Ce matin, la France s’est réveillée face à une nouvelle réalité politique désastreuse. Comme prévu, le Rassemblement National d’extrême droite a terminé en tête lors du premier tour des élections législatives les plus importantes de ces dernières années. Une majorité absolue au parlement, qui verrait un premier ministre d’extrême droite diriger le pays pour la première fois dans l’histoire moderne de la France, est maintenant une possibilité très réelle. Tout n’est pas perdu – des centaines de circonscriptions sont encore en jeu, et ce qui importe maintenant, c’est combien de Français·es voteront contre le Rassemblement National à l’occasion du second tour ce dimanche. Mais il est clair qu’une grande partie de l’électorat français a soutenu un parti imprégné de racisme, d’homophobie et de misogynie, et la question est de savoir pourquoi il a donné à ces extrémistes la possibilité de gouverner. L’une des réponses que l’on entend souvent, c’est que “l’extrême droite au pouvoir, on n’a jamais essayé”, et que cet essai démontrera leur incompétence. Ce qui les conduira à perdre les prochaines élections présidentielles de 2027. Mais l’histoire récente montre que ce n’est pas vrai. Le Rassemblement National et son incarnation précédente, le Front National, ont été exposés au pouvoir. Le parti détient déjà 89 sièges au parlement français, un chiffre qui va plus que doubler après ces élections. Il envoie des député·es au parlement européen depuis les années 1980. Nous pouvons donc examiner son bilan pour voir ce à quoi un gouvernement d’extrême droite pourrait ressembler pour la France. Sur les droits des femmes, le bilan est clair : dans les parlements français et européen, ses élu·es ont systématiquement voté contre ou se sont abstenu·es de voter sur des lois visant à protéger les femmes et les filles contre le harcèlement, à prendre en main les inégalités salariales et à garantir l’accès à l’avortement. Nous pouvons aussi jeter un coup d’œil à leurs ami·es et leurs allié·es. Jusqu’à récemment, ils formaient un groupe parlementaire avec l’Alternative pour l’Allemagne, un parti qui avait planifié des déportations massives basées sur des critères racistes. Sous le dernier gouvernement du parti Droit et Justice en Pologne, l’avortement a été interdit et les féministes ont été poursuivies en justice pour avoir aidé des personnes à mettre fin à des grossesses non désirées. Le Rassemblement National a refusé de condamner leurs actions dans un vote au parlement européen. La politique du Rassemblement National est considérée comme trop extrême pour Giorgia Meloni, dont le parti a des racines néo-fascistes, et sous la direction de laquelle, en Italie, les mères lesbiennes ont été retirées des certificats de naissance de leurs enfants et les références à l’avortement ont été supprimées du récent communiqué du G7. L’extrême droite monte partout dans le monde, des États-Unis, où Donald Trump pourrait bientôt être réélu et où une Cour suprême dominée par des fanatiques est déterminée à anéantir les droits reproductifs, à l’Argentine, où Javier Milei mène une campagne misogyne contre les femmes et les personnes trans, en passant par la Hongrie, où Viktor Orbán passe des lois contre ce qu’il appelle la “propagande LGBT”. Le Rassemblement National bénéficie du soutien (et des prêts bancaires) de la Russie de Vladimir Poutine : un pays où la violence conjugale a été dépénalisée, où les groupes LGBTQIA+ sont interdits car “extrémistes” et où la transition de genre est interdite. Ne vous y trompez pas. L’extrême droite a déjà bien trop fait l’expérience du pouvoir. Quant à savoir si une victoire aboutira à un rejet dans les urnes en 2027 : Donald Trump est sur le point d’être réélu, Viktor Orbán est au pouvoir depuis quatorze ans, le parti Droit et Justice a gouverné pendant huit ans. Giorgia Meloni a été élue en Italie après le désastreux passage au gouvernement de l’allié européen du Rassemblement National, La Ligue. Combien de vies de migrant·es ont été perdues, combien de personnes sont mortes de complications de grossesse (en Pologne, au moins six), combien de grossesses non désirées ont dû être menées à terme, combien de personnes trans ont été privées de soins de santé, combien de familles ont été séparées pendant que les autres attendaient la fin de ces expérimentations avec l’extrême droite ? La France est déjà témoin d’une montée effrayante des violences antisémites, islamophobes et racistes, dont les femmes et les filles sont souvent les premières victimes. Les femmes musulmanes ont été injustement ciblées dans les débats politiques en France depuis des décennies – leurs vêtements ont été interdits, les discriminations à leur égard institutionnalisées, et leur loyauté envers la France a été remise en question. Tout cela ne fera qu’empirer sous un gouvernement d’extrême droite qui souhaite interdire le hijab dans tous les espaces publics. Jordan Bardella et Marine Le Pen prétendent d’opposer l’antisémitisme, mais le fondateur de leur mouvement a commis à plusieurs reprises des actes de négationnisme de l’Holocauste et leurs candidat·es actuels ont écrit des horreurs contre les personnes juives en ligne. Depuis les élections européennes, dans lesquelles le Rassemblement National est également arrivé en tête, des témoignages de racisme décomplexé ont émergé dans tout le pays. Quel genre de comportements seront déchaînés si ce parti se voit confier les clés de Matignon ? Les politiques de genre et les politiques racistes de l’extrême droite ne peuvent pas être dissociées : l’idéologie sous-jacente de l’extrême droite partout est que les femmes blanches doivent avoir plus d’enfants, et que les femmes racisées doivent en avoir moins. Cette soi-disant “théorie du grand remplacement”, qui est née ici même en France, soutient que les migrant·es non-blanc·hes vont remplacer les personnes blanches en Europe, aux États-Unis, au Royaume-Uni. Sa base même est le contrôle des corps des femmes en dictant qui doit avoir des enfants et qui ne doit pas en avoir. Jordan Bardella et Marine Le Pen ne veulent pas que nous fassions ces connexions. Jordan Bardella et Marine Le Pen veulent que l’électorat français les voient comme une alternative politique légitime qui mérite une chance de gouverner. Le Rassemblement National prétend être un parti politique normal comme les autres, mais nous ne sommes pas obligé·es d’être d’accord. L’extrême droite est aux portes du pouvoir, mais nous ne sommes pas obligé·es de les laisser rentrer. Lisez des extraits de quatre ans de notre reportage sur les inégalités de genre et l’extrême droite ici : Les réseaux d’extrême-droite qui veulent interdire l’avortement en Europe Les féministes argentines face à la contre-attaque misogyne Quand l’avortement le plus proche est dans une zone de guerre La fin de Roe v Wade, le début de la criminalisation des fausses couches ? À propos de nousImpact est une newsletter hebdomadaire dédiée aux droits des femmes et des minorités de genre dans le monde entier. Vous aimez la newsletter ? Pensez à faire un don. Votre soutien nous permettra de financer cette newsletter et de lancer des nouveaux projets.
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