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Je suis ravie d’être de retour dans vos boîtes mail en ce matin de Février. J’espère que vous avez aimé notre série “Best of” de janvier, et j’espère que ce début de 2024 vous traite avec douceur. Nous revenons pour parler de l’Assemblée nationale française, qui vient de passer un projet de loi pour inscrire la liberté d’avorter dans la Constitution. Vous n’avez qu’une minute pour lire cette newsletter ? La voici en bref :
Si vous voulez rester à jour sur les mobilisations féministes dans le monde, suivez-nous sur LinkedIn et Instagram. La place de l’avortement, c’est dans la constitution Par Megan Clement Un bravo à l’Assemblée nationale française, qui a adopté la semaine dernière un projet de loi qui inscrirait la liberté de mettre fin à une grossesse dans la Constitution française. C’était une étape de plus dans le processus qui permettrait de faire de ce changement constitutionnel une réalité, 50 ans après que la pionnière des droits reproductifs, Simone Veil, ait rédigé la loi dépénalisant l’avortement en France. Je l’ai déjà dit et je le répète : le droit à l’avortement a la côte. Un sondage de 2022 a montré que 86 % des Français·es étaient favorables à l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution. Près de neuf Français·es sur dix estiment que le texte de lois suprême du pays devrait soutenir le slogan féministe historique : mon corps, mon choix. Toute autre proposition aussi massivement soutenue serait considérée comme une victoire facile par les politiques de tous bords, d’autant plus en pleine crise de confiance dans les institutions politiques après le passage en force de mesures impopulaires, comme la réforme des retraites de 2023. Mais la plus belle ruse du diable a été de nous convaincre que l’avortement est une mesure controversée. Ainsi, une proposition de 2022 des député·es du parti de gauche La France Insoumise visant à modifier la constitution pour y inclure le texte : “La loi garantit l’effectivité et l’égal accès au droit à l’interruption volontaire de grossesse” a été édulcorée l’année dernière par la droite au Sénat, pour devenir “la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse”. Ce n’est pas l’idéal qu’un “droit” devienne la “liberté”, mais soit, nous aurions pu vivre avec. Aujourd’hui, c’est un autre texte légèrement modifié qui revient au Sénat, et certain·es élu·es ont décidé de chipoter. Le nouveau texte élaboré par le gouvernement écrit : “la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse”. Et d’après Bruno Retailleau, président du parti conservateurs Les Républicains au Sénat, la notion de “liberté garantie” est un peu trop proche d’un “droit” à l’avortement pour certain·es de ses collègues. Sénateurs, sénatrices, je vous invite à vous reprendre. L’accès à un avortement légal en toute liberté et en toute sécurité est un droit fondamental, peu importe la couleur politique du moment, et Simone Veil a eu le courage d’écrire des lois sur l’avortement en France à une époque où seulement 48 % du public soutenait de telles mesures. Mais le fait que cette proposition soit si populaire, en plus d’être un droit humain fondamental, rend d’autant plus absurde que certaines personnalités politiques en aient si peur. Nous vivons peut-être un pays où l’égalité des genres est loin d’être une réalité, mais c’est aussi un pays où les deux tiers de la population se disent féministes. Je vous assure les gars, c’est une décision facile. J’espère sincèrement que tout le monde réussira à régler ce problème ensemble. Tout le reste en politique est si compliqué en ce moment, pourquoi ne pas régler ce dossier relativement simple ? Mais je vous mets en garde sur ce qui pourrait arriver si cette proposition échouait. Jusqu’à présent, la France a réussi a éviter un référendum sur cette question, ce qui, malgré la popularité fondamentale du droit à l’avortement, aurait été considéré comme un prétexte pour exprimer un vote de protestation contre un gouvernement impopulaire. Et croyez-moi, je suis britannique, je sais comment se termine cette histoire (coucou Brexit). Mais je veux parler de mon autre pays, l’Australie, qui a récemment échoué à passer un changement important de sa constitution. En 2023, les Australien·es ont voté “non” à une proposition visant à reconnaître les peuples aborigènes dans la constitution. Ce que j’en ai appris (outre le fait que mon pays est raciste et n’a jamais fait face au crime génocidaire sur lequel il s’est construit), c’est que le rejet d’une constitution plus inclusive peut envoyer le message aux personnes marginalisées que leurs droits n’ont pas d’importance. La victoire du “non” a déclenché une vague de racisme contre les personnes aborigènes et les peuples des îles du détroit de Torrès, et certaines municipalités ont depuis abandonné la pratique connue sous le nom de “Bienvenue au Pays” [“Welcome to Country”], selon laquelle des aîné·es issu·es des Premières Nations accueillent officiellement les gens sur des terres qu’elles n’ont jamais cédées lors de grands évènements. En d’autres termes, certaines personnes ont désormais arrêté de faire le strict minimum pour respecter la culture continue la plus ancienne du monde, et ont utilisé le rejet de la reconnaissance constitutionnelle comme excuse pour violer encore davantage les droits des premier·es australien·nes. De la même manière, si le projet visant à inscrire l’IVG dans la constitution échoue, vous pouvez être sûr·es que les groupes anti-choix sauteront sur l’occasion pour tenter de attaquer le droit à l’avortement en France. Ils affichent déjà ouvertement des publicités anti-avortement sur des vélos dans tout le pays. Imaginez à quel point ils se sentiront légitimés une fois qu’ils se rendront compte que les politiques ne sont pas capables de protéger l’accès à l’avortement ? Le président du Sénat, Gérard Larcher des Républicains, affirme ne pas soutenir cette mesure car le droit à l’avortement n’est pas menacé en France. Ce à quoi je réponds : et si on réparait le toit sans attendre la tempête ? Les réseaux anti-avortement en Europe sont bien réels, ils sont bien financés, bien organisés et, tout comme ils l’ont fait aux États-Unis, ils établissent leurs stratégies sur le long terme. Il est essentiel de ne pas donner une chance à ces groupes de remettre en question nos droits reproductifs et d’utiliser un amendement raté pour attaquer les droits des femmes et des personnes trans sur tous les tableaux. Je ne pense pas qu’inscrire le choix reproductif dans la Constitution résoudra automatiquement tous les problèmes réels que rencontrent les personnes qui veulent avorter ici en France. Tout seul, le texte de loi ne changera rien au fait que les délais pour avorter sont trop courts, que beaucoup de personnes luttent pour avoir accès à l’avortement dans les déserts médicaux, qu’il y a des pénuries de pilules abortives et qu’en conséquence de nombreuses personnes sont obligées de voyager ailleurs en France ou au Royaume-Uni, en Espagne et aux Pays-Bas pour des soins de santé qu’elles devraient pouvoir recevoir chez elles. Mais à l’heure d’une vague réactionnaire contre les droits des femmes et des personnes trans, cela enverrait le message que certaines “libertés”, “libertés garanties” ou même, “droits” ne peuvent pas être renversés sur un coup de tête. Ce texte garantirait une base sur laquelle nous pourrions construire des services d’avortement plus sûrs et plus complets. Toute discussion autour d’un changement constitutionnel est une occasion de montrer quel genre de pays nous voulons être. La France a l’opportunité de devenir la première nation à inscrire l’accès à l’avortement dans sa constitution, de réussir là où d’autres pays, comme le Chili, ont échoué, et de montrer que la pleine citoyenneté de tout pays dépend des libertés reproductives de toutes les personnes qui y vivent. Nous avons une chance d’écrire l’histoire. À nous de faire le nécessaire. Que souhaiteriez-vous voir dans la newsletter Impact en 2024 ? Répondez à cet email pour me le faire savoir ! À propos de nous Impact est une newsletter hebdomadaire dédiée aux droits des femmes et des minorités de genre dans le monde entier. PS : La newsletter est également disponible en anglais. |
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