Bienvenue dans le cinquième épisode de la saison 2 de la newsletter économique des Glorieuses. Chaque mois, nous vous parlons économie, genre et race avec une perspective internationale, et avec l’appui de chercheuses. Le mois dernier, nous vous avions partagé le portrait de la chercheuse Carmen Diop, pionnière des études intersectionnelles en France. Ce mois-ci, nous avons invité la journaliste Barbara Wojazer à écrire sur un sujet très important qui demeure pourtant peu connu : les inégalités de patrimoine entre femmes et
Read english version, Economics, here. 14 février 2021 – temps de lecture : 8 minutes Orgueil et Préjugés À retenir
« Notre système économique biaisé permet à une élite d’ultra-riches d’amasser des richesses considérables pendant la récession la plus dramatique que nous ayons connue depuis la Grande Dépression, alors que des milliards de personnes ont du mal à joindre les deux bouts », dévoile le rapport annuel d’Oxfam sur les inégalités. La pandémie a exposé les inégalités économiques entre les personnes salarié.e.s, celles qui vivent au jour le jour, et qui ont souvent perdu leurs revenus, et celles qui En effet, il n’a fallu que neuf mois pour que les 1000 plus grandes fortunes de la planète, pour la plupart des hommes blancs, récupèrent leurs pertes économiques liées à la pandémie, selon Oxfam. Cette « précision » – sur les 1 000 plus grandes fortunes de la planète, la plupart sont des hommes blancs – n’est pas une surprise. Les inégalités de richesse se calquent souvent sur des discriminations de genre et de race. Les femmes accumulent moins de richesses que les hommes. Aux Etats-Unis, alors qu’une femme touche en moyenne 79 centimes pour chaque Pourquoi vous n’avez jamais entendu parler des inégalités de patrimoine Ces dernières années, les inégalités salariales sont devenues un cri de ralliement pour les défenseu.r.se.s de l’égalité entre les femmes et les hommes. Mais si la plupart d’entre nous avons déjà entendu parler des inégalités salariales (ce que les personnes gagnent), nous sommes moins à connaître l’existence des inégalités de patrimoine (ce que les personnes possèdent – id terre, propriété, capital). Pourquoi ? Parce que jusqu’à récemment, le marché du travail était considéré comme le principal champ de bataille pour atteindre l’égalité économique. Mais avec la fragilisation de l’État providence, un revenu décent ne suffit « Si vous n’en avez pas entendu parler, c’est simplement parce que l’on ne possède pas les données », explique Céline Bessière, sociologue spécialisée dans les inégalités de richesse entre femmes et hommes. « Internationalement, le travail statistique de ces dernières décennies s’est concentré sur les inégalités salariales. Pour l’instant, nous n’en avons pas sur le patrimoine ». Ces inégalités sont difficiles à mesurer car les enquêtes se basent sur le patrimoine total de chaque ménage, ce qui masque les inégalités entre les individus qui le composent. Des statistiques individuelles sont nécessaires pour mettre la lumière sur ces inégalités. « Avant que les mouvements féministes puissent s’emparer de cette injustice, il faudrait arriver à la mesurer », explique Céline Bessière. Les inégalités de patrimoine entre femmes et hommes augmentent En France, Marion Leturcq et Nicolas Frémeaux sont parvenu.e.s à dissocier les composantes individuelles dans les enquêtes de richesse réalisées sur des ménages. Leur résultat est inquiétant : l’écart de richesse entre femmes et hommes est passé de 9 % en 1998 à 16,3 % en 2015. Aux États-Unis, les principales sources d’accumulation de richesse proviennent des investissements et de l’immobilier, explique Sallie Krawcheck, PDG et cofondatrice de Ellevest, dans un entretien pour CBS. « Les femmes et les personnes de couleur ont été exclues de ces activités », déplore-t-elle. Et comme l’investissement et l’immobilier deviennent de plus en plus importants dans la constitution du patrimoine, l’écart de richesse entre les hommes et les femmes se creuse davantage. Mais il y a aussi d’autres raisons moins visibles qui expliquent cette tendance. « Il faut aller regarder ce qui se passe dans la famille hétéronormée pour comprendre l’ampleur des inégalités entre hommes et femmes dans la société », assure Céline Bessière. En collaboration avec la sociologue Sibylle Gollac, Céline Bessière a suivi des familles françaises pendant plus de 20 ans pour étudier comment elles reproduisent les inégalités de richesses entre femmes et hommes. Les chercheuses ont publié les résultats de cette enquête dans leur livre Le Genre du Capital, paru en mars 2020. Dans celui-ci, elles expliquent que les inégalités de richesse sont particulièrement perceptibles en période de séparation et d’héritage. En effet, les femmes ont traditionnellement été Selon ce même rapport, 29 % des pays ne Et même lorsque des pays, comme la France, ont « un droit formellement égalitaire, se maintiennent des inégalités, y compris au moment des successions », selon Sibylle Gollac. « L’enjeu n’est pas seulement le contenu du droit, c’est comment il est appliqué par les professionnels du droit », ajoute-t-elle. Si les normes inégales sont présentes tout au long de la vie de couple, les séparations conjugales sont un « moment révélateur », explique Céline Bessière. « A cause de la peur, ou parfois des menaces Les hommes ont plus facilement accès à « l’ascenseur de la richesse » Si les femmes et les hommes avaient les mêmes revenus, ceux des hommes seraient plus rapidement et plus facilement transformés en patrimoine, démontre la chercheuse Mariko Chang dans Shortchanged. Cela explique pourquoi, même si les inégalités salariales diminuent lentement, les inégalités de richesse suivent la tendance inverse. Dit autrement, « l’écart de richesse des femmes persisterait même si l’écart de revenu entre les genres était éliminé », explique Mariko Chang. Mariko Chang utilise le concept d’ « ascenseur de la Les femmes – et particulièrement les femmes racisées – ont quant à elles un plus faible accès à ceux-ci. Les raisons ? Les inégalités dans le monde du travail et les discriminations salariales, le faible accès aux avantages sociaux et à l’achat d’actions, ou encore l’attribution aux femmes des charges domestiques, provoquant souvent l’interruption de leur vie active. Tous ces éléments se cumulent et ralentissent la possibilité des femmes à monter dans « l’ascenseur Comme la richesse provient de sources si diverses, « combler » les inégalités de patrimoine requiert des politiques multidimensionnelles. Le premier pas consiste à réaliser des enquêtes pour mesurer les richesses individuelles et que les féministes et les politiques puissent évaluer leur ampleur avec précision. Les lois relatives à l’héritage et au divorce devraient aussi être adaptées pour garantir une répartition égale de la richesse, et les professionnels du droit devraient appliquer cette loi de manière égalitaire. Enfin, les gouvernements pourraient mettre en place des politiques structurelles pour permettre aux femmes d’accumuler des richesses, ou en d’autres UN MESSAGE DE NOTRE PARTENAIRE Depuis plus de 100 ans, L’Oréal est dédié aux métiers de la beauté. Avec un portefeuille international de 36 marques, le groupe a réalisé un chiffre d’affaires de 29,9 milliards d’euros en 2019 et compte 88 000 collaborateurs dans le monde. L’Oréal est de longue date un leader de l’égalité professionnelle. En 2019, les femmes représentaient 70 % de l’effectif total, 53 % des membres du conseil En 2019, L’Oréal était classé dans le “TOP 5 mondial” d’Equileap, première base de données à établir un classement de 3 500 entreprises cotées. Le groupe figure parmi les entreprises du Bloomberg Gender-Equality Index 2020, indice qui valorise les entreprises très engagées en faveur de l’égalité professionnelle. |