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Bienvenue dans la newsletter Impact, votre guide des mouvements féministes partout dans le monde. Cette semaine, Marine Caleb nous parle des féministes libanaises, qui luttent contre la précarité économique, les violences sexistes et maintenant, la guerre. Vous n’avez qu’une minute pour lire cette newsletter? On vous a préparé un résumé :
Poursuivez votre lecture pour en savoir plus. Si vous voulez rester à jour sur les mobilisations féministes dans le monde, vous pouvez nous suivre sur Instagram et LinkedIn. Patriarcat, guerre et corruption : les féministes libanaises face à des crises en cascade par Marine Caleb Depuis 2019, le Liban est paralysé par l’une des pires crises économiques au monde, après des années de corruption et d’une inflation hors de contrôle. Aujourd’hui, 80 % de la population vit dans la pauvreté. Si la vie continue, pour de nombreu·se·s Libanais·e·s, elle devient de plus en plus précaire. Les années de pandémie de Covid-19, l’explosion du port de Beyrouth qui a détruit une grande partie de la ville en 2020 et l’aggravation de la crise économique provoquée par la guerre en Ukraine ont laissé une population épuisée et au bord du gouffre. Les féministes ne font pas exception. “Après quatre ans de crise, on est sur nos réserves. La santé mentale, le stress, ce n’est pas évident”, déclare Vanessa Zammar, cofondatrice de Jeyetna, une initiative contre la précarité menstruelle. À la suite de tout cela est arrivée l’attaque du 7 octobre par le Hamas, et la guerre qui a suivi à Gaza. À quelque 600 kilomètres au nord, à la frontière entre Israël et le Liban, une autre bataille a lieu entre l’armée israélienne et le Hezbollah, un groupe qui soutient le Hamas. Au sud du Liban, 55 000 personnes ont été déplacées par les combats, d’après l’Organisation internationale pour les migrations. Depuis, le Liban est paralysé par l’attente et la peur d’un conflit dont la population n’a pas besoin. De leur côté, les mouvements féministes organisent ou rejoignent des marches et des actions en soutien au peuple palestinien. C’est par exemple le cas de Wing Women Lebanon, un groupe féministe qui a envoyé 5 750 serviettes et couches réutilisables aux femmes et aux enfants gazaouis. Une action qui répond à l’appel de la journaliste palestinienne Bisan Owda sur la précarité menstruelle et les problèmes d’hygiène des femmes à Gaza. “On écrit, on publie, on parle de cela, on participe aux manifestations organisées par d’autres groupes, on mobilise notre public“, explique Jana Nakhal, doctorante en urbanisme et militante féministe membre de la Marche mondiale des Femmes. “Sur nos réseaux sociaux, on a créé une série d’infographies pour expliquer la guerre avec une perspective féministe. On aborde les conséquences du colonialisme et de la guerre sur la souveraineté alimentaire, la fertilité, les terres ou le système de santé,“ dit-elle. Jeyetna. Le féminisme, une antidote au patriarcat et à la corruption ?La guerre n’est que le tout dernier front sur lequel les féministes s’engagent malgré l‘intense difficulté de la vie quotidienne au Liban. Déjà inégalitaire avant la crise, la situation des femmes au Liban n’a fait que s’aggraver. Elles sont les premières à avoir été au chômage (75 % des femmes en âge de travailler), les premières à vivre de l’insécurité alimentaire et les premières à devoir abandonner leur éducation. Le nombre de femmes victimes de violences sexistes et sexuelles augmente. Sans oublier la situation des plus vulnérables, telles que les personnes réfugiées, les travailleuses, migrantes ou encore les femmes en situation de handicap. Pour beaucoup, avoir ses règles relève maintenant du luxe. En 2021, alors que le pays s’enlise dans la crise, le gouvernement décide de subventionner 300 produits essentiels de base. Sur la liste, des rasoirs pour hommes, mais pas de tampons ni de serviettes hygiéniques. À cause de l’inflation et de la dépréciation historique de la livre libanaise, les femmes doivent désormais débourser 10 fois plus d’argent qu’avant pour un paquet de serviettes. En 2021, deux femmes sur trois au Liban vivaient dans la précarité menstruelle, d’après une étude de Plan International et Fe-Male, une association féministe libanaise. Le sujet était depuis longtemps déjà une priorité des organisations et militantes féministes, mais c’est cette décision du gouvernement qui a fait exploser les actions et la couverture médiatique. “C’était scandaleux et le public s’en est rendu compte“, dit Vanessa Zammar. En réponse, elle et Evelina Llewellyn ont fondé Jeyetna, dont le nom est inspiré de l’expression que les femmes utilisent lorsqu’elles ont leurs règles : Jeyetni (“elles sont arrivées”). “Nous voulions réunir la multitude d’initiatives travaillant sur la précarité et rendre ce sujet privé et tabou politique et public“, raconte Vanessa Zammar. Aujourd’hui, les bénévoles de Jeyetna parcourent tout le Liban pour distribuer des produits menstruels et lutter contre le manque d’informations, d’espaces de sécurité et de salles de bains propres et privées pour les personnes qui ont leurs règles. Evelina Llewellyn. L’activisme en crise“Le patriarcat et la corruption font que ces sujets ne sont pas une priorité,” déclare Lina Abou-Habib, militante, chercheuse féministe et directrice de l’Institut Asfari pour la société civile et la citoyenneté. Elle explique qu’une nouvelle vague de militant·e·s féministes “s’attaque aux inégalités en étant plus inclusives”. Parmi elle, la chercheuse inclut des regroupements comme Jeyetna, mais aussi des groupes de femmes migrantes comme le Mouvement anti-racisme, des collectifs LGBTQIA+ comme la Yalla Care Coalition et des cliniques qui défendent les droits sexuels et reproductifs. “Elles s’attaquent aux sources intersectionnelles de la crise”, affirme la chercheuse. Au milieu de ces crises en cascade, de nombreuses organisations féministes ont du mal à tenir. Vanessa Zammar confie que la situation économique oblige ses camarades militant·e·s à combiner plusieurs emplois en plus de leur militantisme : “Cela donne des journées hyper longues et une semaine de six jours de travail. On n’a pas le temps de se réunir“. Pendant ce temps, les intimidations du gouvernement forcent certain·e·s militant·e·s à se taire. “Beaucoup de facteurs ont participé à la disparition de certains types d’actions“, estime Lina Abou-Habib. “L’influence du ministre de l’Intérieur Bassam Maoulaoui, qui s’exprime librement contre la communauté queer et les femmes, joue un grand rôle, car cela devient dangereux de manifester.“ Pourtant, malgré les nombreux défis auxquels fait face le Liban, les féministes continuent de partager un besoin de travailler ensemble. Face à un État absent, elles restent motivées à agir, souvent bénévolement, car sans elles, de nombreuses femmes et filles se retrouveraient sans aucun soutien. — Journaliste indépendante basée au Liban, Marine Caleb se spécialise sur les migrations et les enjeux féministes. Elle est aussi rédactrice en chef du magazine des journalistes du Québec, Le Trente. À propos de nousImpact est une newsletter hebdomadaire dédiée aux droits des femmes et des minorités de genre dans le monde entier. PS : La newsletter est également disponible en anglais.
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