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On se lève. L’intérieur de la main est un peu engourdi. Cela ressemble à des fourmis mais ce n’est pas ça. Ca gratte un peu, ça fait des chatouilles. Des mini décharges plutôt. Ca ne fait pas mal du tout mais ça surprend, au début.

Dans le monde de Naomi Alderman, les jeunes filles de quinze ans commencent toutes – ou presque – à ressentir ce nouveau pouvoir qui naît en elles. « Electrisant ! Choquant ! Décoiffant ! Vous ne regarderez plus jamais les choses de la même façon » s’est exclamée Margaret Atwood (La servante écarlate), à la lecture de l’ouvrage.

C’est un monde nouveau qui s’ouvre aux jeunes filles. « On vous a enseigné que vous étiez souillées, que vous n’étiez pas saintes, que votre corps était impur et ne pourrait jamais abriter le divin. On vous a enseigné à réprimer tout ce que vous êtes et à n’aspirer qu’à être un homme. » Mais ça, c’était avant. C’était à une époque où les hommes régnaient sur la société depuis des millénaires : où ils avaient affamé les femmes jusqu’à ce que, au fur et à mesure des générations,  leurs tailles se réduisent, où les femmes victimes de violence étaient honteuses et ne parlaient, où les hommes gagnaient plus que les femmes, sans autre raison apparente que leur sexe. Inimaginable, n’est-ce-pas ?

Le monde de Noami Alderman ne ressemble en rien au notre. Roxy, fille de mafieux anglaise, un des quatre personnages que l’on suit s’exclame : « on va toutes devoir inventer ensemble quoi faire de ce pouvoir. Tu vois, les hommes, ils ont un avantage : la force physique. Mais les femmes ont elles aussi un avantage maintenant. » Il est certainement moins pire mais pas forcément meilleur. En Arabie Saoudite, deux filles ont été surprises par leur oncle en train de pratiquer leur pouvoir. Elles sont battues à mort. « Les voisines avaient riposté. Une douzaine de femmes, bientôt rejointes par une centaine d’autres. Rapidement devenues un millier. La police avait battu en retraite. Les femmes vociféraient ; certaines brandissaient des pancartes. Elles avaient compris leur force, tout d’un coup. »

Dans ce monde, les hommes ont peur. « Au début, nous taisions notre douleur parce qu’elle n’était pas virile. Aujourd’hui, nous continuons à la taire par peur, par honte, et parce qu’on se sent seul et désespéré, chacun dans notre coin. Il est difficile de préciser à quel moment ces dernières raisons ont pris le pas sur l’autre ». Les hommes ont peur de s’exprimer, de parler de ce qu’ils vivent, de marcher dans la rue : Un jour, sur la route, Tunde [journaliste nigérian] croisa un groupe de femmes qui plaisantaient et riaient en faisant jaillir des arcs vers le ciel, et Tunde se dit: Je ne suis pas là, je ne suis rien, ne me prêtez pas attention, je suis invisible. »… « aujourd’hui, pour la première fois, sur la route, j’ai eu peur. »

« Ces femmes font ça parce qu’elles le peuvent, voilà tout. » Les critiques de cette science fiction pourraient s’arrêter là : regardez, un monde dirigé par les femmes serait bien pire qu’un monde dirigé par les hommes. La réponse est oui, peut-être, nous n’en savons rien, cela n’a jamais été le cas dans nos sociétés modernes. Mais ce n’est pas le propos de ce roman.

L’intérêt est de repenser la notion même de pouvoir : « la forme de pouvoir est toujours la même : elle est infinie, complexe, elle se ramifie éternellement. Aussi longtemps qu’il est vivant, comme un arbre, il continue de croître ; aussi longtemps qu’il se contrôle, il est une multitude ». L’intérêt du roman de Alderman est de regarder la société et ses rapports de pouvoir sous le prisme du genre : il est dangereux d’avoir une structure où un sexe domine l’autre, où un sexe a le pouvoir de faire plier l’autre. Peu importe si le pouvoir est physique ou si le pouvoir est électrique. Peu importe le sexe aussi.

 

Crédits photo : photo de la 3e page de couverture de Le Pouvoir de Naomi Alderman.

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