vis des placements financiers. Les femmes participent moins que les hommes aux plans d’épargne retraite, car elles sont souvent moins informées sur les possibilités en la matière et car elles ont généralement une attitude plus « averse au risque », ce qui les conduit vers des placements moins rémunérateurs.
3. Elle ne corrige pas la structure anti-féministe des systèmes de retraite en eux-mêmes. Les femmes sont fréquemment désavantagées par rapport aux hommes du fait même des règles d’obtention des pensions dans les différents pays de l’OCDE : les droits à pension peuvent cesser durant les périodes de congé maternité ou de congé parental ; les hommes travaillent dans des secteurs où les employeurs ont plus recours à des systèmes de retraite complémentaire obligatoire ; les femmes ont bien souvent plus de mal que les hommes à accumuler une durée de cotisation suffisante pour partir avec une retraite à taux plein.
Système de retraite inégalitaire : non, les femmes et les hommes ne sont pas dans le même bateau.
Mais alors, que peut-on faire ? Est-il possible de mettre en place un système de retraite non sexiste ? Dans le cas de la France spécifiquement, la suppression du mécanisme de la décote est la première chose à faire pour améliorer la situation des retraitées. On subit la “décote” quand on n’a pas cotisé suffisamment. Imaginons qu’une personne veuille partir à la retraite à 62 ans aujourd’hui, tout en ayant travaillé 160 trimestres sur les 172 requis. La pension est alors “proratisée”, c’est-à-dire qu’on y applique un ratio de 160/172. Mais elle est aussi “décotée”, c’est-à-dire qu’on lui retire 1,25% par trimestre manquant ! Les femmes sont celles qui subissent le plus la décote : elles sont 19% à travailler jusqu’à 67 ans (pour atteindre l’âge d’annulation de la décote) contre 10% des hommes. Supprimer la décote permettrait à de nombreuses femmes (et à certains hommes également) de ne plus subir de double peine, en voyant leurs pensions non seulement proratisées lorsqu’elles n’ont pas cotisé suffisamment longtemps mais également décotées de 5 % par année manquante.
Dans l’ensemble des pays de l’OCDE, il faut aussi s’assurer que les périodes de maternité, d’éducation des enfants et plus généralement que les périodes de soins à autrui (car les proches aidants sont bien souvent des proches aidantes) ne soient pas un frein à l’accès à des pensions d’un montant satisfaisant.
Enfin, un système de retraite plus égalitaire dans une économie capitaliste promeut l’éducation financière des femmes, afin qu’elles sachent mieux comment prévoir leur retraite future. Cela permettrait par la même occasion de limiter les inégalités économiques au sein des couples hétérosexuels, qui empêchent la constitution de patrimoines féminins.
Dans les pays de l’OCDE, les femmes âgées de 65 ans et plus reçoivent en moyenne 26 % de moins que les hommes par les différents systèmes de retraite (publics ou privés). En France, l’écart est de 40,5 %. Comme l’écrit l’économiste Michaël Zemmour, « la réforme proposée réussit la prouesse de décaler encore plus fortement le départ des femmes que des hommes (…) tout en n’atténuant quasiment pas les écarts de pensions ». Si une réforme des retraites est souhaitable car le système actuel est loin d’être parfait, son but devrait être de compenser les inégalités femmes / hommes existantes et non de les accentuer.
Ce que Rebecca recommande cette semaine
Le compte Twitter Les Rosies, « Mouvement féministe pluriel qui organise des initiatives créatives pour rendre visible la question des droits des femmes dans les mouvements sociaux ».
Pour les fan d’Ally Mc Beal, on peut voir Vonda Shepard la pianiste qui fait les meilleurs chansons de la série le 12 février à Deauville, le 13 février au New Morning à Paris, le 14 février à Enghien, et le 18 février à Bordeaux.
Bientôt la saison des mariages (vraiment pas…) : des couples utilisent la cagnotte pour lever de l’argent en faveur des droits reproductifs.
Festival de l’infolettre // La masterclass et les ateliers du festival de l’infolettre sont complets – vu l’intérêt, je réfléchis à comment proposer des sessions d’accompagnement pour celles et ceux qui souhaitent lancer leur newsletter. Si ca vous intéresse, vous répondez à cet email ?
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