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Une année dédiée à prendre soin de sa santé mentale.
“ Il y a quelque chose que je propose qu’on arrête tous et toutes de faire en 2023 : c’est de s’excuser pour ce à quoi on ressemble.” C’était le 3 février dernier, la créatrice de contenu Coline commence son rituel vidéo #MakeUpWithCoco dans lequel elle effectue sa routine maquillage face caméra, et aborde un thème différent à chaque fois. “C’était une nana qui parlait de sport, de fitness, de trucs comme ça. Elle s’est excusée d’être… en jogging, dans une de ses vidéos, sur Tiktok. J’étais là “bah ? (…)” En effet, il y a de quoi rater son jumping jack.
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Et puis, ça apparaît, comme un petit refrain qui reste confortablement blotti dans la tête. Un bouton sur le menton, un chignon aléatoire sculpté par l’oreiller, un téton qui s’invite à la fête … un “pardon” furtif. C’est une habitude tellement ancrée qu’elle passe presque toujours inaperçue. Coline continue en soulevant un problème de fond. La socialisation des filles à s’adapter au patriarcat nous pousserait, sans cesse, à nous justifier. “ C’est lié au patriarcat et c’est du sexisme intériorisé. En tant que femme, on nous répète tellement constamment qu’il faut qu’on soit à notre avantage, qu’il faut qu’on sourit, qu’on soit belle, qu’on fasse attention à nous mais pas trop parce que sinon… ÇA VA PAS ”. Car oui, il y a un lien entre le patriarcat et le fait de s’excuser dès qu’on prononce un son dans l’espace public (et parfois même quand on est seule chez soi en toute transparence…). “Les femmes s’excusent plus que les hommes ” Une étude menée par Karina Schumann et Michael Ross, publiée en novembre 2010 dans “Psychological Science” le confirme. “ Dans l’une des situations observées, 33 étudiant·e·s de 18 à 45 ans ont été invités pendant 12 jours à noter dans un carnet les moments où elles et ils avaient commis un acte offensant et s’étaient excusés ou non. Les filles et les garçons se sont majoritairement excusé·e·s après leurs actions mais les femmes ont été beaucoup plus nombreuses à avoir l’impression d’être blessantes. Les auteur·e·s de l’étude en déduisent que les hommes auraient tout simplement un seuil plus élevé pour ce qui constitue un mauvais comportement. Car il n’y a évidemment rien d’inhérent dans les attributs biologiques des personnes nées filles qui les pousseraient à s’excuser de poser une question, l’explication réside bien dans l’éducation. “Le genre, ça s’apprend, rappelle Marie Duru-Bellat, sociologue et spécialiste des questions d’éducation (La tyrannie du genre, Les Presses de Sciences Po, 2017). La société – concrètement : la famille, l’école, tout le réseau amical, les médias, etc. – veille à ce que dès sa naissance, chaque enfant apprenne ce qu’il est censé être selon le sexe qui lui a été déclaré à la naissance (…) Il faut apprendre comment il est jugé normal d’utiliser son corps, de le mouvoir, de le parer, de le mobiliser face à autrui, sur la base de motivations et de désirs là encore « normaux ». Il faut apprendre à être féminine et viril, et pour ce faire, il faut puiser dans un ensemble d’attributs attachés à l’étiquette homme ou femme. ”
Cette socialisation conduit ainsi les filles à apprendre que l’espace public est avant tout un espace masculin (on pense évidemment aux parties de foot dans la cour de récré) et que si elles veulent y participer (et sortir de chez elles), elles doivent faire preuve de discrétion. Se faire aussi prudentes qu’un mulot réservé (mais mignon). “Il est temps que la femme marque ses coups dans la langue écrite et orale” écrit la philosophe Hélène Cixous dans Le rire de la méduse (1975). “Toute femme a connu le tourment de la venue à la parole orale, le coeur qui bat à se rompre, parfois la chute dans la perte de langage, le sol, la langue se dérobant, tant parler est pour la femme – je dirais même ouvrir la bouche -, en public, une témérité, une transgression”. S’excuser de prendre la parole dans l’espace public – pour poser une question, apporter une observation ou autres – est le fruit de siècles d’éducation des filles à ne pas se sentir légitime dans l’espace public. Et c’est ce que dit Hélène Cixous : parler est politique car parler permet aux femmes d’inscrire leur histoire dans l’histoire. “Écoute parler une femme dans une assemblée (si elle n’a pas douloureusement perdu le souffle), dit-elle, elle ne « parle » pas, elle lance dans l’air son corps tremblant, elle se lâche, elle vole, c’est tout entière qu’elle passe dans sa voix, c’est avec son corps qu’elle soutien vitalement la « logique» de son discours; sa chair dit vrai. Elle s’expose. (…) Son discours, même « théorique » ou politique, n’est jamais simple ou linéaire, ou « objectivé » généralisé : elle entraîne dans l’histoire son histoire”.
Être habituée à s’excuser quand les garçons n’ont pas pris cet automatisme n’est pas anodin. C’est un phénomène de société expliquent Karina Schumann et Michael Ross. Et la raison réside dans la socialisation et l’éducation des filles : elles ne naissent pas en s’excusant rappelle en substance la sociologue Marie Duru-Bellat. Et c’est pour cela dit Hélène Cixous qu’il faut parler. Et ne pas s’en excuser. Sorry not sorry. Message reçu 5 sur 5.
Le mental fitness des Petites Glo
Cette semaine, tentez la “Sorry Detox”, un moment pour tenter de comprendre sa relation avec ce tic de politesse.
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Le compte à suivre – @coline (sur Instagram), @heyhococo (sur Tiktok) Unboxing seconde main, bonne humeur café à la main, essayage coloré et réflexions sur des sujets variés. Voilà ce qui vous attend sur les réseaux de Coline, créatrice de (super) contenus depuis 2007 !
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Article – 7 choses pour lesquelles vous ne devriez jamais vous excuser, Tapage Son ambition, son apparence ou encore ses émotions. Voilà une liste de choses qui font qui vous êtes. Une belle raison d’envoyer valser ses doutes et justificatifs… point par point !
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Chanson – “Sorry, not sorry” Demi Lovato Si pour Demi Lovato “Être si mauvaise me fait me sentir si bien ”, elle le dit, haut, fort et sans s’excuser, jamais ! Et bam !
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Article (en anglais) – Stop Telling Women to Apologize for Apologizing, Cosmopolitan Pour pousser le sujet plus loin et comprendre pourquoi demander aux femmes de tout simplement modifier leur discours sera toujours problématique.
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