Par Seray Şahiner Quand on regarde la culture populaire, les médias et le système en général, les femmes sont divisées en deux catégories : celles qui n’ont jamais un accroc sur leurs bas, et celles qui devraient être sauvées par les « honnêtes gens ». Celles du premier groupe ne sortent jamais – et ce en toute circonstance – du schéma de perfection que le système a imposé pour pouvoir caser une publicité de cosmétiques en arrière-plan. Et cela ne se limite pas à une élite chic et élégante… Le personnage de Wonder Woman par exemple : une princesse venue d’une autre Viennent ensuite celles qui doivent être sauvées par les « honnêtes gens ». Chaque cas mérite une attention particulière, chaque vie est précieuse, mais ce n’est pas ce dont nous discutons. Dans la pratique, la vie de ceux qui sont dans la détresse est livrée à la conscience d’autres. Mais la réalité est loin de ce que veut nous faire croire l’opinion populaire, nos existences ne sont pas des shows télévisés, jetées en pâture à l’appréciation d’un jury. Oui, nous sommes obligé·e·s de prendre soin les un·e·s des autres. Ça s’appelle la solidarité. Et c’est loin de ce que le système nous propose aujourd’hui. Il est de notre devoir d’administrer le vaccin à ce système allergique au concept de solidarité. À ce stade, pour désigner ceux qui insistent pour le maintien de l’ordre masculin, nous devons trouver un mot. Tous ceux qui nous décrivent de manière folklorique, caricaturale ; tous ceux qui façonnent une image dépréciée de nous… Voici ma Nous sommes obligées de défendre nos droits – nos vies – et notre liberté d’expression que nous utilisons parfois comme un moyen d’auto-défense. Et au-delà, nous sommes également responsables de la défense des droits de femmes que nous ne connaissons pas. Parfois en criant un slogan sur une place bondée, parfois en dénonçant un voisin violent… Il suffit d’élever la voix, de rassembler nos forces et de se nous serrer les coudes. J’ai beaucoup appris des femmes qui veillent les unes sur les autres. J’étais très jeune quand j’ai écrit mon premier livre (La coiffure de la mariée ; Ed. Belleville, 2015), et ce livre parlait déjà de la place des femmes. Mais je dois l’avouer, je n’ai lu les grands textes féministes que bien plus tard. Mon idéologie n’a pas créé ma condition. C’est ma condition qui a créé mon idéologie. En voyant des femmes se battre pour défendre leurs sœurs anonymes… Des J’ai participé à ces actions d’abord comme supportrice puis comme activiste. Ce sont la foi et La résistance s’apprend à la fois depuis l’intérieur et depuis l’extérieur. La rue et la théorie ne sont pas deux concepts distincts. C’est notre devoir de fouler les pavés pour y élever la voix. SERAY ŞAHINERSeray Şahiner est née à Bursa en 1984 et a grandi à İstanbul, où elle a fait des études de journalisme. Nouvelle voix du féminisme turc, elle est une artiste aux multiples facettes : autrice et journaliste engagée, joueuse de darbuka et danseuse, fervente porte-voix des minorités. Avec Ne tournez pas la page (Ed. Belleville, 2018), elle livre un roman coup de poing sur les violences conjugales, saisissant d’humanité, d’espoir et d’humour. Adapté au théâtre à İstanbul, il se joue à guichets REVUE DE PRESSE : L’ORIENTALISME SEXISTE1/ Le mot de Seray Şahiner : L’enthousiasme comme système immunitaire. La phrase d’Emma Goldman « If I can’t dance, I don’t want to be part of you revolution » est l’un de mes mantras fétiches (« Si je ne peux pas danser, je ne veux pas faire partie de votre révolution », extrait de Vivre ma vie ; Ed. L’Echappée, 2018) . Ces mots me guident pour écrire dans la rue ou à mon bureau. La citation de Virginia Woolf, « il est indispensable qu’une femme possède quelque argent et une chambre à soi si elle veut écrire une œuvre de fiction », est affichée sur mon mur depuis des années. Nous avons l’obligation d’être joyeuses et d’avoir notre propre espace. Bien que la joie ne semble pas aller de concert avec l’obligation, c’est bien l’émotion qui devrait nous habiter : un état d’allégresse. Car le rire est la
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