Bienvenue dans la newsletter Impact, votre guide des plus grands enjeux féministes à travers le monde. Cette semaine, nous mettons en lumière le combat pour le mariage pour tous et toutes au Japon. Vous n’avez pas le temps ? Voici la newsletter en bref :
Poursuivez votre lecture pour en savoir plus. Si vous voulez rester à jour sur les mobilisations féministes dans le monde, vous pouvez nous suivre sur Instagram et LinkedIn. C’est dans l’atmosphère joyeuse et printanière de la marche des fiertés de Tokyo en 2018 qu’Hillary, une étudiante canadienne, a rencontré Yuko sur Tinder. Leur amour commun de la nature les a rapprochées, et rapidement, les deux femmes ont emménagé ensemble. Le couple voulait se marier pour pouvoir rester ensemble après le retour d’Hillary au Canada. Il n’y avait qu’un problème : le mariage homosexuel est illégal au Japon. Tout semblait perdu pour les amantes maudites, mais grâce à leur élue locale, Etsuko Sakai, elles ont découvert une solution : elles ont pu obtenir un document appelé un “certificat de partenariat” auprès de la municipalité de Koganei, où elles vivaient. Depuis 2015, certaines municipalités et préfectures délivrent ces certificats pour aider les couples queer à contourner l’interdiction nationale du mariage homosexuel. Etsuko Sakai avait annoncé son intention d’introduire le système de partenariat à Koganei dans son programme politique. “Elle était candidate à sa réélection ; nous nous sommes portées volontaires pour coller des affiches pour elle”, a déclaré Hillary. Les certificats de partenariat ne donnent pas les mêmes droits en matière de succession, d’impôts et autres avantages que le mariage, mais ils permettent aux couples de même genre d’accéder à certains services publics de la ville où ils sont enregistrés, notamment les soins de santé, l’aide sociale et le logement. Le système de partenariat offre également une reconnaissance publique vitale des relations queer. Les militant·es LGBTQIA+ décrivent ces certificats comme une étape importante vers l’égalité du droit au mariage au Japon, le seul pays membre du G7 à ne pas autoriser les couples de même genre à se marier. Taïwan, voisin du Japon, est actuellement le seul pays asiatique à avoir entièrement légalisé le mariage homosexuel. Il est techniquement possible pour les couples de même sexe de se marier au Népal, mais seuls quelques-uns ont réussi à le faire, et une proposition de loi en ce sens reste bloquée par les tribunaux. En début d’année, la chambre basse du parlement thaïlandais a adopté un projet de loi sur le mariage pour tous·tes qui attend désormais l’approbation du Sénat et du roi. Le Code civil japonais définit le mariage comme étant entre un homme et une femme, et utilise l’expression “mari et femme”. L’article 24 de la Constitution japonaise stipule que le mariage doit être fondé sur “le consentement mutuel des deux sexes”. Ces derniers temps, différents tribunaux préfectoraux se sont prononcés en faveur des unions entre personnes de même sexe. Le mois dernier, le tribunal du district de Tokyo a déclaré que refuser aux couples homosexuels le droit de se marier enfreint la dignité de l’individu et l’égalité fondamentale des genres. Et la Haute Cour de Sapporo est devenue la première du pays à déclarer que les dispositions du Code civil et de la loi sur le registre des familles, en matière de mariage, vont à l’encontre de la Constitution. Les quartiers très fréquentés de Shibuya et Setagaya à Tokyo ont été les premiers à proposer ces certificats en 2015. Depuis, sur 47 préfectures, 27 ont introduit ce programme, qui couvre 453 municipalités locales comme Koganei. En mai 2023, au Japon, 5 171 couples s’étaient inscrits à ce système de partenariat. Miyagi, Fukushima et Shimane sont les seules préfectures qui ne disposent d’aucun système de partenariat. Pour demander le certificat, les couples doivent envoyer 20 photos avec des descriptions détaillées qui montrent l’évolution de leur relation et des factures qui prouvent qu’ils habitent ensemble. Hillary et Yuko ont dû prendre rendez-vous pendant les heures d’ouverture de la mairie de Koganei, ce qui signifiait perdre des heures de travail. Les couples hétérosexuels qui souhaitent se marier, eux, peuvent faire les démarches en ligne. “Alors que j’avais mon koseki [le registre de famille qui contient les documents importants], j’ai dû en présenter un autre, pour lequel j’ai dû me rendre dans ma ville natale. Je ne pouvais pas demander à ma famille de me l’envoyer car ils n’acceptent pas le fait que je sois queer”, a raconté Yuko. (C’est pour ça qu’elle préfère ne pas donner son nom de famille, et par association, celui d’Hillary.) De son côté, Hillary a dû obtenir une déclaration de l’ambassade du Canada à Tokyo, en présence d’un avocat pour signer et certifier qu’elle n’était pas déjà mariée. Lorsqu’elles se sont présentées à leur rendez-vous, elles ont obtenu le certificat en quelques minutes, et sont ainsi devenues le premier couple de même genre à Koganei à en recevoir un. Yuko a ensuite demandé un visa d’épouse pour le Canada et a suivi Hillary à Winnipeg en septembre 2021
Les couples mariés hors du Japon se tournent également souvent vers le système de partenariat. Les partenaires étrangers ne bénéficient pas du droit de résidence au Japon de la même manière que les couples mariés. C’est ce que le couple sud-africain Lisa Sanders et Adelaide Lae Sanders ont réalisé à leur arrivée à Tokyo en novembre 2021. Lisa avait obtenu une bourse pour poursuivre son doctorat à l’Université Aoyama Gakuin. À l’aéroport de Narita, Adelaide a été informée qu’elle ne pouvait entrer au Japon qu’en tant que touriste, même si elle avait avec elle son acte de mariage d’Afrique du Sud. Les agents de l’immigration ont poliment dit au couple qu’elles disposaient de 90 jours pour modifier le visa d’Adelaide. “On m’a donné une chambre simple dans mon logement universitaire, alors même que j’avais dit qu’Adelaide était ma femme. J’ai dû leur montrer notre acte de mariage. Un couple hétérosexuel n’aurait jamais eu besoin de présenter aucun document pour obtenir une meilleure chambre”, a déploré Lisa. Plus tard, alors qu’elles cherchaient un logement, plusieurs agents immobiliers ont refusé leur dossier. Le couple a demandé un certificat de partenariat en septembre 2023 dans la ville de Fuchu, où elles résidaient, et l’a reçu rapidement. « On l’appelle notre ‘carte de lesbiennes' », plaisante Adelaide. Le certificat s’est avéré utile récemment, quand Lisa a dû subir une opération chirurgicale, et l’hôpital a voulu savoir pourquoi c’était Adelaide qui avait donné son compte bancaire – les certificats de partenariat donnent aux couples des droits dans les établissements de santé qui pourraient autrement leur être refusés. Pour Adelaide et Lisa, obtenir le certificat de partenariat était aussi une façon de s’intégrer dans la société japonaise. “On aimerait être considérées comme un couple normal. On veut montrer que nous, les gays, on n’est pas des mauvaises personnes”, a déclaré Lisa. Gordon Hayward, un résident de Kawagoe dans la préfecture de Saitama et bénévole de l’association Rainbow Saitama, s’est marié avec un homme japonais, Hayato Watanabe, à San Francisco en 2014, juste après la En 2020, la ville de Kawagoe a adopté le système de partenariat, et Hayward et Saitama ont été le troisième couple à postuler. Avec leur nouveau certificat de partenariat, ils pourraient maintenant se déclarer comme famille en demandant une assurance maladie, une assurance vélo, pour obtenir une carte de crédit commune et être enregistrés à la mairie en tant que famille, plutôt que comme colocataires partageant la même adresse. Gordon Hayward explique qu’il considère le système de partenariat comme “une étape vers un objectif plus large.” La prochaine étape pour le système de partenariat est de le généraliser de manière uniforme dans toutes les préfectures. “Si on quitte Kawagoe et qu’on déménage à Chichibu, on devra se désinscrire de Kawagoe puis se réinscrire à Chichibu. Une fois qu’on aura un système à l’échelle de la préfecture, on pourra ensuite passer à un système à l’échelle nationale. Et ça prendra du temps, sans parler du mariage pour tous·tes. Le changement est lent au Japon”, a déclaré Gordon Hayward. Même si elles portent le Japon dans leur cœur, Hillary et Yuko sont moins optimistes : “Si les autorités s’arrêtent au partenariat, alors elles se dérobent à leurs responsabilités”, a annoncé Hillary. Yuko pousse maintenant Hillary pour qu’elle fasse les démarches pour obtenir une déclaration solennelle d’union libre au Canada. “Je veux un morceau de papier pour confirmer notre relation. C’est ma gueule de –– Priyanka Borpujari est une journaliste indépendante, enseignante et chercheuse qui a réalisé des reportages sur les droits humains et la justice au Japon, en Irlande, en Argentine, en Bosnie-Herzégovine, en Indonésie, au Salvador et en Inde. À propos de nousImpact est une newsletter hebdomadaire dédiée aux droits des femmes et des minorités de genre dans le monde entier. Vous aimez la newsletter ? Pensez à faire un don. Votre soutien nous permettra de financer cette newsletter et de lancer des nouveaux projets.
|
Inscrivez-vous à la newsletter gratuite Impact (francais) pour accéder au reste de la page
(Si vous êtes déjà inscrit·e, entrez simplement le mail avec lequel vous recevez la newsletter pour faire apparaître la page)
Nous nous engageons à ne jamais vendre vos données.