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Les Glorieuses

Mercredi 19 décembre

Je ne savais pas que cela existait VRAIMENT. Je croyais évidemment mes consoeurs qui en relataient les faits. J’entendais des femmes qui connaissaient vaguement une cousine au troisième degré à qui c’était arrivé. J’avais lu des histoires mais je pensais que les détails, aussi drôles soient-ils étaient forcément un peu exagéré. Et pourtant, lundi matin, ça me tombe dessus.

Un journaliste m’envoie un mail car il est « à la recherche d’une ‘conscience féministe’ » (il y a des détails qui ne peuvent pas s’inventer…) pour intervenir sur LE sujet éminemment important de la semaine : les handballeuses championnes d’Europe. Mais non, c’est évidemment faux : le sujet à heure de grande écoute était bien sûr consacré au sacrosaint concours des Miss France. Le terme de « conscience féministe » est donc évoqué pour désigner une personne experte sur les questions des droits des femmes en France et la représentation de celles-ci dans l’espace public (je présume hein, vu que
c’est mon métier).

Quoi qu’il en soit, je décline, je ne suis pas à Paris. Il me répond dans la minute : « Et au sein de votre collectif ? ». (Inutile de préciser que mon mail était quant à lui composé d’une allocution personnalisé, d’un début, d’un milieu, d’une fin, d’une formule de politesse et d’une signature, mais ce n’est pas le sujet). Si Les Glorieuses est bien une communauté de femmes engagées, c’est avant tout une newsletter et pas, à ma connaissance, un collectif (c’est également un concours de poules de Bresse qui existait bien avant la création de cette newsletter mais j’imagine que le
journaliste ne souhaitait pas inviter une poule) (oh wait). Je lui dis.

C’est là que l’histoire devient intéressante. Il m’envoie : « une newsletter qui rassemble plusieurs collectifs me semble-t-il. Enfin, ps (sic) grave j’ai trouvé quelqu’un pour mon plateau ». C’est donc vrai. Ils existent vraiment. Cette espèce un peu surhumaine d’hommes qui savent mieux que des femmes ce qu’elles font dans la vie. J’avais même affaire à une espèce encore plus particulière puisque celui-ci savait mieux que moi ce que j’avais créé quelques années plus tôt (et accessoirement ce que je gérais au quotidien).

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Le « mansplaining » est une contraction entre le terme « man » (homme) et « explaining » (explication), d’où la traduction de « mecsplication ». S’il n’a pas été utilisé en tant que tel par l’essayiste américaine Rebecca Solnit, c’est bien elle qui en a expliqué les tenants dans son essai « Ces hommes qui m’expliquent la vie » (Editions de l’Olivier). Peu importe ce que les femmes disent, les hommes pensent en savoir davantage sur la question. Elle
raconte alors un épisode très amusant où, lors d’une soirée mondaine, un homme lui demande d’un ton péremptoire quels sont les sujets de ses livres. L’écrivaine en ayant écrit sept, elle choisie de mentionner le thème du dernier : le photographe Eadweard Muybridge et l’industrialisation du quotidien. Son interlocuteur la coupe instantanément pour lui demander si elle avait lu cet ouvrage très important sur le même thème paru la même année que le sien. Solnit doute déjà : il existerait un livre sur le même thème (on ne peut pas vraiment dire qu’il ne soit pas « niche ») dont elle n’aurait pas connu l’existence ? Une amie essaie d’interrompre l’interlocuteur : « C’est elle qui l’a écrit ». Une
première fois, une seconde. Elle doit s’y prendre à quatre reprises pour qu’il blêmisse de sa bêtise. « Les hommes m’expliquent tout un tas de choses, à moi et à d’autres femmes, qu’ils sachent ou non de quoi ils parlent » écrit Sonit dans l’essai qui relate l’épisode.

Cet outil est une invitation à se faire. « Toutes les femmes savent de quoi je parle. C’est cette arrogance qui leur met des bâtons dans les roues, quel que soit le domaine ; c’est ce qui les empêche de prendre la parole ou d’être entendues quand elles osent le faire ; c’est ce qui réduit les jeunes femmes au silence en démontrant, comme le fait le harcèlement de rue, que ce monde n’est pas le leur. C’est ce qui nous habitue à douter de nous, à nous limiter tout en entretenant dans le même temps l’excès de confiance infondé des hommes. »

Les mecsplications, au delà d’exister pour assouvir un désir de domination intellectuelle non fondée ont pour conséquence de pousser le doute des femmes jusqu’à la paralysie. Comme Solnit le rappelle, au lieu de rire d’emblée de la remarque de son interlocuteur en disant que c’était bien elle l’autrice de cet ouvrage, sa première réaction est de douter :  « J’ai par ailleurs appris que douter raisonnablement est un bon moyen de se corriger, de comprendre, d’écouter et de progresser, mais que le doute à trop haute dose paralyse et que l’excès de confiance produit des crétins présomptueux ».

Dénoncer les mecsplicateurs
de notre société est un moyen de faire comprendre à la jeune génération que le paternalisme dont elles font l’objet est bien systémique : « Les jeunes femmes ont besoin de savoir que si elles sont rabaissées, ce n’est pas une conséquence de leurs échecs secrets, m’a-t-elle dit ; il s’agit plutôt de cette fatigante et antédiluvienne guerre des sexes à laquelle la majorité d’entre nous, êtres humains de sexe féminin, se retrouve confrontée à un moment ou à un autre. »

Message de service à toutes les Glorieuses – bon courage pour les dîners de famille de fin d’année.

P.S. Cette newsletter vous a plu ? Est-ce que vous connaissez celles-ci ? On ne nait pas sexiste, on le devient des Petites Glo’, La mecsplication, vous connaissez ?, et  « The future is female« .

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